On est coupé de notre passé

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« Tout comme on n’a jamais été aussi ouvert sur le monde, on n’a jamais été aussi coupé de notre passé »

Une nièce de ma femme qui est née et qui vit en France a passé une partie de l’été à Montréal.


L’autre jour, elle a demandé à ma douce de lui passer un livre qui lui permettrait d’en connaître un peu plus sur l’Histoire du Québec.


Sophie lui a passé Reflets de mémoire, un magnifique recueil de photos publié par Les Archives nationales du Québec.


Si une image vaut mille mots, ce livre remarquable qui retrace l’évolution du Québec par le biais de centaines de vieilles photos de famille vaut 10 bibliothèques à lui tout seul. 


LA MISÈRE NOIRE


Ce superbe livre s’ouvre sur une citation de Lionel Groulx : « Non, un peuple ne se sépare pas de son passé, pas plus qu’un fleuve ne se sépare de sa source, la sève d’un arbre, de son terroir. »


Effectivement, l’histoire est un long fleuve majestueux. Mais si un peuple ne peut se séparer de son passé, comme l’a dit le chanoine Groulx, il peut par contre ne pas le connaître. 


Regardez le choc qu’a causé le très beau documentaire de Félix Rose, Les Rose, sur les conditions misérables dans lesquelles ont grandi de nombreux Québécois francophones, lorsque ce long métrage est sorti en salles. 


Beaucoup de jeunes se sont dit : « Hein ? C’est quoi ça ? Des Québécois ont vraiment grandi dans de tels taudis ? »


Eh oui. Des Québécois ont vraiment grandi dans de tels taudis.


C’est ce que Pierre Vallières écrivait dans Nègres blancs d’Amérique


Un livre essentiel qu’on ne peut maintenant plus citer dans nos universités. 


Nos universités, bordel ! 


UN CONTINENT ENGLOUTI


Je lis présentement Raboliot, le roman bucolique de Maurice Genevoix qui a remporté le prix Goncourt en 1925. 


L’histoire d’un braconnier poursuivi par des gardes-chasse. 


Pour une récente édition de ce chef-d’œuvre de la littérature francophone, qui est rempli de mots savoureux aujourd’hui malheureusement disparus, on a demandé au philosophe Pascal Bruckner d’écrire une préface.


Son court texte, admirable, devrait être lu dans tous les cours d’Histoire. 


« Ouvrir ce livre, c’est entrer en contact avec l’étrangeté, d’écrire Bruckner. 


« Le monde décrit par Genevoix, celui des paysans, des ruraux, nous est devenu plus lointain que l’Asie ou l’Afrique car il gît dans une géographie engloutie à jamais, celle du passé. »


C’est en plein ça. 


Vous feuilletez le livre Reflets de mémoire, des Archives nationales du Québec, et vous avez l’impression de regarder des photos d’une tribu d’Asie. 


Tout comme on n’a jamais été aussi ouvert sur le monde, on n’a jamais été aussi coupé de notre passé.


De nos racines.


On danse sur de la musique sud-coréenne, mais on ne sait plus d’où l’on vient. 


On voyage dans l’espace, mais plus dans le temps. 


Le dépaysement, maintenant, le vrai, n’est plus géographique mais temporel.


RÉPÉTER LE PASSÉ


« Les peuples qui ne connaissent pas leur Histoire sont condamnés à la répéter », dit l’adage.


Regardez ce qui se passe dans le Québec d’aujourd’hui. 


On refait le coup du Beau Risque. 


Et on chante de nouveau les vertus du bilinguisme. 


On bégaie. 


Comme disait Marx : « L’Histoire se répète deux fois. La première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce... »