J'ai lu avec respect la lettre du consul général d'Israël au Québec publiée dans Le Devoir du 4 juin 2009 ([«Toute la perspective sur Israël»->20180]). Cette prose n'apporte -- hélas! -- aucune lumière et ne fait que témoigner de l'enfermement des adversaires dans leur mortelle autojustification.
La candeur de M. Yoram Elron éclate à plein dans une phrase comme celle-ci: «Idéalement, la meilleure façon d'obtenir une pleine perspective des défis géopolitiques et sécuritaires auxquels les Israéliens doivent faire face quotidiennement serait de s'imaginer dans notre position.»
En d'autres termes: pour voir clair dans la situation au Proche-Orient, il suffit de faire sien le point de vue d'Israël. Monsieur le Consul n'a pas l'air de s'imaginer que les Palestiniens aussi peuvent légitimement demander qu'on se mette à leur place. En effet, ils existent.
Après la dernière guerre et l'Holocauste, l'Occident a jugé qu'une réparation des horreurs infligées au peuple juif s'imposait et reconnu que ce peuple avait le droit de se développer normalement sur un territoire qui serait le sien. Adoptant la position formulée par Lord Balfour dans les années 1920, on décida d'instaurer l'État d'Israël dans ce qui jadis avait été la Terre Sainte. Avant d'aller aussi vite, il aurait fallu prêter plus d'attention à deux petites circonstances.
D'une part, les juifs ont beau répéter depuis 3000 ans que c'est Dieu lui-même qui leur a donné la Terre de Canaan, la réitération de cette affirmation ne prouve pas qu'elle soit vraie et surtout n'oblige personne à se sentir concerné par ce mythe. Deuxièmement, le territoire imparti au nouvel État était occupé depuis on ne sait combien de siècles par diverses populations, dont on comprend mal pourquoi elles auraient dû être ravies d'apprendre du jour au lendemain qu'elles n'étaient plus maîtresses chez elles.
Dans la version de Monsieur le Consul, cela se lit comme suit: «Les dirigeants juifs ont accepté sans équivoque la notion de deux États, tandis que les dirigeants arabes ont catégoriquement refusé cette idée.» C'est-à-dire que les généreux juifs ont accepté le territoire qu'on leur donnait en disant merci tandis que les dépossédés ont eu l'inélégance de ne pas être contents.
Loin de moi l'idée de minimiser le fanatisme et la mauvaise foi manifestés trop souvent par les acteurs arabes dans le conflit. L'idée que l'on pourrait faire table rase de 60 ans d'histoire, refuser de reconnaître les réalisations d'Israël et rejeter ses citoyens à la mer relève du pur délire.
Mais il ne faut pas essayer de nous faire croire qu'Israël est un tendre agneau au milieu des loups alors que l'on ne voit rien dans sa politique qui reconnaisse aux Palestiniens d'autre droit que celui d'être enfermés par la police et l'armée israéliennes dans les quelques lambeaux de leur pays que leur laissent les annexions et les colonisations successives.
Je ne sais pas si M. Elron se croit lui-même lorsqu'il écrit que le conflit du Moyen-Orient est bien simple, étant donné que tous les torts sont du côté de son adversaire. On pourrait se contenter de hausser les épaules devant un discours aussi enfantin si le fait de cultiver pareil aveuglement n'était profondément malsain.
Je souhaiterais aussi que Monsieur le Consul ne se mêle pas trop vite de décréter que les «valeurs et idéaux» chers au coeur des Israéliens sont identiques à ceux des Québécois. Par exemple, ici, je ne sache pas que l'appartenance ethnique permette ou interdise d'habiter une ville plutôt qu'une autre.
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Raymond Joly, Montréal
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