Les Québécois se choisiront lundi un nouveau gouvernement au terme d’une campagne électorale à ce point décevante que bon nombre d’électeurs se rendront voter sans enthousiasme. Plus qu’à d’autres élections, il est difficile de faire un choix entre un vote stratégique, un vote de punition ou un vote de convictions.
Que ce sentiment de déception soit aussi répandu n’est pas la faute des électeurs, témoins passifs d’une lutte électorale acrimonieuse où on s’est prêté mutuellement les pires intentions du monde pour mettre en cause non les idées, mais la valeur morale de l’adversaire. Nul doute, il y a eu dérapage. Comment ne pas comprendre le désarroi des électeurs, qui sont en droit d’en conclure que le Parti québécois et Pauline Marois, tout comme le Parti libéral et Philippe Couillard, sont indignes d’assumer le pouvoir auquel ils aspirent ?
Ces deux partis sont-ils aussi indignes que l’on a pu venir à le croire ? Nuançons. Les multiples allégations soulevées à propos du financement illégal de leurs partis sont soumises à l’examen de la commission Charbonneau ou de l’UPAC. Ni l’un ni l’autre ne peut prétendre être blanc comme neige. Les sanctions, s’il doit y en avoir, viendront un jour, mais retenons que le régime des lois a été changé et que des mécanismes de contrôle ont été mis en place. Ne tombons pas dans le cliché « les politiciens sont tous des pourris ». Mais il est dommage que les candidats aient joué dans ce film que les médias, pour leur part, se sont complus, reconnaissons-le, à diffuser en boucle.
Quoi que l’on puisse penser de l’indignité du Parti québécois et du Parti libéral, la réalité est que le pouvoir reviendra à l’un d’eux. La mathématique électorale est implacable. Voilà bien le dilemme de l’électeur : choisir entre l’un ou l’autre, sachant par ailleurs que s’il vote pour un tiers parti ou s’il s’abstient, il influencera le résultat de l’élection.
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Si en conclusion de cette campagne le choix se résumait à voter pour qui a fait la meilleure campagne, il n’y aurait guère d’hésitation. Il faudrait appuyer la Coalition avenir Québec ou Québec solidaire, qui ont mené des campagnes stimulantes, alors que les deux grands partis étaient en panne d’inspiration. Leurs leaders se sont imposés, surtout François Legault, qui manifestement a les qualités nécessaires pour occuper un jour le poste de premier ministre.
La Coalition avenir Québec et Québec solidaire sont dans des registres idéologiques opposés, mais ils représentent des courants politiques qui recueillent des appuis significatifs. Ils doivent être à l’Assemblée nationale, d’où ils pourront participer au débat public. Les électeurs qui les appuieront doivent le faire d’abord par conviction, et ils peuvent s’y prêter sans remords, même si les deux « vieux partis » feront appel ces prochaines heures à leur sens des responsabilités.
L’intérêt soulevé par les tiers partis n’est pas sans relation avec le fait que le Parti libéral et le Parti québécois sont de plus en plus apparentés. Sur le plan des politiques sociales et économiques, cela est vrai. Chacun a contribué au cours des dernières décennies à mettre en place des programmes sociaux qui leur font honneur. Ce sont tous deux des partis de centre, inclinant parfois à gauche et se différenciant par la place qu’ils accordent à l’État comme acteur de développement de la société québécoise.
En matière sociale, on n’est plus à l’époque des grandes réformes. Aussi, leurs engagements n’ont porté que sur l’accessibilité des services. En santé comme en éducation, c’est à travers des visions organisationnelles et de structures qu’ils ont tenté de se distinguer. La question alors est de savoir qui sera le meilleur gestionnaire et comment sera assuré le financement de ces services, ce qui ramène le débat à l’état des finances publiques. L’électeur qui les a écoutés aura vite compris que tout cela repose sur une large part de pensée magique. Il y aura ces prochaines années des compressions, et les services aux citoyens en souffriront. C’est sans doute la raison pour laquelle ces deux partis ont si peu évoqué les enjeux sociaux.
Question de développement économique, ils poursuivent tous deux une volonté de renouer avec la croissance, et on pourrait croire que cela se fera en mettant de côté l’environnement, un autre sujet oublié. L’économie, c’est les « vraies affaires ». Encore là, ce qui distingue libéraux et péquistes, c’est le rôle que joueront l’État et le secteur privé. Deux exemples. Tous deux s’accordent sur l’exploitation des hydrocarbures à Anticosti et sur la cimenterie de Port-Daniel. Le gouvernement Marois y a engagé l’État en partenariat avec le secteur privé. Les libéraux, pour leur part, veulent laisser au secteur privé le plus grand rôle.
Ne croyons pas pour autant que libéraux et péquistes, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Sur la question identitaire, ils sont aux antipodes. Ici, il faut exprimer de fortes réserves à l’endroit de Philippe Couillard, qui depuis qu’il en est le chef a éloigné le Parti libéral de ses positions traditionnelles. Soulignons tout d’abord son silence sur les enjeux culturels et l’absence de préoccupations pour la langue française. Il a par ailleurs fermé la porte à toute démarche auprès du Canada anglais pour réparer la rupture de 1982 qui a exclu le Québec de la Constitution. La place du Québec est dans le Canada, croit-il fermement, mais il se garde de nous dire ce qu’il voudrait qu’elle soit, le statu quo semblant le satisfaire. Cela est inquiétant.
Une défense vigoureuse des intérêts du Québec face à Ottawa fait partie de l’ADN du Parti québécois, tout comme sa préoccupation à assurer la protection et la promotion de la langue et de la culture française en s’appuyant sur un État qui assume pleinement son rôle. Il y a là une première raison de souhaiter que le Parti québécois soit réélu. Une deuxième est le fait qu’il dispose d’une expérience de 18 mois au cours desquels il a amorcé des projets qui doivent pouvoir être menés à leur terme, cela, pendant que le Parti libéral continuera à se repenser. Une troisième raison est que l’équipe autour de Pauline Marois est en mesure d’assurer une gestion efficace de l’État, tout particulièrement sur le plan économique avec l’ajout des Péladeau et Prévost.
Cette campagne fut difficile pour la première ministre Marois, qui a commis des erreurs dont elle devra tirer des leçons. La réaction des électeurs sur l’enjeu référendaire ne peut être ignorée, tout comme sur la charte sur la laïcité. Sur ce plan, elle a payé pour sa décision de défendre de façon absolutiste ce projet sans écouter ce que pensaient les Québécois, y compris les membres de son parti.
Il est bien possible, si le Parti québécois est réélu, qu’il soit à nouveau minoritaire. La première ministre devra accepter cette situation et gouverner avec les autres partis en recherchant les consensus. Il y a des erreurs à ne pas répéter. Elle nous a dit en campagne que si elle était déterminée, elle savait par ailleurs écouter. Prenons cela comme un engagement.
ÉLECTIONS 2014
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