Des voix se sont élevées, ces dernières années, pour réclamer qu'on débarrasse le débat politique québécois de l'omniprésente polarisation autour de la question nationale qui, disait-on, brûlait de précieuses énergies pouvant être mieux investies ailleurs.
C'est à peu près chose faite dans la joute électorale actuelle et, surprise, on la trouve bien ennuyante, cette petite élection provinciale de la Belle Province De Québec ( prononcer en roulant le R ).
Mais comment cela se fait-il ? N'est-ce pas ce qu'on voulait ? Les enjeux ne sont-ils pas intéressants et importants, et plus en évidence puisque enfin dédouanés du monstre à tentacules gluant qu'est le spectre de l'indépendance ?
Il y a bel et bien, pourtant, dans une foule de secteurs névralgiques, matière à d'essentielles discussions politiques. Et l'éventail des solutions mises sur la table comporte d'ambitieux projets qui vont de la droite adéquiste à la gauche solidaire, en passant par les nouveaux Dupond et Dupont de l'intendance provinciale : le PQ et le PLQ.
Outre le fait que son seul déclenchement soit loin de faire l'unanimité, y a-t-il autre chose qui fait que cette élection soit si durablement inintéressante pour plusieurs ?
Serait-il possible que, maintenant remis à l'heure de notre statut régional, nous acceptions, inconsciemment peut-être, l'impuissance et le manque d'emprise sur notre destin que cela implique encore et toujours, et même plus que jamais, et que cela rende le débat un peu futile ?
Se pourrait-il que les apparentes similitudes entre les deux grands partis que je raillais plus haut, soient le résultat du fait que les moyens ne sont pas ici mais bien à Ottawa, là où se trouve le vrai maître du jeu, dont les orientations sont plus que jamais divergentes par rapport aux intérêts nationaux des Québécois ?
Alors qu'autrefois, nous trouvions peut-être refuge, ou un début de réponse à nos aspirations nationales, dans le simple fait d'avoir le choix de voter ou non pour un parti semblant vouloir l'indépendance du Québec.
Nous ne votions pas tous pour le PQ quand il était plus clairement engagé, mais nous avions au moins l'impression de contrôler, de décider quelque chose, puisque la présence tangible de cette option conférait aussi valeur d'option, de choix, à ce qu'on a pompeusement appelé " fédéralisme ", mais qui en fait n'est autre chose que le statu quo, c'est-à-dire la poursuite de notre constante extinction dans l'ensemble canadien.
Alors qu'aujourd'hui, on ne choisit même plus. Le statu quo est entendu. On ne peut même plus choisir de disparaître. Nous disparaissons, et c'est sans appel.
Nous regardons le monde et les défis qui nous attendent à travers le prisme de la tutelle politique. Nous pouvons, nous devons, nous mesurer à ceux de notre rang : Terre-Neuve, l'Île-Du-Prince-Édouard ou le Manitoba. La France, les États-Unis ? C'est pour les grands. Même Ottawa, cette importantissime capitale, nous survole.
Nos succès comme nos échecs sont indéfiniment pondérés par le pays d'à côté, et mis à son crédit. Nous ne sommes responsables de rien.
Bien sûr, nous avons l'insigne honneur que le Boss daigne bien, non sans quelques grincements de dents il faut bien le dire, nous confier la gestion de certains dossiers. Mais c'est lui, ultimement, qui organise nos moyens.
Et dire qu'on pensait, dans ce contexte, qu'une élection de province ordinaire serait autre chose qu'un gros débat municipal.
Une course où quelques aspirants-maires se disputent des leviers déjà tenus fermement par d'autres mains, où les projets des concurrents se ressemblent avant même qu'on remette au gagnant les clés d'un coffre rempli d'enveloppes vides.
En fait, les principaux partis, PQ, ADQ et PLQ, présentent trois saveurs de gouvernance subordonnée, les premiers privilégiant une forme ou une autre de nationalisme revendicateur -- mais sans rapport de force, si ce n'est l'hypothétique référendum péquiste --, le troisième préférant faire semblant qu'il est content, ce qui a l'avantage d'être moins fatigant.
