Un mauvais rêve

Chronique de Raymond Poulin

L'autre jour, histoire de passer la nuit, j'ai rêvé un rapide inventaire de
ce qu'on pourrait nommer les forces tactiques de l'indépendance au Québec,
soit les appareils politiques susceptibles, en principe, de mobilisation
électorale au besoin. Évidemment, nous les connaissons tous, du moins le
pensais-je.
Par acquit de conscience, j'ai commencé par Québec solidaire. Ayant passé
en revue tout ce qui aurait pu être considéré, même de loin, comme un
indice d'indépendantisme, j'ai dû déclarer forfait. On pourrait appliquer
à ce parti un ancien slogan de Daniel Johnson père: «L'indépendance si
nécessaire, mais pas nécessairement l'indépendance», encore que Johnson, au
moment où il l'a utilisé, était sérieux.
Je ne pouvais tout de même pas, malgré ce qu'en disent les mauvaises
langues, négliger le Parti québécois, le seul qui ait tenu le flambeau
depuis 1969 et allumé deux référendums. Or non seulement sa chef a-t-elle
renoncé pour plusieurs mandats au référendum, mais on apprend que,
par-dessus le marché, un éventuel gouvernement maroïste ne se munirait pas
d'un ministère de la Souveraineté et qu'il ne serait même pas question de
consacrer une seule maudite cenne noire gouvernementale à la promotion de
la bête. Si Pauline, l'exécutif et les nouvelles vedettes en sont vraiment
là, alors, à moins qu'on nous sorte du chapeau un Bugs Bunny tout neuf, pas
un seul indépendantiste ne peut se permettre sans se renier de voter pour
ce parti, sauf à être tellement nostalgique de l'Union nationale que sa
nature sentimentale l'égare dans des tendresses coupables. Mais s'il a la
mémoire fidèle, il se souviendra à temps que l'Union nationale, au moins,
n'a jamais tenté de faire croire qu'elle était ce qu'elle n'était pas. Et
lorsque Gerry Martineau promettait à l'électeur un camion de gravier pour
le pavage de son entrée, ce dernier le voyait arriver dès qu'il avait voté
du bon bord, idem s'il s'agissait plutôt d'un frigidaire. Là, je suis sans
doute méchant. Après tout, le PQ ne promet rien, et il tient toujours ses
promesses.
Il me restait un nom au bas de l'inventaire. Tout rutilant. Tellement
qu'il n'a pas encore été reconnu officiellement par le DGE, ce qui ne
saurait tarder. Un parti qu'au moins les lecteurs de Vigile connaissent
depuis sa gestation puisque ses fondateurs y ont tous écrit ou le font
encore. Voilà, me disais-je à la relecture des articles qui y ont été
consacrés et de son programme provisoire affiché sur le net, un parti
réellement indépendantiste. Certes, un appareil dont l'accouchement n'est
pas encore terminé, qui devra certainement patienter plusieurs mois avant
de compter sur de nombreux candidats et même sur une brochette d'exécutifs
de comté, et qui peine, sans qu'il y ait de sa faute, à élargir le cercle
de sa notoriété autant qu'il le voudrait. Et qu'aperçois-je tout à coup
dans son programme provisoire? Constatez à quel point il est décidé: il
nous annonce tout de go la proclamation de l'indépendance immédiatement
après son élection à la majorité des sièges. Majorité absolue ou relative?
Pas moyen de le savoir. Mais encore, majorité également, sans doute,
relative ou absolue, des suffrages? Aucune mention. Ainsi, une fois élu à
la seule majorité relative des sièges, on proclame l'indépendance, aussi
simple et aussi sec que ça. Et, ça va de soi, Ottawa et les principaux
États occidentaux s'empressent de reconnaître le nouvel État. Là, j'avoue
avoir commencé à douter un peu. Oh, je sais bien que la foi peut déplacer
des montagnes, mais le Bouclier laurentien, avouez que ça pèse un peu
lourd. Perplexe, j'ai voulu aller au fond du sac.
Hélas, il restait non des forces tactiques mais seulement une poignée de
chiffres qu'il m'a fallu astiquer et replacer en ordre. Une fois écartés
les confédéralistes (en un seul mot), les nationalistes mous, les
affirmationnistes et les forcenés du trait d'union, il me restait un seul
nombre, dont je n'ai jamais pu savoir s'il signifiait 32 ou 36%, en tout
cas rien qui ressemblât à 52 ou 56%.
C'est à ce moment que je me suis réveillé, les yeux devant l'écran, en
train de lire ces phrases. «Pourquoi se chercher des excuses pour ne pas
faire avancer les choses? Pourquoi se contenter de faire de la
souveraineté de salon?» [Alors je me suis dit qu'elle a bien raison, Mme
Moreno->9527]. Ce qu'il nous faut, c'est d'abord la souveraineté de cuisine, mais
de préférence la cuisine de la souveraineté. En commençant par récurer
consciencieusement le fond du chaudron. Ensuite, on pourra peut-être y
préparer autre chose qu'un bouillon d'onze heures.
Raymond Poulin
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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2 commentaires

