En déclarant le soir du référendum de 1995 que le " vote ethnique " était en partie responsable de l'échec du oui, Jacques Parizeau avait lancé une véritable polémique. Mais, du coup, il a suscité une importante réflexion sur le comportement électoral des groupes ethnoculturels. Au cours de la dernière décennie, le vote des immigrés s'est diversifié.
" Même s'il a été politiquement incorrect, Jacques Parizeau avait raison, dit Carolle Simard, professeure au département de science politique de l'UQAM. Cela dit, les choses ont changé depuis. "
Une croyance veut que les communautés culturelles votent massivement pour le parti le plus fédéraliste. " Il est vrai que, au Québec, les membres des groupes ethnoculturels ont longtemps favorisé le Parti libéral, dit Carolle Simard. Ce comportement est maintenant différent. "
Samir Georges Moukal, spécialiste du comportement électoral des communautés ethnoculturelles au département d'histoire, de sociologie et de politique de l'UQAM, observe lui aussi une diversification des votes. " Le regard est plus réfléchi, dit-il. Les immigrés ne représentent pas qu'une seule voix. C'est fini, cela. "
Salam Elmenyawi est président du Conseil musulman de Montréal, qui regroupe environ 175 000 membres. Il affirme qu'on ne peut plus parler d'un vote monolithique. " Oui, ils ont encore des craintes, celle de perdre des droits. Mais je remarque qu'il y a une plus grande liberté dans les choix. "
Les candidats qui se battent actuellement pour obtenir un siège auraient tort, selon Carolle Simard, de ne pas tenir compte de ces changements. " Les immigrés me disent qu'on tient trop souvent leur vote pour acquis. Et ils détestent cela. "
Le récent scandale des commandites et le débat sur les accommodements raisonnables ont contribué à modifier la perception des électeurs d'origine étrangère. " M. Dumont a peu de chances d'aller chercher le vote des immigrés ", dit M. Moukal, qui croit par ailleurs que la question de l'immigration occupe peu de place dans l'actuelle campagne.
Il est difficile, voire impossible de décortiquer les choix politiques des immigrés. " On sait peu de choses là-dessus à part que les Haïtiens sont les plus susceptibles de faire un vote souverainiste ", dit Mme Simard.
" Je remarque que les immigrés francophones ont plus de chances d'être charmés par le PQ ", ajoute de son côté M. Moukal.
Ce qui semble plus clair, c'est que les immigrés s'intéressent de plus en plus à la politique québécoise. " Je ne sais pas ce qui se passe avec l'actuelle campagne, mais les gens de la communauté haïtienne en parlent beaucoup, dit Jean-Ernest Pierre, directeur de Radio-Union. On fait des tribunes téléphoniques et on entend des discussions passionnées de la part de partisans du PLQ, mais aussi du PQ et de l'ADQ. "
Études à l'appui, les électeurs appartenant aux groupes des minorités visibles sont moins nombreux à s'inscrire sur les listes électorales que les autres. " Dans tout le processus d'intégration pour un immigrant, la participation à la vie politique est la dernière étape ", explique Carolle Simard. On peut en déduire que, lorsqu'il vote ou discute de la politique de son pays d'adoption, il se sent pleinement intégré. "
Même si le " vote ethnique " est de plus en plus diversifié, les immigrés continuent de craindre les partis qui symbolisent le conflit. " C'est normal que certains aient peur du projet souverainiste, dit Carolle Simard. Plusieurs quittent des situations difficiles. Ils viennent ici pour trouver la quiétude. Ils sont admiratifs face à notre démocratie. Peut-être est-ce trop leur demander? "
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