(Ottawa) Le tout Hérouxville se réjouit, voilà que le gouvernement fédéral dénonce à son tour «les pratiques culturelles barbares qui tolèrent la violence conjugale, les meurtres d'honneur, la mutilation sexuelle des femmes».
Le ton étonne, venant d'un document on ne peut plus officiel. Les ministères cherchent habituellement à cacher la réalité derrière une avalanche de concepts nébuleux.
Le Canada que les conservateurs ont décidé de présenter aux futurs citoyens, dans le tout nouveau Guide d'étude du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, a le mérite de la clarté.
Mais attention, Hérouxville, vous n'avez qu'un paragraphe pour vous réjouir, le reste du document qui fait bien jaser au pays n'a rien à voir avec vos opinions peu nuancées.
Le ministre Jason Kenney a pris les grands moyens pour répandre sa bonne nouvelle. Pendant deux jours, il a distillé les divers volets de son document auprès des médias avant de le dévoiler officiellement.
Aux uns, le ministre rappelait l'importance des forces militaires canadiennes. «Enrôlez-vous», dit-il aux immigrants en les invitant à faire cet «excellent choix de carrière».
Terminé, le Canada des missions de paix vantées dans le Guide actuel qui se retrouvera incessamment dans les bacs à recyclage. Les «valeurs libérales» en circulation depuis 1995 n'ont plus cours, aussi bien en avertir les nouveaux arrivants.
Aux autres, M. Kenney notait - avec raison - l'arrivée dans le paysage d'une histoire plus vraie, moins édulcorée. Le ministère a consulté plusieurs historiens reconnus, et le résultat montre qu'ils ont été écoutés.
Les pages d'histoire racontent le passé sans flatterie, les mauvais moments comme la déportation des Acadiens, le rapport Durham, la révolte des Métis de Louis Riel y sont présentés en toute objectivité.
Des souverainistes ont déjà déploré le peu de place réservée au Québec : ils ont lu le guide trop vite. La «nation québécoise» y est bien présente, tout comme la fête nationale et les deux référendums sur la souveraineté.
Seul petit problème, la Constitution rapatriée de 1982 et sa Charte des droits : aucun mot pour rappeler qu'elle n'a jamais reçu l'aval de l'Assemblée nationale.
Le nouveau citoyen n'en saura rien, et tant pis pour son incompréhension d'un enjeu discret, mais toujours présent de la vie politique. La question n'apparaîtra pas à son examen de passage.
Qu'est-ce qui distingue ce Canada conservateur de l'ancien Canada libéral? Trois choses, à mon avis.
D'abord, l'intérêt porté aux questions militaires. Le Parti conservateur a toujours critiqué l'indifférence réelle du gouvernement de Jean Chrétien envers la Défense nationale.
Cette époque où nous étions «fiers de former une nation pacifique» est terminée, on le ressent vite à la lecture du nouveau guide. Nous ne sommes plus des «gardiens de la paix» à l'origine des Casques bleus.
Deuxièmement, la priorité donnée aux responsabilités individuelles. Partisans d'un gouvernement minimal, les conservateurs rappellent l'importance d'avoir un emploi et de prendre soin de sa famille.
Plus question d'État-providence, faut-il comprendre en notant disparition même de l'expression «justice sociale».
Et troisièmement, sans surprise, l'environnement passe l'arme à gauche. Les deux pages jadis consacrées au développement durable se résument à un court paragraphe rendant les citoyens responsables d'éviter la pollution.
D'accord, les recommandations mièvres sur le compostage et l'invitation à planter des arbres n'avaient pas grand-chose à voir avec la citoyenneté.
Mais quand même, le ministre aurait pu faire un petit effort, non?
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