Le chef du Parti libéral, Philippe Couillard, a été soumis littéralement à la torture dans le deuxième débat des chefs tenu à TVA jeudi. Sur presque tous les sujets, ses adversaires durent lui arracher chacun des mots de ses réponses, sauf sur la question linguistique où il fait preuve d’une spontanéité stupéfiante en prônant la pratique du bilinguisme jusque sur le plancher de l’usine.
La question linguistique avait été jusqu’à ce débat absente de la campagne électorale, comme si elle ne faisait plus partie des grandes préoccupations des partis. Pourtant, la langue et la culture française sont ce qui définit l’identité québécoise et il revient à l’État du Québec d’en assurer l’intégrité et la pérennité. Les premiers ministres se sont toujours investis de cette responsabilité, dont le libéral Robert Bourassa qui ramenait le tout à la défense de la « sécurité culturelle » des Québécois.
On retrouve sur le site du Parti libéral un engagement à défendre le français qui pourrait rassurer. Citons-le : « L’identification [du Parti libéral] avec le Québec passe d’abord par l’identification avec sa majorité francophone. Elle postule que l’on assume les aspirations de cette majorité, ainsi que son histoire, sa langue et sa culture, ses institutions, ses modes de vie et ses particularismes. Le Parti libéral a reconnu le caractère propre que sa majorité imprime à la société québécoise en prenant l’engagement de veiller à toujours affirmer et défendre le caractère français du Québec. »
À la lumière du propos tenu jeudi par Philippe Couillard, comment ne pas se demander ce que vaudront ces mots le jour où il sera premier ministre, lui qui croit normal que l’on exige la connaissance de l’anglais pour n’importe quel emploi, y compris sur le plancher de l’usine ? Bien sûr, il nuançait vendredi son propos, ce ne sont pas tous les ouvriers qui devront connaître l’anglais, mais il persiste à croire que dans un monde globalisé, la connaissance de l’anglais est une exigence. S’il est vrai que cette langue est la lingua franca de notre époque, devons-nous pour autant glisser vers une institutionnalisation de fait du bilinguisme ? Quelle place sera alors celle du français, pourtant reconnu comme langue du travail, du commerce et des affaires au Québec par une loi 101 qu’on laissera s’atrophier ?
La pression que l’anglais exerce déjà sur le français à Montréal est visible, mais le chef libéral parle d’indicateurs positifs. Il est aveugle au déclin du français à Montréal, pourtant mesuré par plusieurs études, qu’il s’agisse du nombre de francophones vivant sur l’île de Montréal (48,7 %), comme de l’usage prédominant du français au travail (32,1 %).
Parler de menace relève aux yeux de Philippe Couillard d’une mentalité d’assiégés propre au Parti québécois. Soit, s’il ne faut pas crier au loup inutilement, il ne faut pas refuser, sous prétexte de se distinguer de l’adversaire péquiste, de regarder froidement l’état du français et les pressions grandissantes qu’il subit.
L’attitude des libéraux sous Jean Charest a été d’intervenir le moins possible. Pensons au dossier des écoles passerelles où il a tergiversé pour faire le service minimum. Rien dans le propos de Philippe Couillard ne laisse croire qu’il pourrait rompre avec cet attentisme pour revenir à une attitude défensive du français comme l’était le Parti libéral sous Robert Bourassa.
Que peuvent donc vouloir dire pour le chef libéral des mots comme « veiller à toujours affirmer et défendre le caractère français du Québec » ? Qu’adviendra-t-il de la sécurité culturelle de la société québécoise si celui qui est censé en être le gardien abdique ses responsabilités à l’égard de la langue ? On peut d’autant plus s’en inquiéter qu’il a déjà abandonné toute volonté de vouloir agir sur le plan constitutionnel.
ÉLECTIONS 2014
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