Au-delà de la guerre surréaliste de mots autour de l’expression même de «culture du viol», il reste une société secouée. Secouée par les agressions sexuelles à l’Université Laval et par l’indifférence initiale de sa direction.
Secouée par les allégations d’agression sexuelle d’Alice Paquet contre Gerry Sklavounos, député et ex-leader parlementaire du gouvernement Couillard. Secouée par le lynchage virtuel de Mme Paquet dans les médias sociaux.
Pendant ce temps, des questions cruciales sont laissées sans réponses. Comment se fait-il que les comportements connus de «crouseur» «insistant» et «déplacé» de M. Sklavounos aient pu se déployer en toute impunité et aussi longtemps dans les couloirs de l’Assemblée nationale?
Y a-t-il ou non des «cas» semblables dans d’autres partis politiques? Lorsqu’ils harcèlent ou abusent d’une femme, pourquoi le silence persiste-t-il encore face à des hommes de «pouvoir», qu’il soit politique, financier, familial ou bêtement hiérarchique?
Bouclier de silence
Que l’on passe ne serait-ce qu’une seconde à questionner le passé des victimes au lieu de s’indigner du bouclier de silence complice derrière lequel leurs prédateurs se cachent me laisse toujours sans voix.
Et que dire de l’étiquette trop facile de «mononc’»? Cette fausse analogie ne sert qu’à banaliser l’abaissement et le mépris des femmes par des paroles dégradantes, des mains baladeuses non sollicitées ou une agression.
Pendant qu’en 2016 on intime encore aux femmes de «verrouiller leurs portes», de plus en plus d’hommes dénoncent enfin, eux aussi, de tels comportements.
Mais comment combattre la violence sexuelle dans nos sociétés dites avancées? S’il est vrai qu’au Québec on reparle beaucoup d’«égalité hommes-femmes» depuis quelques années, le problème est que nous le faisons en confondant «égalité» et «laïcité».
Or, ce même principe d’égalité est un sujet en soi. Et ce, sur tous les plans – social, politique, sexuel, religieux et économique.
À glacer le sang
Vendredi, Le Devoir faisait état d’une recherche universitaire dont les résultats glacent le sang. On y apprend que le tiers des participants – âgés de 21 à 35 ans, dont 40 % d’étudiants –, «pousseraient la séduction jusqu’à l’agression s’ils étaient assurés de ne pas être poursuivis». Le tiers!
Dans les officines du pouvoir, cette donnée doit sonner l’alerte. Nourrie entre autres par un accès direct à la porno sur le web, s’il est vrai que la culture d’objectivation des femmes n’est plus dominante, elle s’avère néanmoins plus tenace que prévu. Voire intergénérationnelle.
Des pistes de solutions existent. On le sait. Y compris de ressusciter le rempart essentiel de l’éducation. Au Québec, les cours d’éducation sexuelle ont toutefois été abolis. Face à sa propre gaffe, le ministère de l’Éducation propose un projet-pilote pour une quinzaine d’écoles.
Il prévoit non pas un cours comme tel, mais des «apprentissages» de «5 à 15 heures par année» du préscolaire au secondaire. C’est mieux que rien, diront certains.
Comme contrepoids urgent à la culture entêtée d’objectivation des femmes, le projet prend soudainement des airs de parent pauvre.
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