  • Georges-Étienne Cartier Répondre

    12 octobre 2007

    Ben oui !D`accord avec F. Perrier !
    On fait d`abord TOUT ce qu`on peut faire avec une apparence de droit ( il faut et il suffit que celle ci soit RESSENTIE TELLE par une majorité de citoyens, que les constitutionalistes de salon ou de "Gros Bureaux" opinent"pour" ou " contre": peu importe !) , en vrac et en avalanche , sans se soucier des tribunaux qui bousculés mettrons des mois à réagir concrètement avec le "droit " du conquérant. À la hussarde !
    On oblige ainsi les citoyens , durs comme mous, à se commettre en prenant parti.
    Et surprise ( pas pour moi, ni vous je présume ...) " le fun " revient, mobilisateur : ça bouge enfin! La mortelle, veule et hypocrite soi-disant "paix sociale " est balancée par dessus bord.
    Vieux comme l`Histoire du Monde !
    Pour les vieux mon`oncles qui la fréquentent encore...

  • Archives de Vigile Répondre

    12 octobre 2007

    M. Poulin chroniqueur à Vigile, de François Perrier. Le 12 octobre, 2007.
    ---De la promesse d'une déclaration unilatérale d'indépendance au PI - votre mauvais rêve.
    "Et qu’aperçois-je tout à coup dans son programme provisoire ? Constatez à quel point il est décidé : il nous annonce tout de go la proclamation de l’indépendance immédiatement après son élection à la majorité des sièges". Fin de citation.
    M. Poulin, je vous ai cité textuellement concernant l'incongruité de la promesse du néo Parti indépendantiste (PI) en formation, concernant la proclamation d'un "Unilateral Declaration of Independance" (UDI), aussitôt élu. On doit donc en déduire que sciemment, subrepticement ou de façon subliminale, eux aussi ne veulent que re-confédérer le Québec à l'intérieur du Canada.
    Vous avez mis le doigt dans la plaie du blocage intellectuel que représente cette déclaration unilatérale insensée de pseudo indépendance du Québec, le lendemain de l'élection souhaitable, d'un PI (prononcé "pays" - comme dans paysage). Un PI par ailleurs admirable, tel que pistonné par ces Messieurs Gervais, Tremblay et dame Moreno. Comment alors expliquer cet UDI insensée - cette folle promesse d'une déclaration unilatérale d'indépendance ?
    SURTOUT que dans son programme provisoire, le PI affiche et promeut des ACTIONS démocratiques qui RENFORCENT la nation française québécoise, tout en NEUTRALISANT les prétentions grotesques canadiAns de SABOTER les rouages de l'État français québécois en transformation. En effet, AUCUNE des mesures de renforcement de la nation française du Québec telles que préconisées par le PI, ne permet à l'Armée canadiAn d'envahir le territoire québécois afin de sauver des sujets assujettis canadiAns d'un sort "pire que la mort". Ou pour y restaurer une démocratie "brimée", en invoquant le malfamé concept de "Law, Order and Good Governement" préconisé par John Chretien et Steve Dion.

