Texte publié dans Le Devoir du 4 novembre 2008 sous le titre "La souveraineté nécessaire en crise économique"
La fin de semaine politique qui vient de s'écouler s'est avérée décevante
sur fond de campagne électoral éminente. Pendant que l'ADQ réaffirmait sa
fidélité à la vision autonomiste du rapport Allaire qui lui a donné
naissance et que le PLQ misait sur la carte d'hypothétiques nouveaux «
arrangements » avec Ottawa, le Parti québécois aurait pu se démarquer en
reprenant le combat de la souveraineté sur la base d'un manifeste qu'il
prépare pourtant depuis plusieurs mois et d'un plan d'action qui devait y
donner suite. Il aurait pu lier cette démarche à notre capacité de vraiment
lutter contre la crise économique qui sévit dans tous les pays.
Or, il semble que la direction péquiste ait voulu à tout prix éviter que
le parti apparaisse décroché de la réalité et insensible «aux problèmes du
vrai monde». La question de la souveraineté est donc passée à l'arrière
plan, faisant ainsi le jeu de nos adversaires qui répètent constamment
qu'il n'y a aucun lien entre cette « lubie du Parti québécois » et notre
capacité d'action sur le plan économique. On comprend donc qu'il faudra
compter sur le gouvernement fédéral conservateur pour tenter de juguler la
crise économique actuelle.
Or selon Pauline Marois, lors des prochaines élections, et par conséquent,
après les prochaines élections, la souveraineté ne sera pas l'élément
central de la plate-forme du PQ : «après l'élection d'un gouvernement du
Parti québécois, nous occuperons tout l'espace de pouvoir qui revient
présentement au Québec». Quel espace ? Avec 80% du budget du Québec
consacré aux dépenses en éducation et en santé, dépenses qui augmentent
plus rapidement que les revenus du Québec? Sans les pouvoirs économiques
principaux détenus par Ottawa? Avec cette divergence de vision entre un
gouvernement fédéral de droite et la totalité des partis du Québec,
laquelle ne peut mener qu'à des actions contradictoires des deux paliers de
gouvernement ?
Malheureusement, l'histoire semble vouloir se répéter. Avec quels moyens
un gouvernement provincial du Parti québécois pourra-t-il faire mieux que
les autres lors des crises économiques précédentes sous le deuxième
gouvernement Lévesque et sous le gouvernement Bouchard ? Disons-le
clairement, un gouvernement provincial, qu'il soit du PLQ, du PQ ou de
l'ADQ, ne peut faire beaucoup, les moyens d'action principaux sont à Ottawa
parce que le Québec n'est pas un pays. Le dire et surtout, agir en conséquence, est, dans la situation actuelle,
la meilleure façon de se s'occuper des « problèmes du vrai monde ». En tant
que contribuable, faisant aussi partie du « vrai monde », j'exige que le
prochain gouvernement du Québec s'occupe du rapatriement de nos moyens
collectifs pour lutter contre la crise économique. Cette question, et bien
d'autres, exige une reprise de la démarche du Québec vers sa souveraineté,
ou à défaut vers le rapatriement, avec ou sans l'accord d'Ottawa, de nos
compétences les plus vitales sans lesquelles notre nation a peu d'avenir.
Ce qui ressort de la réunion péquiste de la fin de semaine dernière, c'est
une fade odeur de démission. Il faudrait compter sur d'hypothétiques gains
du Québec pour « démontrer que nous sommes capables de nous diriger
nous-mêmes» et « rendre le Québec de plus en plus souverain ». Cela aussi
rappelle le mauvais psychodrame de l'affirmation nationale. Le Parti
québécois peut sûrement faire mieux.
Il est intéressant ici de comparer la position actuelle du PQ à celle que
12 ministres du Parti québécois, dont Jacques Parizeau, Camille Laurin,
Bernard Landry, Pauline Marois et le soussigné avaient proposée à René
Lévesque vers la fin de 1984. « Pour progresser jusqu'à l'adhésion d'une
majorité de la population », disions-nous alors, « le projet souverainiste
doit s'enraciner dans les besoins et les préoccupations des Québécois et
des Québécoises. La souveraineté du Québec n'est pas seulement une question
juridique et constitutionnelle, mais économique et sociale. »
Encore plus en ces temps de crise économique, il faut à la fois des
mesures provinciales concrètes, à court terme, mais forcément limitées dans
le régime actuel, et, en même temps une démarche vigoureuse et déterminée
vers la souveraineté ou au minimum, vers le rapatriement des principaux
moyens d'intervention de notre gouvernement national. Ensemble,
souverainistes et autonomistes regroupent près des trois quarts de la
population du Québec et c'est pourtant l'opinion de l'autre 25% qui
continue à prévaloir et qui nous maintient dans l'impuissance. Il y a
quelque chose de profondément antidémocratique à accepter cette situation.
Je ne sous-estime pas la difficulté de dépasser les luttes partisanes,
mais je suis convaincu que la population exige de tous les partis, sans
mettre de côté leurs divergences sur les autres questions, qu'ils placent
l'émancipation de notre nation, et avec elle cette urgente lutte à la crise
économique, laquelle requiert un rapatriement de nos principaux moyens
collectifs.
Par Gilbert Paquette
Ex-ministre du Parti Québécois
Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
On a besoin de la souveraineté contre la crise économique
Chronique de Gilbert Paquette
Gilbert Paquette68 articles
Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’...
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Ex-ministre du Parti Québécois
_ Président des Intellectuels pour la souveraineté (IPSO)
Gilbert Paquette est un chercheur au Centre interuniversitaire de recherche sur le téléapprentissage (CIRTA-LICEF), qu’il a fondé en 1992. Élu député de Rosemont à l’Assemblée nationale du Québec le 15 novembre 1976, réélu en 1981, Gilbert Paquette a occupé les fonctions de ministre de la Science et de la Technologie du Québec dans le gouvernement de René Lévesque. Il démissionne de son poste en compagnie de six autres ministres, le 26 novembre 1984, pour protester contre la stratégie du « beau risque » proposée par le premier ministre. Il quitte le caucus péquiste et complète son mandat comme député indépendant. Le 18 août 2005, Gilbert Paquette se porte candidat à la direction du Parti québécois. Il abandonne la course le 10 novembre, quelques jours à peine avant le vote et demande à ses partisans d’appuyer Pauline Marois. Il est actuellement président du Conseil d’administration des intellectuels pour la souveraineté (IPSO).
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