Stupide jusqu'à la dernière goutte

Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques


S'il y a une chose que nous avons apprise à Copenhague, c'est que l'image du Canada a piqué du nez dans l'opinion mondiale.
Avant, quand les étrangers entendaient le mot «Canada», ils voyaient des étendues sauvages remplies d'épinettes, de rivières et de caribous. Maintenant, ils voient des lacs remplis de pétrole, des paysages lunaires s'étendant sur des milliers de kilomètres carrés et des forêts saignées à blanc.
Et tout ça, à cause d'un seul projet : l'exploitation des sables bitumineux de l'Alberta dénoncée partout aux quatre coins de la planète.
LE CRIME DU SIÈCLE
Il y a deux ans, le journaliste montréalais William Marsden publiait un essai choc sur le sujet : «Stupid to the last drop : How Alberta is bringing environmental Armageddon to Canada» (Stupide jusqu'à la dernière goutte : comment l'Alberta amène l'apocalypse environnemental au Canada).
Marsden couvre habituellement le crime organisé pour le quotidien The Gazette. Pourquoi s'est-il intéressé aux sables bitumineux ? Parce que, pour lui, c'est la même chose !
«Franchement, je crois que ce qui se déroule en Alberta est un crime, a-t-il déjà dit en entrevue au magazine Maclean's. Des gens qui ressemblent à des gangsters ont littéralement pris le contrôle de la province et l'ont complètement sabotée...»
«À la fin des années 1950, un géologue américain voulait faire exploser une bombe nucléaire dans le sous-sol albertain pour libérer le pétrole des sables bitumineux, a dit Marsden. Heureusement, son plan n'a pas été mis en exécution.»
«Mais ce qui se passe actuellement est tout aussi révoltant.»
LE MONDE DES AFFAIRES SENSIBILISÉ
Le livre de Marsden n'est pas passé inaperçu. En avril 2008, il a remporté le National Business Book Award, l'un des prix littéraires les plus prestigieux et les plus respectés au Canada. Parrainé par PricewaterhouseCoopers et BMO Groupe financier, ce prix est décerné à l'auteur d'un livre exceptionnel portant sur le monde des affaires.
Bref, le message de William Marsden n'a pas seulement trouvé écho chez les militants vert pur et durs, il a aussi sensibilisé le monde des affaires.
Enfin... une partie du monde des affaires. Car certaines entreprises (comme Power Corporation, qui détient des investissements dans Total, un géant pétrolier qui espère tirer un minimum de cinq milliards de barils de pétrole des sables albertains au cours des 30 prochaines années) continuent de faire la sourde oreille aux avertissements des spécialistes sous prétexte que l'économie justifie et pardonne tout.
FAITES CE QUE JE DIS, PAS CE QUE JE FAIS
«On nous présente l'exploitation des sables bitumineux comme un projet d'avenir, continue Marsden. Or, c'est tout le contraire. Le fait que nous sommes prêts à faire autant de dégâts pour extraire du pétrole montre à quel point nous sommes au bout du rouleau...»
Coïncidence savoureuse : en avril 2008, deux semaines avant que William Marsden ne remporte le prestigieux National Business Book Award, Al Gore était de passage à Montréal pour prononcer un discours.
Dans les pages du journal La Presse, qui organisait l'événement, on pouvait voir une photo de l'ex-vice-président américain aux côtés de l'environnementaliste Jean Lemire et d'André Desmarais, le président de la direction de Power Corporation !
D'un côté, on donne la main au géant vert. De l'autre, on brasse des affaires avec Total.
C'est ce qu'on appelle être en business...


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