    DONC de quoi rassurer le Québécois moyen, et l'induire à voter pour le PI. SAUF, cette malheureuse et incongrue promesse de déclaration unilatérale, constituant un bris instantané du lien avec le Canada - rupture qui glace d'effroi toute personne sainement constituée. C'est une déclaration de guerre, alors que les Québécois seraient laissés indéfendus par leurs zélites !! Comment expliquer cette folle UDI !?
    Inanité, nanisme intellectuel ? Blocage intellectuel chez nos élites, depuis le Quebec Act de 1774, lequel constituait un acte de restauration de leurs PRIVILÈGES, dans la collaboration avec l'ennemi. La plupart de nos élites - entre politiciens, hommes d'Église, professionnels divers et intellectuels variés - ne se sont jamais plus permis à travers les génération depuis 1774, de déroger à l'injonction reçue de leur maîtres britanniques d'alors, de s'assujettir aux Britanniques, en échange de la restitution de privilèges grassement profitables, sous peine de rétributions sévères qui se sont inscrites dans leur subconscient.
    Aujourd'hui, même dans leurs actions de rébellion se voulant des plus sincères, nos politiciens en herbe du PI ne dépassent pas le stade de la bravade. Laquelle bravade les aurait normalement porté au pouvoir, pour peu que la nation québécoise se laisse berner, comme par le passé. Mais voilà - voilà, en cette ère de trahisons politiques répétées, de médias diffusant des informations dommageables aux politicards 24 heures sur 24, d'un Internet qu'on n'arrive pas à étouffer, la masse désabusée des gens devient de plus en plus sophistiquée et ne se laisse plus berner par des concepts flous, telle cette déclaration unilatérale. UDI que le Canada anglais n'acceptera pas sans réagir. En cette ère de violences mondiales généralisées, alors que l'empire américain menacé subit des assauts de partout, celui-ci ne souffrirait pas que se crée un nouvel État français à ses frontières, pas plus que le Canada !
    Quoi faire alors ? Selon moi la future élection du PI pour la création d'un État français au Québec, doit être le début du renforcement généralisé de la nation française québécoise - non pas une occasion d'articuler un UDI insensé. Renforcement et articulation généralisés de la nation française du Québec, pendant les 4 et 5 ans d'un mandat électoral ! Dépendant de l'état d'impréparation ou d'indécision de la nation, on demande alors un deuxième mandat à la population. On renforce les siens, on rassure les gens de langue française par des mesures comme l'occupation de tout son territoire national, la marginalisation des ghettos canadiAns qui s'y sont construit, on 'coupe des ouïes' aux extrémistes, on neutralise ses adversaires -, ET PUIS on présente un fait accompli au Canada-anglais !
    C'est un concept aussi vieux que la terre. Ça s'appelle la création d'un État DE FACTO, sur le chemin d'une reconnaissance internationale DE JURE, et sans UDI. Le Québec français présentera un état de fait, à ses ennemis canadiAns. Comme partout ailleurs, devant un État québécois omnipotent, l'Anglo s'émouvra, s'indignera, constatera son impuissance, et puis se retirera, comme il l'a fait dans les 13 colonies américaines, en Irlande, aux Indes et partout dans son empire colonial.
    Tout leur Empire a été construit sur le vieil adage - "The best part of VALOUR IS DISCRETION". À savoir, la partie congrue du COURAGE consiste à se faire discret quand on réalise qu'on a perdu la bataille pour les âmes et les cœurs des gens. L'Anglais n'a rien du surhomme, et se bat par inféodés, rois nègres et bénis oui oui - INTERPOSÉS. Après quoi il se fait raisonnable.
    Jamais en de telles circonstances une nation a dit NON à la libération de son joug. Soyons assurés que les Québécois ne seraient pas en reste. FJP