Après les référendistes, les souverainistes, les fédéralistes et les autonomistes, le jargon politique québécois pourrait bientôt s'enrichir d'un nouveau terme: les «conversationnistes».
La chef du Parti québécois (PQ), Pauline Marois, propose en effet aux militants péquistes d'oublier l'idée de tenir un référendum au cours d'un premier mandat pour la remplacer, notamment, par celle d'une vaste consultation appelée «conversation nationale». Mme Marois avait lié son retour en politique à la condition que les péquistes mettent un terme à l'obsession référendaire qui a miné la dernière campagne électorale.
Hier, elle a dévoilé un cahier contenant 242 propositions, qui seront présentées aux délégués lors du conseil national dans une dizaine de jours. Selon ce cahier, le nouvel article 1 du programme du PQ pourrait proposer 11 «gestes de gouvernance nationale» pouvant être réalisés dans le cadre de la Constitution canadienne. Une forme de première étape vers la souveraineté.
Le document évoque des actions pour créer une citoyenneté et une constitution québécoises, pour renforcer le statut de la langue française ou pour assurer la pleine intégration des immigrants. Les propositions touchent une foule de sujets autour des questions de la souveraineté, de l'éducation, de la famille, de la santé, de l'économie et de l'environnement. L'objectif: qu'un gouvernement péquiste «s'engage à faire progresser le Québec jusqu'à son accession au statut de pays».
«Nous sommes un parti souverainiste, nous allons nous reconcentrer justement sur le débat autour du projet de pays, autour du projet du Québec, a indiqué Mme Marois. La gouvernance nationale, c'est de nous assurer que le Québec progresse, avance, récupère des pouvoirs, que sur tous les fronts nous occupions pleinement le terrain jusqu'à ce que nous soyons souverains.»
Manque d'honnêteté
La réaction gouvernementale n'a pas tardé: à Québec, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a qualifié de malhonnête la stratégie souverainiste de Pauline Marois.
M. Pelletier a accusé Mme Marois d'entretenir la confusion sur ses véritables intentions. «Mme Marois n'a pas le courage qu'ont eu les Jacques Parizeau avant elle et ses prédécesseurs, René Lévesque notamment, de nous dire qu'il y aura un référendum et de nous donner l'échéancier. À mon avis, on est en présence d'une démarche qui est insidieuse, qui n'est pas suffisamment honnête.»
Selon Mario Dumont, chef de l'opposition officielle, le document de Pauline Marois n'a pas été «écrit avec son coeur, mais avec ses sondeurs. Je ne vois pas beaucoup de conviction» dans le document, a-t-il indiqué en affirmant que Mme Marois n'a «plus l'énergie, le langage ou les convictions» pour défendre l'option souverainiste.
M. Dumont estime qu'il y a une «absurdité» dans le projet de conversation nationale. «Ça part de l'idée qu'on n'en a pas assez parlé. Il me semble que ça fait 40 ans qu'on en parle. J'ai de la misère à voir [que cette fois-ci] on va avoir une conversation différente et qu'on arrivera aux bonnes conclusions.»
Mais si le chef adéquiste juge que le «conversationnisme» est une «politique assez bizarre», il reconnaît qu'elle n'est pas totalement contraire aux principes de l'autonomisme qu'il défend. «Dans le langage, il est évident que les péquistes ont pigé à deux mains dans le buffet adéquiste de l'autonomie, a-t-il dit. Mais c'est une utilisation très opportuniste du vocabulaire autonomiste. Dans la vérité, ce sont des gens qui se présentent comme des saboteurs de la vision autonomiste. Leur but ultime, c'est de travailler en ce sens avec le seul espoir que ça ne fonctionne pas.»
Dion d'accord
D'autres ont toutefois vu du bon dans le projet péquiste. Le chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, a ainsi eu une réaction diamétralement opposée à celle du ministre Pelletier, applaudissant à la démarche de Mme Marois. Il y voit un changement salutaire.
M. Dion a évoqué les astuces et les «cages à homard» de l'ancien chef péquiste, Jacques Parizeau, pour indiquer que l'approche de Mme Marois était, au contraire, honnête et responsable. «Si Mme Marois nous dit [...] qu'elle va essayer de convaincre les gens qu'on serait plus heureux, nous les Québécois, si on n'était pas canadiens, une fois qu'elle nous aura convaincus il sera toujours temps de tenir son référendum; ça m'apparaît la bonne procédure.»
Le président du Conseil de la souveraineté du Québec, Gérald Larose, a aussi bien accueilli la démarche. «C'est bien qu'on change de terrain, a-t-il dit. On change de dynamique pour discuter d'éléments concrets et précis. Mme Marois n'exclut pas de tenir un référendum, mais l'objectif premier devient de construire les bases de la mise en place de la souveraineté. C'est tout à fait en ligne avec ce que je développe depuis plusieurs mois.»
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Avec la Presse canadienne
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