Bref, faire une élection québécoise délestée de la question nationale -- sans que l'indépendance soit réalisée -- est tout-à-fait possible, pourvu qu'on ne se prenne pas pour une nation qui gère ses propres affaires. Sinon, on sera toujours déçu.
Il faut se faire à cette idée : Le Québec est une province. L'axe du vrai pouvoir national ne passe pas par ici.
Pour la première fois depuis des décennies, nous avons un débat électoral qui ne conteste pas cet état de choses.
Contents ?
N.Payne
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
30 novembre 2008Pour l'instant, les acteurs principaux ne semblent pas si motivés de replonger dans ce débat.
Tant mieux, car, les situations évoluent même si le problème est une constance.
Au lieu de lutter sur des changements constitutionnels impossibles parce que verrouillés, nous devons porter la lutte sur d'autres fondements de la société :
1) Indépendance énergétique, en développant les ressources durables et en maximisant l'électrification des transports. En refusant Rabaska
2) Indépendance alimentaire. Illusoire sous notre climat. Mais en maximisant l'exploitation agricole et en assurant les débouchés locaux.
L'agriculture de serre peut être développée dans les communautés nordiques.
Les plus grands coûts de l'alimentation vont provenir de leur transport avec la remontée du prix des carburants.
3) Indépendance économique. La récession mondialisée frappe moins les états autarciques. Nous ne pouvons réglementer ou contrôler le libéralisme mondialisé. Une saine économie n'est pas tant des échanges dont la valeur des exportations dépassant celle des importations, mais plus une optimisation des ressources disponibles pour rencontrer les besoins locaux. Certaines sociétés consacrent toutes leurs ressources à l'exportation et doivent importer les nécessités pour vivre. Ils finissent par y perdre au change, sauf les cambistes.
4) Indépendance de services. La saga des cancéreux expédiés dans les hôpitaux américains a fait mal. Il faut savoir optimiser nos infrastructures pour y développer les meilleures technologies appropriées et l'expertise. La saga des deux CHUs est le plus horrible héritage du régime Charest. J'en suis rendu à militer pour le CUSM, en tant qu'entité indépendante, qui servirait à la fois McGill et l'Université de Montréal.
Nous misons trop sur l'avionique. Ce secteur va crouler. Si ce n'est la dépression mondiale que le tuera, ce sera l'envolée des prix pétroliers.
Archives de Vigile Répondre
30 novembre 2008Très bien écrit monsieur Payne.
Et c'est cette situation qui rend la campagne électorale si insipide.
Quand les ténors du PQ déclarent que la désaffection envers le PQ est attribuable à une désaffection envers la souveraineté, au lendemain d'une élection qui les ravale au rang de 2e groupe d'opposition, on ne peut se tirer dans le pied plus efficacement. Desmarais et sa gang ont du avaler du vin par les narines tellement ils ont dû rire de cette déroute intellectuelle.
Quand le PQ accable la souveraineté de ses propres problèmes, il valide la thèse fédéraliste. Par quel hasard la thèse fédéraliste ne ferait-elle pas elle-même l'objet de la lassitude des électeurs !?!?!
Ce rejet de la souveraineté dans les faits démobilise les membres du PQ qui croient encore en leur vrai pays et les souverainistes de centre-droite qui n'appartiennent pas à cette formation -elle les bute à l'extérieur- qui n'ont pas/plus d'attachement viscéral envers ce parti.
Dans de telles conditions, je me dis à quoi bon voter pour le PQ si ce parti est devenu «statuquoiste» ?
Remettez l'indépendance du Québec au centre du débat et de l'action, dites-nous que vous mettrez l'État au service de la souveraineté, posez des gestes d'État une fois au pouvoir (fin du choix de la langue au passage du secondaire au cégep, carte de citoyenneté, constitution interne, etc) Redonnez naissance à notre rêve.
Et de grâce, faites taire les imbéciles qui déclarent de temps en temps que le Québec souverain sera socialiste ou ne sera pas. Ça fait peur, vraiment plus que l'indépendance elle-même.