À une semaine de la rentrée scolaire, les deux commissions scolaires anglophones de l’île de Montréal hésitent encore à appliquer la Loi sur la laïcité de l’État, qui interdit aux enseignants et aux directions d’école de porter des signes religieux.
Les commissions scolaires English-Montréal (CSEM) et Lester-B.-Pearson (CSLBP) doivent débattre de cet enjeu chaud en conseil des commissaires la semaine prochaine. Les dirigeants des deux organisations affirment depuis des mois qu’ils n’appliqueront pas la loi, mais s’interrogent sur les conséquences de la désobéissance civile.
« Nous allons discuter de la loi 21 à notre prochain conseil des commissaires », a indiqué Michael Cohen, de la CSEM. « Je vais vous revenir une fois qu’on aura les réponses au sujet de notre décision », a renchéri Jim Hendry, de la CSLBP.
Invité par Le Devoir à réagir aux hésitations à interdire les signes religieux, le ministre Jean-François Roberge s’est fait insistant : « On s’attend à ce que toutes les commissions scolaires appliquent la Loi sur la laïcité sans exception », a indiqué Francis Bouchard, attaché de presse du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
La Commission scolaire de Montréal (CSDM) — la plus grande au Québec — a fait une volte-face spectaculaire cette semaine : deux mois après avoir résolu à l’unanimité de repousser d’un an la mise en oeuvre de la loi 21, elle vient de décider d’appliquer dès maintenant l’interdiction de porter des symboles religieux pour les enseignants et les directions d’école. La direction de la commission scolaire a convaincu la majorité des commissaires élus que l’organisation s’expose à des poursuites, à des sanctions ou à la tutelle si elle ne respecte pas la loi.
Devant la résistance de la CSDM, le ministre Jean-François Roberge avait rencontré la présidente, Catherine Harel Bourdon, à la fin du mois de juin. Le geste avait porté ses fruits, puisque la commission scolaire a changé d’avis dans les semaines suivantes. Le ministre compte-t-il rencontrer à leur tour les deux commissions scolaires anglophones ?
« Pas pour l’instant. Nous sommes confiants [à savoir] qu’elles appliqueront la loi, comme toutes les commissions scolaires », répond le cabinet du ministre.
Les deux autres commissions scolaires francophones de Montréal, Pointe-de-l’Île (CSPI) et Marguerite-Bourgeoys (CSMB), ont indiqué au Devoir qu’elles appliqueraient la Loi sur la laïcité. La CSMB, deuxième en importance au Québec, ignorait à la fin du mois de juin si elle ferait respecter l’interdiction du port de signes religieux, mais la réponse était oui jeudi.
Inadaptée à Montréal
Qu’elles appliquent ou non la Loi sur la laïcité, les cinq commissions scolaires de l’île de Montréal ont émis des réserves sur la pertinence de bannir le port de symboles religieux pour les enseignants dans le contexte de la diversité montréalaise. Cette interdiction contredit l’identité même des écoles de l’île, où des gens de toutes les cultures et de toutes les origines se côtoient au quotidien, font valoir les commissions scolaires.
Une pression supplémentaire vient s’ajouter, surtout dans les commissions scolaires francophones : la loi 21 risque d’aggraver la pénurie de profs qui frappe fort depuis deux ans. Sans oublier que les droits des nouvelles enseignantes portant le voile sont bafoués, estiment les commissions scolaires et les syndicats de l’enseignement.
Déjà, la CSDM indique dans ses offres d’emploi que la candidature de nouveaux profs portant des symboles religieux n’est pas acceptée : « Les employés de la Commission scolaire de Montréal sont soumis à la Loi sur la laïcité de l’État. Cette loi prévoit, entre autres choses, l’interdiction pour les enseignants, les directions et directions adjointes d’établissement, embauchés après le 27 mars 2019, de porter un signe religieux et l’obligation pour l’ensemble du personnel de la CSDM d’exercer ses fonctions à visage découvert. »
La communauté anglophone ne digère toujours pas cette interdiction des signes religieux. Des étudiants ont soumis de nombreuses questions à ce sujet au député de Sainte-Rose, Christopher Skeete, responsable des relations avec la communauté d’expression anglaise, lors d’un événement à l’Université Bishop’s de Lennoxville, la semaine dernière. « Il s’agissait manifestement d’une préoccupation pour les jeunes anglophones, dont beaucoup appartenaient à des communautés diverses », dit Rita Legault, responsable des communications du Quebec Community Groups Network.
La loi 21 fait partie des gestes du gouvernement caquiste qui irritent la communauté anglophone. La transformation prévue des commissions scolaires en simples centres de services inquiète encore plus les anglophones, qui considèrent le contrôle de leurs institutions d’enseignement comme un droit garanti par la Constitution canadienne.