Ottawa se réjouit des conclusions «réalistes» de la conférence de Copenhague sur les changements climatiques. De fait, pour parler «réalisme», évoquons plutôt le cul-de-sac dans lequel les chefs de gouvernement se sont allègrement engouffrés au bout de deux semaines de vaines discussions.
Pendant que le premier ministre, Stephen Harper, faisait le mort, lui qui s'est rendu sur place de force, la présence du président Obama lui enlevant tout prétexte pour demeurer chez lui, son ministre Jim Prentice défendait une position canadienne rétrograde.
Le Canada conservateur voulait d'abord et avant tout gagner du temps et éviter tout accord contraignant, quitte à se mériter une belle collection de prix Fossile fort peu flatteurs. Il peut crier victoire, et tant pis pour l'avenir de la planète.
La politique fédérale s'inscrit dans une logique purement financière. Le pétrole rapporte gros, mais l'exploitation des sables bitumineux de l'Ouest coûte encore plus cher à l'environnement.
Le premier ministre de l'Alberta tente de convaincre la population en vantant les bienfaits de la péréquation pour le Québec, et maintenant aussi pour l'Ontario. Son pétrole paierait nos hôpitaux et nos écoles.
Belle logique, qui voudrait de la même manière que les exportations d'amiante québécois, interdit dans pratiquement tous les pays développés pour des raisons de santé publique, aident à payer nos garderies ou nos parcs naturels.
Il faut rompre ce cercle vicieux. Visiblement, les conservateurs n'ont pas lu ou ont déjà oublié le constat d'extrême urgence posé il y a sept ans déjà par le Programme des Nations unies pour l'environnement.
L'étude publiée en 2002 soulignait qu'une grande partie des transformations environnementales des 30 années suivantes étaient déjà à l'oeuvre.
Elle rappelait également que les éventuelles mesures compensatoires prendront de longues années avant de manifester leurs effets, d'où le besoin d'entreprendre «une action ambitieuse et coordonnée tout de suite et la poursuivre pendant de nombreuses années».
Résultat : sept ans plus tard, le Canada se retrouve hors jeu. M. Harper n'a même pas été invité dans le club sélect des négociateurs de la dernière chance, à Copenhague.
Le leadership acquis lors de la Conférence de Montréal, en 2005, a fondu comme neige au soleil. Sous l'impulsion de Stéphane Dion, alors ministre de l'Environnement, tous les gouvernements avaient adopté un plan d'action pour concrétiser le Protocole de Kyoto et préparer la suite des événements.
La suite, justement, a de quoi mortifier ceux qui veulent sauver la planète contre les changements climatiques. Le Québec et l'Ontario peuvent s'insurger à leur guise contre l'inaction fédérale, les deux provinces n'y peuvent rien.
Jean Charest a beau se faire un chantre de l'environnement depuis le sommet de Rio, en 1992, et affirmer qu'il y avait «deux Canada» à Copenhague, il n'ira pas plus loin.
Non pas qu'il ait des sincérités successives, mais tout simplement parce que M. Harper, tout «climatosceptique» soit-il, devra un jour se rendre à l'évidence : on ne bâtit pas une économie sur l'argent sale du pétrole.
Personne ne propose de revenir à l'âge de pierre ou encore au romantique mais très pollueur poêle à bois. Mais nul n'a raison d'être fier de son gouvernement fédéral, au lendemain d'un échec que ce dernier juge positivement.
«Le Canada travaille à aligner ses politiques sur l'énergie propre et les changements climatiques sur celles de l'administration Obama, a dit M. Harper à la suite de la conférence. Cette approche reconnaît la forte intégration de nos deux économies.»
Prochaine étape, donc : faudra-t-il quémander le droit de vote aux élections américaines?
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé