Sous les seuls applaudissements des banquiers et de leurs filiales en valeurs mobilières, Jim Flaherty a franchi hier un nouveau pas dans la création d'une agence pancanadienne de réglementation en valeurs mobilières. Il reste maintenant au ministre des Finances à expliquer la pertinence d'une telle incursion dans un champ de compétence provinciale.
Voici un petit rappel télégraphique de l'argumentaire des partisans du modèle actuel d'encadrement faisant appel à une décentralisation harmonisée coiffée d'un organisme canadien: les ACVM.
- En 2005, un comité mandaté par le gouvernement ontarien pour recommander un modèle d'organisme unique reconnaissait tout de même que le régime de passeport était «une mesure importante» qui méritait qu'«on lui permette de réaliser tout son potentiel», allant même jusqu'à inviter l'Ontario à y adhérer.
- En 2006, l'OCDE reconnaissait que le système canadien répondait à la principale préoccupation, à savoir que la façon d'organiser la réglementation a moins d'importance que la réglementation elle-même. Du même souffle, l'OCDE classait le Canada parmi les meilleurs au monde en matière d'efficacité réglementaire et de réglementation favorable au développement du secteur financier. Cette belle note était accordée à un régime décentralisé dans le respect des compétences de chacun, mais harmonisé autour d'un régime de passeport et de la création des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM). Ce régime permet à l'émetteur, au courtier ou au représentant désirant accéder au marché des capitaux de ne transiger qu'avec l'autorité en valeurs mobilières de sa juridiction principale et en ne se conformant qu'aux règles d'accès de cette juridiction.
- Même constat pour le Fonds monétaire international qui, en 2004, invitait le Canada à se doter d'une agence unique, par souci de prétendus coûts réglementaires moindres. En février 2008, le FMI a finalement reconnu des bienfaits à l'harmonisation pratiquée ici.
- Dans le cadre des audiences du groupe d'experts mandaté par M. Flaherty, la Banque du Canada a fait allusion à une simplicité découlant d'un encadrement centralisé. Et sans prendre position, l'institution reconnaissait tout de même un aspect novateur à l'approche législative québécoise. Elle citait notamment la Loi sur les instruments dérivés adoptée par Québec, «qui inspire des pratiques exemplaires en matière de surveillance des transactions portant sur les produits dérivés». La Loi sur la distribution des produits et services financiers, qui a mené à l'avènement, sous la forme de l'Autorité des marchés financiers, d'un guichet réglementaire unique répondant à la réalité d'un marché financier décloisonné, a également attiré son lot d'éloges. Ce fut aussi le cas du durcissement des peines en matière de contravention à la Loi sur les valeurs mobilières en vertu du Code pénal québécois.
- Selon le rapport en deux volets des professeurs de l'Université Laval Jean-Marc Suret et Cécile Carpentier, «le coût du capital-actions est, au Canada, l'un des plus faibles au monde». Par rapport aux États-Unis, le coût direct serait inférieur, et de loin, pour les émissions de petite taille — le Canada est largement un marché de petites capitalisations — et similaire pour une émission d'envergure. Le traitement des dossiers serait, aussi, plus rapide ici. Quant au coût du capital, «le Canada disposerait même d'un avantage net dans les secteurs financiers et des ressources, avec une différence de l'ordre de 100 points de base».
- Les auteurs opposent également aux idées centralisatrices la localisation des sièges sociaux des sociétés émettrices, à 63 % hors de Toronto. Autrement dit, les émetteurs de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec sont à l'origine de 65,3 % des opérations de financement de toute nature effectuées au Canada, contre 22,9 % pour l'Ontario.
- Dans le volet de l'étude déposé en 2003, ces auteurs faisaient grand état de la concentration oligopolistique de l'industrie bancaire. Ils relevaient notamment que toutes les grandes firmes de courtage intégrées au Canada appartiennent à six grandes banques, et que ces institutions sont à la fois fortement impliquées dans la détention des Bourses (aujourd'hui centralisées à Toronto) ainsi que dans les conseils d'administration de divers organismes d'autoréglementation. «Cette situation où un monopole réglementaire régit un oligopole est potentiellement dangereuse», concluaient-ils.
- De tels organismes de réglementation ont pour mandat de protéger les épargnants et les investisseurs, et non de sauvegarder les intérêts commerciaux des institutions financières et des émetteurs, ce qui milite en faveur d'une harmonisation décentralisée, d'une proximité des moyens d'intervention et de prévention.
- Quant au service en français d'une agence centralisée à Toronto...
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