Les partis politiques, comme les humains, peuvent mourir. Dans ma propre vie, j’ai assisté à la mort du Rassemblement pour l’indépendance du Québec qui s’est fait hara-kiri au profit du Parti québécois.
J’ai aussi assisté à la fin inévitable de l’Union nationale, le parti qui a marqué avec Maurice Duplessis à sa tête le nationalisme conservateur transformé par la Révolution tranquille.
Le Parti québécois a subi une défaite historique en octobre dernier. La plus douloureuse et spectaculaire depuis sa création. Son chef intérimaire actuel, Pascal Bérubé, et ses neuf collègues élus à l’Assemblée nationale ne sont enviés par personne. La formation flamboyante, dynamique, surdouée et habitée par l’espoir fou de libérer le Québec est aujourd’hui dans une situation pathétique.
D’abord, le PQ n’arrive pas à sortir de l’état de choc du 1er octobre dernier, jour où la CAQ dirigée par le souverainiste reconverti François Legault a balayé le Québec, un événement électoral extrême qu’on ne retrouve guère au Canada anglais.
Traumatisme
Mais le parti ne semble pas pouvoir surmonter le traumatisme. Durant leur réunion de deux jours cette semaine dans les Laurentides, les militants semblaient incapables d’établir les paramètres de leur action future. En refusant de publiciser leurs débats autour de leur échec électoral, le PQ n’est-il pas en train de suivre les traces de Québec solidaire qui pratique depuis longtemps l’opacité ?
On ne saisit pas la position du PQ en matière de laïcité, par exemple. En voulant maintenir une « clause grand-père » qui permettrait aux personnes de continuer de porter des signes religieux ostentatoires dans l’exercice de leurs fonctions — principalement des femmes voilées, il faut le préciser —, on comprend que le PQ s’opposera à la loi annoncée par François Legault.
Le chef intérimaire Pascal Bérubé assure qu’il n’y a pas division sur la laïcité au sein de ses troupes. Il prétend connaître leur position, mais refuse de la publiciser dans les médias.
Faux-fuyants
Toutes ces entourloupettes et ces faux-fuyants ne peuvent qu’attrister ceux qui ont respecté le PQ, l’ont apprécié ou s’y sont même opposés depuis la défaite du second référendum en 1995.
Il est pénible, désolant et bouleversant de voir les péquistes vivre ce qui semble être les dernières années du rêve souverainiste tel qu’articulé par des politiciens dont on peut affirmer qu’ils étaient dans notre histoire parmi les serviteurs de l’État les plus doués, remarquables et charismatiques.
Nous avons changé de paradigme. L’époque est troublante et se vit collectivement avec un sentiment de déracinement. Des sables mouvants nous guettent. Les mouvements sociaux et politiques sont à l’image d’une évolution sans cesse malmenée.
Le PQ a perdu la guerre. Le temps ne s’accorde plus à son objectif. Autrement dit, la CAQ a réussi à s’inscrire dans un pragmatisme sans états d’âme. Le ton des discours de François Legault à Paris cette semaine était tout sauf lyrique. Or, la génération lyrique qui a créé le PQ est en voie de disparition. Les survivants s’inscrivent dans un réalisme politique efficace, certes, mais brutal pour les âmes tourmentées des péquistes romantiques.