L'échec relatif — voire total — de la conférence de Copenhague est-il une catastrophe?
Oui, si vous êtes convaincu que le réchauffement climatique peut vraiment causer la fin du monde d'ici le XXIIe siècle et qu'il représente un problème tel que la seule réponse qui vaille est globale, coordonnée planétaire et uniforme.
Non, si vous croyez que la vieille maxime «Penser globalement, agir localement» — naguère l'un des mots favoris des écologistes, mais aussi une intuition profonde sur notre rapport à l'univers — conserve de sa valeur jusqu'en 2009.
Sous un angle diplomatique, l'échec de Copenhague souligne et accentue plusieurs tendances:
- La «gouvernance mondiale» est encore un rêve. Et le fait que la diplomatie internationale se soit essayée, cette fois, au domaine de l'environnement, n'y change rien.
- L'ONU voit sa stature diminuée par l'épisode, et l'on aurait tort de ne blâmer que le personnage falot de Ban Ki-moon pour expliquer cette défaillance. La grande organisation censée représenter l'espoir du monde et sa volonté d'agir de concert a peut-être des problèmes de leadership, mais sa paralysie est structurelle.
- Deux acteurs nationaux dominent nettement la scène mondiale en ce début de siècle: la Chine et les États-Unis, que certains appellent le «G2». On le savait, mais on le sait encore plus aujourd'hui. À Copenhague, le caractère central des positions chinoises, l'espèce de cour bourdonnante qui s'est formée autour de la délégation de Pékin, ont frappé les observateurs du ballet diplomatique au Bella Center de Copenhague.
- L'accord au rabais annoncé par le président Obama — dont certains disent qu'il n'est qu'un simulacre, mais qui reste tout de même ce dont les participants ont accouché, le «résultat» concret de cette conférence — a été signé par cinq pays (Chine, États-Unis, Inde, Brésil, Afrique du Sud) excluant l'Europe. Encore un signe de cette fameuse impuissance diplomatique du Vieux Continent, que l'on connaissait déjà, tout en espérant la voir s'atténuer avec le temps: rien de tel à l'horizon, malgré les gesticulations médiatiques de Nicolas Sarkozy et la bonne volonté d'Angela Merkel. L'Europe reste un géant économique doublé d'un nain politique.
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L'ironie, c'est que, concrètement, l'Europe, ses États et ses nations, ses citoyens et ses entreprises, se trouvent souvent à la fine pointe des énergies nouvelles, de l'irrésistible et nécessaire «transition verte» qui se profile à l'horizon du XXIe siècle. Mais sur le théâtre de la diplomatie, il n'y a pas de justice: on écoute ceux qui vous en imposent, aujourd'hui, par leur image ou leur puissance, pas ceux qui ont les meilleures idées ou qui donnent réellement l'exemple dans l'action.
Barack Obama a livré à Copenhague un discours sans grande inspiration, conscient du gros «fil à la patte» que représente pour lui, à Washington, un Congrès dogmatiquement hostile aux initiatives supranationales. Du haut de la tribune, il a tancé les uns et les autres, sans qu'il soit sûr que lui-même, le cas échéant, puisse — ou même veuille — engager son pays vers des cibles contraignantes et obligatoires inscrites dans un traité. «Ne faites pas ce que je fais, faites ce que je dis!» Sauf que le monde ne suit pas forcément...
Quant au tiers monde, celui qui — dit-on — pourrait payer le plus même s'il pollue le moins, peut-être tirera-t-il de l'amère expérience de Copenhague, de cet échec patent de l'approche diplomatique — «globalisante» et dramatique — retenue depuis Rio 1992, un retour au vieil adage: «agir localement».
Ce qui signifierait, concrètement, ne plus attendre de ces grand-messes diplomatiques, ne plus attendre du Ciel — littéralement — des conditions optimales (deux, trois ou quatre degrés de moins, à l'horizon x, y ou z) qui ne seront jamais là.
Mais bien plutôt améliorer leur condition concrète, hic et nunc, en s'adaptant à leur environnement, en augmentant localement les rendements agricoles, en changeant les conditions scandaleuses du commerce international, en améliorant l'accès à l'eau et à l'éducation, en rendant abordable l'énergie verte... Et, pourquoi pas, en construisant des digues, comme les géniaux Néerlandais l'ont fait il y a longtemps déjà, non seulement pour survivre aux éléments, mais pour bâtir la prospérité.
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François Brousseau est chroniqueur d'information internationale à Radio-Canada. On peut l'entendre tous les jours à l'émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans [www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets->www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets].
francobrousso@hotmail.com
Impuissance diplomatique
Copenhague - 15e Conférence de l'ONU sur les changements climatiques
François Brousseau92 articles
François Brousseau est chroniqueur et affectateur responsable de l'information internationale à la radio de Radio-Canada.
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