L'acquisition de grandes sociétés québécoises par des concurrents étrangers est un phénomène normal qui fait partie de la «réalité de la mondialisation», a affirmé hier le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Henri-Paul Rousseau, au lendemain de l'offre-surprise de 33 milliards $US que le géant américain Alcoa a transmise aux actionnaires d'Alcan.
«Dans un monde où des sociétés canadiennes et québécoises font la conquête des marchés internationaux, il est extrêmement difficile de parler des deux côtés de la bouche», a dit M. Rousseau en marge d'un discours devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. «Le Canada et le Québec forment une société commerçante qui échange avec des partenaires nord-américains et mondiaux et, en raison de ça, on doit s'attendre à ce qu'il y ait des transactions de cette nature. Ça fait partie de la vie.»
Ces transactions posent chaque fois l'enjeu du siège social montréalais. Sachant que la question est délicate, étant donné l'importance d'Alcan dans la réalité québécoise, Alcoa a promis lundi que la nouvelle compagnie aurait deux sièges, un à Montréal et un à New York. Montréal superviserait notamment la division des produits primaires, qui représenterait environ 60 % du chiffre d'affaires global de 54 milliards $US.
La Caisse, dont le mandat est notamment de faire fructifier le régime de retraite des employés du secteur public et l'actif de la Régie des rentes, n'a pas encore déposé son rapport annuel 2006. Il est donc impossible de chiffrer le nombre d'actions d'Alcan qu'elle possède présentement. Au 31 décembre 2005, elle détenait 2 % de la compagnie. M. Rousseau a indiqué que la Caisse de dépôt venait à peine de recevoir l'offre et qu'il fallait la décortiquer avant de prendre une décision.
Lorsqu'une journaliste a déclaré à M. Rousseau que l'histoire d'Alcan était indissociable de celle du développement économique du Québec, en lui posant la question «Cela ne vous interpelle pas beaucoup?», M. Rousseau a répondu clairement qu'il n'est pas la bonne personne pour trancher ce genre de question. «Ce n'est pas à moi de dicter la politique publique. Il y a des gens qui sont élus pour ça, et moi, je suis nommé pour gérer de l'argent. Je regrette de vous décevoir, mais j'ai été très clair depuis le début. Ce n'est pas à un fonctionnaire de dire ça.» Poursuivant prudemment sa réflexion, M. Rousseau a dit que la «notion de siège social» est en train de changer. «C'est dans l'intérêt des entreprises d'avoir des choses décentralisées. [...] Vous allez avoir les finances à un endroit et la technologie à un autre parce qu'on a besoin d'être partout dans le monde.»
M. Rousseau a d'ailleurs annoncé dans son discours la création d'un groupe de travail indépendant qui se penchera sur les moyens de profiter de la mondialisation. Le Centre international sur la prospérité des entreprises du Québec sera composé de lui et de personnalités du monde des affaires, telles que le président du Mouvement Desjardins, Alban d'Amours, le chef de l'exploitation de la Banque Nationale, Louis Vachon et, de façon ironique, Dick Evans, le président d'Alcan.
Alcan n'est pas le seul dossier que doit traiter la haute direction de la Caisse. Il y a aussi BCE, la société mère de Bell Canada, qui s'est récemment mise en vente. La Caisse s'est jointe à deux autres gestionnaires institutionnels, en plus du fonds américain Kohlberg Kravis Roberts, pour discuter avec BCE d'une éventuelle transaction.
N'ayant pas encore pris publiquement la parole pour expliquer les motifs de cet intérêt pour Bell Canada, M. Rousseau a dit hier que la Caisse n'était pas immédiatement convaincue qu'il fallait bouger. «Très longtemps, il y a eu des hésitations évidentes. Puisqu'on est déjà dans le secteur, eh bien, pour être dans ce secteur-là, il fallait avoir une bonne raison.»
La Caisse se réjouit toutefois du fait qu'il ne s'agit que d'un projet. «On ne nous a pas présenté une transaction, mais un projet de transaction auquel on participerait. Alors ça, c'est intéressant. La Caisse n'a aucun engagement. On est à l'étape d'étudier.» Ce consortium n'est pas la seule partie intéressée à BCE. Y a-t-il un risque de surenchère? «Ça fait partie de la vie», a dit M. Rousseau.
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