Gouvernement Trudeau: plus de la moitié des sénateurs ne maîtrisent pas le français

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Le bilinguisme canadien, une fumisterie qui dure depuis bien trop longtemps



Plus de la moitié des sénateurs nommés par le gouvernement Trudeau ne maîtrisent pas le français et certains ne sont même pas intéressés à l’apprendre.




Au cours des dernières semaines, notre Bureau d’enquête a contacté les 49 sénateurs qui sont entrés à la Chambre haute depuis l’arrivée au pouvoir des libéraux en 2015.




Ils ont tous été soumis à un questionnaire pour déterminer leur connaissance des deux langues officielles du pays.




  • Sarah-Maude Lefebvre était à Dutrizac de 6 à 9 sur QUB radio:








Au total, 40 sénateurs nous ont répondu. Seulement 16 se sont dits bilingues.




Les 24 autres ont affirmé qu’ils connaissaient peu ou pas le français, mais qu’ils maîtrisaient l’anglais et/ou une langue autochtone.




Une seule sénatrice, la Québécoise Marie-Françoise Mégie, s’est désignée comme unilingue francophone.




Le français, pas obligatoire




Les sénateurs ne sont pas tenus d’apprendre ou de parler les deux langues officielles, selon le règlement du Sénat.




Pourtant, la Chambre haute est dotée d’un Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui étudie actuellement la question de la modernisation de la Loi sur les langues officielles.




Plusieurs sénateurs nous ont dit suivre des cours de français ou avoir l’intention d’en suivre.




Par exemple, la sénatrice ontarienne Yvonne Boyer, qui est membre de la Nation métisse, parle le mitchif et l’anglais, en plus de posséder une connaissance de base du français. Elle a dit « valoriser le bilinguisme » et affirme qu’elle suivra des cours de français cet été.




Pas intéressés




Mais d’autres membres du Sénat ne montrent pas le même empressement pour la langue maternelle de 7,4 millions de personnes au pays, selon les chiffres les plus récents de Statistique Canada.




L’honorable Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard, nous a écrit en anglais qu’elle avait décidé de ne pas suivre de cours de français, car elle sera au Sénat moins de six ans, « ce qui est bien moins que ce qu’il ne me faudrait pour devenir fonctionnelle dans une langue seconde ».




Son collègue de la Saskatchewan, Marty Klyne, qui se décrit dans sa biographie sur le site du Sénat comme « un fier Métis cri », nous a laconiquement écrit qu’il parlait « seulement l’anglais » et a répondu « non » lorsqu’on lui a demandé s’il envisageait des cours ou d’autres mesures pour apprendre le français.




En 2017-2018, le Sénat a consacré un budget de plus de 50 000 $ à la formation linguistique des sénateurs et des membres de leur personnel qui ont accès, sur demande, à des cours de français.




– Avec la collaboration de Sarah Daoust-Braun




♦ Les langues autochtones ne sont pas considérées comme des langues officielles au Canada, mais le gouvernement Trudeau a reconnu l’importance de les protéger et a déposé en février un projet de loi en ce sens, créant du même coup un Bureau du commissaire aux langues autochtones.




Ils ne maîtrisent pas les deux langues officielles





Valoriser le bilinguisme



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Yvonne Boyer (Ontario)




♦ La sénatrice parle anglais couramment ainsi que sa langue maternelle, le cri mitchif. Elle dit « valoriser le bilinguisme » et compte suivre des cours de français cet été.







L’anglophone pure et dure



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Diane F. Griffin (Île-du-Prince-Édouard)




♦ Cette unilingue anglophone ne compte pas apprendre le français de sitôt. Elle a été nommée au Sénat en 2016 et sa retraite du Sénat est fixée en 2022. Elle nous a écrit en anglais : « Je ne me suis pas inscrite à des cours de français, car je passerai moins de six ans au Sénat, ce qui est bien moins que ce qu’il me faudrait pour devenir fonctionnelle dans une langue seconde. »







Il parle deux dialectes



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Mohamed-Iqbal Ravalia (Terre-Neuve-et-Labrador)




♦ Le sénateur a le don des langues : il parle l’anglais, un dialecte indien (gujarati) et une langue principalement utilisée au Zimbabwe, le shona. Il ne parle pas français, mais affirme suivre des cours depuis sa nomination au Sénat en juin 2018. « Parlez-vous l’un ou l’autre de ces dialectes ? » nous a-t-il demandé.







