En intégrant les actifs d'Alcan aux siens, Rio Tinto se propulse littéralement au premier rang mondial dans l'industrie de l'aluminium, de la bauxite et de la technologie d'électrolyse.
Alcan est une compagnie centenaire, mais Rio Tinto, qui en deviendra vraisemblablement propriétaire dans quelques mois, est encore plus ancienne. Ses origines remontent à 1873, alors que des investisseurs anglais mettaient sur pied une entreprise pour exploiter une mine de cuivre à Rio Tinto, dans le sud de l'Espagne. Au fil des décennies, l'entreprise est devenue un important groupe minier international appuyé sur deux sociétés distinctes, Rio Tinto plc, inscrite à la Bourse de Londres, et Rio Tinto Ltd, inscrite à la Bourse d'Australie.
Il y a donc deux listes d'actionnaires, lesquels se retrouvent néanmoins dans une situation semblable, puisque les deux entités sont assujetties à un seul et même groupe, un seul conseil d'administration et un siège qui se trouve à Londres. Le groupe Rio Tinto comprend 30 entreprises établies dans 20 pays. Environ 30 % de ses actifs se trouvent aux États-Unis et au Canada, ce qui est moins qu'en Australie, qui compte 56 % des actifs. Le reste se trouve en Afrique, en Europe, en Indonésie et en Amérique du Sud. Rio Tinto a des activités dans la prospection, l'exploitation et le traitement de ressources minérales. Ses principaux produits sont l'aluminium, le cuivre, les diamants, l'énergie, avec le charbon et l'uranium, l'or, le fer et enfin les minéraux industriels que sont le borax, le bioxyde de titane, le sel et le talc.
Pour l'instant, avant que l'acquisition d'Alcan ne soit concrétisée, l'aluminium ne contribue au bénéfice de Rio Tinto qu'à hauteur de 10 % . Toutefois, lorsque la transaction sera conclue, la part de l'aluminium atteindra 25 %, sans compter la contribution de 7 % de la division des emballages et produits usinés, laquelle est mise en vente par Alcan, une décision prise bien avant l'entente avec Rio Tinto.
En intégrant les actifs d'Alcan aux siens, Rio Tinto se propulse littéralement au premier rang mondial dans l'industrie de l'aluminium, de la bauxite et de la technologie d'électrolyse, et au troisième rang pour la production d'alumine. Bref, cette fusion donne naissance à un leader mondial dans presque tous les aspects de la production. Actuellement, Alcan est le troisième producteur d'aluminium et Rio Tinto, le septième. Ensemble, ils vont dépasser UC Rusal, actuellement au premier rang. Dans le bauxite, Rio Tinto et Alcan sont aux cinquième et sixième rangs; ensemble ils vont totaliser des réserves de 1,5 milliard de tonnes de bauxite (l'équivalent de 50 ans de production annuelle) et atteindre le premier rang occupé présentement par Alcoa. Dans l'alumine, Alcan est quatrième et Rio Tinto, huitième; ensemble ils vont monter au troisième rang, mais en voie d'atteindre le sommet avec l'agrandissement en cours de sites d'exploitation.
Dans les technologies d'électrolyse, Rio Tinto Alcan dominera aussi, puisque Alcan a intégré il y a quelques années Péchiney, la société française qui était déjà un leader à cet égard. Bref, «la technologie d'Alcan et cet accès unique et à long terme à des ressources d'énergie hydraulique complètent la stratégie énergétique et de lutte contre les changements climatiques de Rio Tinto, axée sur la préparation à une éventuelle restriction des émissions de carbone», peut-on lire dans le document traitant de la transaction. L'accès à une énergie propre comme celle de l'hydroélectricité rend évidemment le Québec éminemment intéressant pour Rio Tinto, ce dont Raymond Bachand, le ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, est parfaitement conscient. «Notre pouvoir de négociation, ce sont nos ressources énergétiques», dit-il.
Il y a en somme une complémentarité évidente entre les actifs de Rio Tinto et d'Alcan, ce qui en soi peut être un incitatif important pour une fusion. D'ailleurs, depuis des décennies il y a eu de nombreuses tentatives de rapprochement entre les deux groupes. Toutefois, dans le contexte mondial actuel, le mouvement devient quasiment irrésistible. Rio Tinto brûle d'envie de devenir un leader de l'industrie de l'aluminium étant donné les perspectives de croissance qui sont «dynamisées par la Chine». Tom Albanese, chef de la direction de Rio Tinto, souligne que la demande mondiale d'aluminium est en forte croissance annuelle. Celle-ci a été de 7,7 % au cours des quatre dernières années. On prévoit qu'elle dépassera 6 % d'ici 2011. Or, sans la demande provenant de la Chine, la croissance dépasserait à peine 3 % pour cette période. Bien sûr, avec la croissance de la demande vient aussi la montée des prix de l'aluminium.
Le fait que le nouveau leader mondial dans l'industrie de l'aluminium décide d'établir à Montréal le siège social de Rio Tinto Alcan est forcément une bonne nouvelle pour le Québec et les employés, ce qui vient compenser jusqu'à un certain point la perte du siège social de la société mère. M. Bachand ne met pas en doute la volonté des acquéreurs de respecter la convention de continuité signée l'an passé par Alcan et qui a une durée de 35 ans, précise le ministre. Il voit en outre des possibilités importantes de retombées dans des secteurs connexes, comme ceux du génie-conseil et des services juridiques et comptables, qui pourront trouver un puissant client dans Rio Tinto Alcan. «Nos firmes de génie-conseil ont percé à l'étranger parce qu'il y a eu la baie James», rappelle M. Bachand.
Par ailleurs, Rio Tinto connaît bien le Québec puisqu'il y est présent depuis 1950 avec QIT-fer et titane, qui a des installations sur la Côte-Nord pour exploiter le plus grand gisement d'ilménite du monde, situé au lac Tio, à 43 kilomètres de Havre-Saint-Pierre. Ce minerai est transporté par bateau jusqu'à Sorel-Tracy, où il est transformé en dioxyde de titane pour l'industrie du pigment de fer et de l'acier et en poudre de fer et d'acier pour l'industrie automobile. Le pigment de titane est un agent blanchissant et opacifiant utilisé surtout dans la production du papier, des fibres plastiques et du caoutchouc. Cette entreprise a généré en 2006 des revenus de 794 millions $US.
Rio Tinto a aussi une participation de 59 % dans la compagnie minière IOC, qui est depuis 1954 le plus important fournisseur de fer au Canada. IOC, qui a un concentrateur et une usine de boulettage à Labrador City, exploite aussi un chemin de fer de 420 kilomètres pour transporter son minerai jusqu'au port de Sept-Îles. Cette compagnie a déclaré des profits de 67 millions l'an passé. Rio Tinto compte 2423 employés au Québec. Le groupe détient, en outre, une participation de 60 % dans la mine de diamant Diavik, à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Au total, en incluant le Québec, le groupe compte au Canada près de 4300 employés et déclarait en 2006 des revenus de 2,3 milliards et des dépenses en immobilisations de 370 millions. «Rio Tinto va continuer d'investir massivement dans les ressources du Canada», déclarait jeudi en conférence de presse Paul Skinner, président du conseil de Rio Tinto.
Rio Tinto, 134 ans et toutes ses dents
La compagnie est présente au Québec depuis 1950
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