Le gouvernement du Québec cherche une façon de « s'outiller » pour intervenir lors de rassemblements où le non-respect des consignes sanitaires est délibéré et affiché, comme ce fut le cas lors de récentes manifestations contre le port du masque obligatoire.
La vice-première ministre du Québec et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, est catégorique : Je suis entièrement d'accord sur l'importance du droit de manifester. Il n'y a personne qui veut remettre ça en question
, a-t-elle déclaré en marge d'un point de presse, jeudi.
Elle croit tout de même qu'il faudra clarifier les décrets ministériels encadrant l'application des mesures sanitaires comme la distanciation physique ou le port du couvre-visage. La possibilité d'intervention [policière] n'est pas nécessairement claire dans les décrets actuels.
Elle réagissait ainsi au choix fait par le Service de police de la Ville de Québec de ne pas intervenir, dimanche, lors d'une manifestation contre le port du masque obligatoire. Plus d'un millier de personnes se sont rassemblées devant l'Assemblée nationale tout en affichant un mépris des consignes de santé publique.
Le SPVQ
a justifié sa décision de ne pas intervenir en affirmant qu'une intervention aurait brimé le droit fondamental de manifester, prévu par la Charte des droits et libertés. Le risque de provoquer une réaction disproportionnée a aussi été évalué.Si elle est d'accord sur le principe et dit s'en remettre au bon jugement des policiers
, Mme Guilbault a exprimé la volonté de sévir dans certains cas où il y a une atteinte délibérée aux consignes visant à limiter la propagation de la COVID-19.
Pour des événements où il y a vraiment une dérogation affichée aux consignes de santé publique, un événement qui porte lui-même sur l'adversité envers les consignes de santé publique, il faut quand même s'outiller pour intervenir.
La ministre ne s'est pas avancée sur les moyens envisagés à l'heure actuelle.
Les mesures devront être applicables et passer le test d'un point de vue des libertés fondamentales, a-t-elle concédé. J'ai toujours ce souci d'application concrète pour nos forces policières
, a-t-elle précisé, évoquant au passage une approche graduelle
de répression. C'est ce qu'on est en train d'évaluer.
Les mesures ne viseraient pas la population en général, a tenu à spécifier Mme Guilbault. La grande majorité des Québécois font ce qu'il faut
, répète-t-elle depuis plusieurs jours, en particulier au sujet de l'adhésion au port du masque obligatoire décrété en certaines circonstances.
Le SPVQ pourrait sévir
Décret ou non, les policiers pourront intervenir si une manifestation semblable à celle de dimanche vient à se reproduire, a pour sa part affirmé le directeur du SPVQ
, Robert Pigeon, au cours de la même conférence de presse.On n'encourage d'aucune façon des événements comme ceux-là
, a déclaré M. Pigeon. Mettre la sécurité des gens en jeu, ce n'est pas quelque chose qu'on supporte.
En ce qui concerne la sécurité publique et les consignes de santé publique, on se réserve toujours le droit d'intervenir pour séparer la manifestation
et rétablir la distanciation physique, a-t-il ajouté.
Si on était face à une manifestation en écart marqué par rapport à ce qui est attendu, ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas fait [dimanche] qu'on n'interviendrait pas pour mettre fin à la manifestation.
Mais il a, lui aussi, témoigné de la difficulté d'appliquer les décrets ministériels concernant les consignes sanitaires. On a un décret qui nous parle de maintenir une distance de deux mètres lorsque possible. [...] Dans une manifestation, le groupe bouge
, a-t-il expliqué.
La décision d'intervenir ou non doit aussi se fonder sur l'évaluation du risque. Si elle était intervenue dimanche, la police aurait pu elle-même provoquer une réaction posant un risque pour la santé publique, a-t-il ajouté.
Plainte d'une journaliste
Le SPVQune journaliste, enlacée contre son gré par deux manifestants non masqués, dimanche. Kariane Bourassa, de TVA, a porté plainte mercredi. Elle est représentée par l'avocat René Verret.
a par ailleurs officiellement reçu une plainte de la part d'Me Verret a fait savoir jeudi que sa cliente avait été marquée par l'événement et qu'elle en avait également subi des contrecoups par la suite sur les réseaux sociaux. Un homme a d'ailleurs été arrêté en raison de propos tenus en ligne à son endroit.
Au moment de l'accolade non sollicitée, dimanche, la police de Québec n'est pas intervenue. Le chef Robert Pigeon rejette cependant l'idée selon laquelle ses équipes n'ont pas été proactives. Avant le dépôt de la plainte de la journaliste, mercredi, M. Pigeon assure que son service travaillait à l'identification des deux individus. On n'a rien laissé aller.
Avec la déposition de Kariane Bourassa, la police a maintenant tout ce qu'il lui faut pour passer à la prochaine étape, selon Robert Pigeon, soit celle de suggérer des accusations au Directeur des poursuites criminelles et pénales.