Huit ans après le rapport Bouchard-Taylor, on replonge dans le débat sur la «neutralité religieuse» de l’État. Talonné pour son inaction, Philippe Couillard en propose une énième mouture avec le projet de loi 62.
Boudée par plusieurs intervenants fatigués de tourner en rond, la commission parlementaire chargée de l’étudier est mal partie. Son passage-clé sur l’obligation de donner ou recevoir un service public «à visage découvert» laisse aussi songeur.
Légitime
Un vrai débat sur la laïcité serait pourtant légitime. Or, la référence au visage découvert ne vise en fait que les rares femmes musulmanes qui, au Québec, portent le niqab ou la burqa.
Car voilà ce qui, à l’opposé de la kippa juive, du turban sikh ou de la croix catholique, dérange vraiment. Le voile intégral étant un symbole visible de répression des femmes, on propose de combattre la répression en interdisant le vêtement. Or, derrière le vêtement, il y a des femmes.
Libérer ou marginaliser ?
Enfermer une femme dans une cage de tissu et lui cacher le visage est certes le signe d’une réelle oppression. Les exclure de l’espace public dès qu’elles voudront «recevoir» un service de l’État sans se découvrir ne ferait toutefois que leur ajouter une seconde couche d’oppression.
La France, vous direz, l’a fait. Mais a-t-elle libéré pour autant ces femmes de l’islamisme? Ou les a-t-elle marginalisées encore plus? Bref, pourquoi ostraciser ou punir ces femmes au lieu de dénoncer les hommes islamistes qui les répriment pour mieux les dominer? Dans le Québec pré-Révolution tranquille, aurait-on songé à punir celles qui, parmi les femmes, avaient elles aussi intériorisé leur propre infériorisation sous le joug misogyne du clergé catholique? Celles-là mêmes que les curés avaient convaincues qu’elles faisaient le «choix» de rester à la maison, de ne pas voter et de multiplier les bébés?
Bien sûr que non. Nous avons pointé les oppresseurs et non pas les opprimées.
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