Priorité à sa langue autochtone



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Dan Christmas (Nouvelle-Écosse)




♦ Son équipe a exigé que nos questions adressées au sénateur soient rédigées en anglais, « si vous désirez une réponse ». M. Christmas parle anglais et micmac. Il a indiqué que sa priorité était de maîtriser le micmac.




« J’ai une question. Les médias québécois sont-ils disposés à apprendre­­­­ les langues autochtones communes au Québec ? » nous a-t-il demandé.







L’unilingue francophone



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Marie-Françoise Mégie (Québec)




♦ La sénatrice suit des cours d’anglais depuis son entrée au Sénat il y a 2 ans.







Usage exclusif de l’anglais



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Pat Duncan (Yukon)




♦ Elle utilise « exclusivement l’anglais ». « Au moment (sic), la sénatrice n’est pas certaine si elle a l’intention de suivre des cours éventuellement. Elle est encore entraîne (sic) d’apprendre la meilleure façon de servi (sic) les gens du Yukon en tant que Sénatrice », nous a écrit son adjoint spécial.







La sénatrice enthousiaste



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Kim Pate (Ontario)




♦ Elle parle « un peu » le français, qu’elle a déjà pratiqué au moyen d’un logiciel depuis son entrée au Sénat en 2016. Elle se dit « enthousiaste » à l’idée d’améliorer ses compétences en français.







Des cours, peut-être éventuellement



Sénat

Photo courtoisie, Sénat du Canada







  • Paula Simons (Alberta)




♦ Elle parle français « un peu » et nous a écrit qu’elle comptait suivre des cours « peut-être » cet été, avant de se raviser. « Vraiment, c’est seulement un objectif que je voudrais réaliser éventuellement. Mais, je sais que j’ai besoin d’apprendre plus. »







D’où viennent ces chiffres ?




Sur les 49 sénateurs nommés par le gouvernement Trudeau à qui nous avons envoyé le questionnaire :




  • 24 se disent unilingues anglophones avec une connaissance faible ou de base du français

  • 16 se disent bilingues

  • Une sénatrice est unilingue francophone

  • 8 sénateurs n’ont pas répondu à nos questions malgré plusieurs appels et courriels. Plusieurs d’entre eux s’expriment uniquement ou très majoritairement en anglais sur les réseaux sociaux comme Murray Sinclair (Manitoba) et Ratna Omidvar (Ontario).












Seulement un « atout »





Le bilinguisme n’est considéré que comme un « atout » et fait partie des critères « additionnels » de sélection des sénateurs, selon le site web du Comité consultatif indépendant sur les nominations au Sénat.




Créé en 2016, ce comité fournit une courte liste « non contraignante » de potentiels sénateurs au premier ministre lorsqu’un poste est à pourvoir.




L’attachée de presse principale au cabinet de Justin Trudeau, Chantal Gagnon, affirme que le bilinguisme est un critère important pour le premier ministre dans le choix des sénateurs.




« Depuis octobre 2015, 49 % des personnes que nous avons nommées sont parfaitement ou fonctionnellement bilingues, soit 100 % des nominations provenant du Québec et 36 % des nominations à l’extérieur du Québec », nous a-t-elle indiqué par courriel.




À son arrivée au pouvoir, le premier ministre Trudeau avait été salué pour avoir mis en place des mesures afin de renforcer l’indépendance du Sénat.




En revanche, sur le plan linguistique, il s’était fait vivement critiquer lorsqu’il avait nommé George Furey, un unilingue anglophone, à la présidence du Sénat.




Le bilinguisme serait souhaitable





Des experts croient qu’il serait souhaitable que les sénateurs réussissent à tout le moins à comprendre les deux langues officielles.




« À partir du moment où le Canada s’inscrit dans une politique de bilinguisme institutionnel, on pourrait s’attendre à ce que cela fasse partie des critères de base d’avoir des sénateurs [bilingues] », affirme Steve Jacob, professeur au département de science politique de l’Université Laval.




Comme le souligne ce dernier, il n’y a toutefois aucune exigence en la matière.




« Ça démontre l’intérêt à l’ouverture et à la diversité linguistique du pays (de chacun des sénateurs) », dit-il.




Jean-François Savard, professeur agrégé à l’ÉNAP, croit pour sa part que la représentativité linguistique est importante et qu’il serait difficile d’exiger le bilinguisme de la part de tous les sénateurs.




« Mais est-ce que c’est souhaitable qu’un sénateur arrive à comprendre les deux langues ? Oui ! La langue, au-delà des mots, ça porte une culture [...] Comment arriver à comprendre un projet de loi qui pourrait être proposé par des sénateurs du Québec quand vous ne comprenez même pas le Québec ? Ou inversement ? » demande-t-il.