MULTICULTURALISME

Qu’est-ce qui se cache derrière l’opposition d’Ottawa à la loi 21?

85c56c468dc3097f30524af13d804fbe

Le fédéral défend fanatiquement son multiculturalisme d'État


Le gouvernement fédéral vient d’annoncer, par l’entremise du ministre de la Justice, David Lametti, qu’il contestera la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) du Québec en Cour suprême. C’est l’utilisation de la disposition de dérogation qui déplaît. Or, elle fait partie du compromis de 1982, lors du rapatriement de la Constitution, pour respecter le fédéralisme, la souveraineté parlementaire et l’équilibre entre les pouvoirs législatifs et judiciaires.


Rappelons que la loi 21 est une loi fondamentale, dont l’objectif est d’organiser les rapports entre l’État et les religions au Québec. C’est en vertu du principe de la souveraineté parlementaire et des dispositions de dérogation prévues aux Chartes que le Parlement du Québec a établi son modèle de rapport entre les religions et l’État, à l’image de ce que l’on trouve dans plusieurs autres États démocratiques.


C’est pour s’assurer que ce choix de société ne puisse pas être remis en question par les juges que le gouvernement du Québec a choisi d’inclure la disposition de dérogation dans la loi 21. Ce choix se justifie d’autant plus que le recours à cette disposition doit être renouvelé tous les cinq ans. C’est donc à l’arbitrage des citoyennes et des citoyens québécois, par le truchement des élections, que la pérennité de la loi 21 sera soumise.


Ce faisant, le gouvernement du Québec a aussi choisi de ne pas répondre aux accusations d’atteinte à la liberté de religion des « anti-loi 21 ». Heureusement, deux autres parties se sont investies pour défendre la loi 21 en Cour supérieure et en Cour d’appel, indépendamment de la disposition de dérogation, à savoir le Mouvement laïque québécois (MLQ) et Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec). Pour ces organismes, la liberté des uns s’arrête là où la liberté des autres commence.


Pour le MLQ, la loi 21 reflète l’obligation de neutralité religieuse de l’État, de fait et d’apparence, dans ses écoles publiques, pour le respect de la liberté de conscience des enfants et des parents, aussi protégée par nos Chartes. Les enseignantes et les enseignants, qui ont déjà un devoir de réserve, ne doivent pas faire valoir leurs croyances ni leurs points de vue dans le cadre de leurs fonctions.


Pour PDF Québec, la loi 21 pose un jalon de plus vers une réelle égalité des sexes, aussi protégée par nos Chartes, en bannissant les symboles religieux patriarcaux des officiers de l’État qui ont un rapport d’autorité avec les citoyennes et les citoyens. Les conventions internationales auxquelles le Québec et le Canada adhèrent précisent d’ailleurs que la liberté de religion peut être restreinte pour protéger le droit des femmes à être traitées également. La loi 21 offre, à cet égard, une assise juridique essentielle à l’égalité entre les sexes.


Ainsi, indépendamment de l’utilisation de la disposition de dérogation, ces intervenants font valoir que l’imposition de limites à la liberté de religion dans le cadre de la neutralité religieuse de l’État est nécessaire pour protéger la liberté de conscience et le droit des femmes à l’égalité dans le cadre d’un système éducatif laïque.


L’annonce de l’intervention du fédéral dans la contestation judiciaire de la loi 21 semble, dans ce contexte, plus idéologique, pro-religions, que juridique. Il ne faut pas oublier que les partis libéral et conservateur fédéraux se sont encore opposés au remplacement de la prière à la Chambre des communes, en faveur d’un moment de recueillement, qui aurait permis de respecter la liberté de conscience des députés présents. Difficile, dans un tel contexte, de prétendre à la neutralité religieuse de l’État canadien.



À voir en vidéo





-->