Barack Obama et Benjamin Nétanyahou se sont vus, se sont parlé, ont convenu de ne pas insister sur le fossé qui les divise. «Le temps n'est pas encore venu pour ces deux hommes», a commenté un ancien conseiller de Clinton. Et cela n'augure pas bien pour les Palestiniens.
Difficile d'imaginer deux hommes politiques aussi différents. Obama est un intellectuel, un homme posé et réfléchi, un homme de droits et de principes qui considère la puissance militaire comme le dernier recours. «Bibi» est un baroudeur, un manipulateur, un homme qui s'est souvent tiré dans le pied, un guerrier sans scrupules, un petit politicien de bas étage. Pas d'atomes crochus.
Difficile aussi d'imaginer deux pays dont la psyché soit aussi différente et même antagoniste. Aux États-Unis, c'est le grand retour sur soi, une sorte de psychanalyse collective, une remise en question de tous les dogmes et même du rêve américain, qui s'effiloche en même temps que les banques et les constructeurs d'automobiles. La puissance ne garantit pas la sécurité. La négociation et la paix garantissent la stabilité et la sécurité mondiale.
En Israël, c'est la fuite en avant. On va de guerre en guerre. Le Liban, Gaza, et on souhaiterait bien blesser à jamais l'Iran. La puissance militaire dans ce pays demeure le premier recours, la colonisation des territoires palestiniens reste la règle de droit, même si elle est illégale. Les Américains tendent la main aux Européens, tentent aussi de rétablir des relations plus harmonieuses avec le monde musulman. Israël et son gouvernement actuel n'entretiennent que mépris pour ces rêveurs et faiseurs de paix et d'État palestinien que sont les Nations Unies, l'Union européenne et, depuis Obama, les États-Unis. C'est mal parti pour la paix.
Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré le 2 avril dernier: «Israël n'est plus un partenaire pour la paix.» Elle réagissait aux propos de son successeur, Avigdor Lieberman, qui la veille avait ridiculisé le processus d'Annapolis qui créait un cadre de négociations avec les Palestiniens. Il faut dire un mot de ce politicien sulfureux. Il ne croit pas que les citoyens arabes d'Israël doivent jouir des mêmes droits. Il fait l'objet d'une enquête policière pour escroquerie, fraude, abus de confiance et blanchiment d'argent. Avec lui, dans ce gouvernement de coalition bancal, des extrémistes religieux, des ultranationalistes et le travailliste Éhoud Barak, qui a planifié l'attaque meurtrière contre Gaza. Gouvernement pléthorique, plus de la moitié des membres de la coalition sont ministres, on ne se préoccupe que des petites luttes d'influence. On lutte pour arracher des concessions qui avantagent sa clientèle électorale. Alors, le pays s'enfonce de plus en plus dans une sorte de conservatisme social et religieux, dans un cynisme dangereux pour la démocratie israélienne, qui devient de moins en moins exemplaire.
Tous les colons de la Cisjordanie (de la Palestine) appuient cette coalition médiocre et à courte vue. Alors, on multiplie les colons. On ne sanctionne pas les colonies illégales et on permet l'expansion «naturelle» des colonies existantes. Depuis quelques années, le nombre des colons en Palestine est passé de 200 000 à 500 000. Les réseaux de communication entre les établissements israéliens en Palestine charcutent le territoire, empêchent son développement économique et entravent la libre circulation des Palestiniens dans leur pays.
Le président Obama a réclamé la fin de la colonisation, position classique, unanimement répétée par la communauté internationale depuis des dizaines d'années. Bibi lui a peut-être répondu: «Vous voulez que j'expulse 500 000 citoyens israéliens, que je les ramène de force en Israël. Vous n'êtes pas sérieux, ce serait la guerre civile.» Il ne l'a pas dit ainsi, mais c'est l'hypothèse qu'on évoque en Israël et, comme cette solution n'est pas envisageable, elle annonce que l'idée d'un État palestinien est obsolète. Cette idée relève d'une autre époque, pour le gouvernement actuel. C'est une chimère. Peu importe que la désespérance palestinienne alimente continuellement l'anti-occidentalisme des pays arabes et musulmans, Israël n'en a cure.
Il faut regarder une carte de la Cisjordanie pour constater à quel point le fait accompli par des décennies de mépris des lois internationales et de la population palestinienne a créé une situation quasiment irréversible. Le territoire est une peau de léopard parsemée de quelques villes palestiniennes et de quelques villages. Plantées un peu partout, les colonies légales ou illégales grugent les terres, monopolisent les ressources en eau. Impossible de créer un véritable État, puisque cet État n'aurait pas de territoire et ne contrôlerait pas les déplacements de population. Oublions la Palestine pour longtemps, probablement pour toujours.
Mais les États-Unis? Ne peuvent-ils pas inverser le processus? On a toujours exagéré l'influence du gouvernement américain sur Israël. Après tout, cela fait douze ans au moins que Washington propose deux États indépendants, sans aucun succès. Les Américains pourraient cesser d'aider Israël, se livrer à une sorte de chantage. Cette partie de poker, elle se déroule depuis des décennies et les champions du bluff sont les Israéliens. Ils savent que Washington n'abandonnera jamais Israël et ils en profitent pour créer une situation inextricable qui fera de la Palestine une piètre collection de petites mairies. Certainement pas un pays.
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