Il appert que les victimes d'Earl Jones auraient été soulagées par la présence d'une agence unique au Canada. Qu'en pensent les victimes de Madoff aux États-Unis? Celles d'Enron? Et les victimes présumées de Goldman Sachs?
Intercepté à sa sortie de la réunion des parlementaires conservateurs hier, le ministre fédéral des Finances a dit que les victimes d'Earl Jones lui ont elles-mêmes demandé de mettre sur pied une seule commission, capable d'enquêter et d'imposer des règles dans les marchés nationaux et internationaux; tâche impossible, selon lui, dans un système où fonctionnent 13 commissions séparées, selon une dépêche de la Presse canadienne. Du même souffle, il a promis que son projet de loi, attendu bientôt, donnera de sérieux pouvoirs à la nouvelle commission. De pareils pouvoirs seraient-ils inaccessibles à la commission québécoise? Réponse du ministre: inutile d'avoir des pouvoirs si on ne les applique pas, peut-on lire dans l'article de la Presse canadienne.
Ce plus récent argument du ministre fédéral des Finances tombe à plat. La référence à Earl Jones détonne. D'autant que cette affaire était un cas de fraude commise par un particulier s'affichant planificateur financier ou conseiller, mais qui n'était pas inscrit auprès des organismes de réglementation. L'affaire Earl Jones était de l'ordre du Code criminel et tombait sous la responsabilité de la Sûreté du Québec ou de la GRC, et non de l'Autorité des marchés financiers ou de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Et si c'est le modèle des États-Unis de réglementation et d'encadrement des valeurs mobilières qui inspire Jim Flaherty, que doit-on penser de Madoff, de Rothstein et des autres adeptes du schéma de Ponzi ayant composé le paysage américain?
D'ailleurs, les voix s'élèvent parmi les victimes de ces criminels en col blanc pour exiger d'Ottawa aussi et surtout des peines plus dissuasives, y compris des pénalités plus lourdes et de plus longues sentences d'emprisonnement. L'histoire en ce qui concerne les modèles centralisés de type américain ou britannique nous enseigne que la façon d'organiser la réglementation a moins d'importance que la réglementation elle-même. Rappelons que cette affirmation vient de l'OCDE qui, en 2006, classait le Canada en tête des pays industrialisés au chapitre de l'efficacité réglementaire et de la réglementation favorable au développement du secteur financier. Cette belle note, qui concluait une vaste étude comparative, était accordée à un régime décentralisé dans le respect des compétences de chacun, mais harmonisé autour d'un régime de passeport et de la création des Autorités canadiennes en valeurs mobilières.
Rien ne sert de revenir sur la liste des arguments, maintes fois évoqués et trop nombreux, démontrant la pertinence de la structure actuelle et s'opposant à l'obsession centralisatrice du gouvernement fédéral dans un domaine de juridiction provinciale. S'ajoute depuis peu à cette liste la carte des emplois spécialisés que perdrait par milliers le Québec au profit de Toronto et d'une Bay Street largement sous influence d'un oligopole bancaire.
Hier un appui de taille à l'encadrement actuel est venu de la Financière Power, qui a notamment évoqué le bon fonctionnement du statu quo et les réticences régionales au modèle d'agence centralisée. Si l'Alberta et le Québec s'y opposent farouchement, empruntant même le chemin des tribunaux, les provinces de l'Atlantique ont également manifesté hier des réserves. Tout en se disant d'esprit ouvert, Terre-Neuve, l'Île du Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont défendu l'importance d'une représentation locale et du respect de leurs particularités. Soucieuses de protéger l'intérêt des investisseurs et émetteurs locaux, ces provinces ont manifesté des doutes et ont soutenu vouloir analyser tout projet de loi avant d'abdiquer tout droit et toute compétence en la matière. Le Nouveau-Brunswick, pour sa part, a également évoqué sa réalité bilingue.
Lundi, une vaste coalition de gens d'affaires québécois a vu le jour pour combattre le projet fédéral d'agence nationale. De gros noms brillaient par leur absence. On pense à Power Corp, qui est venue corriger le tir hier par sa branche financière. Qu'en est-il du Mouvement Desjardins et de la Banque Nationale?
L'institution coopérative ne veut pas se retrouver au sein de tiraillements politiques. Elle a cependant déclaré qu'elle était convaincue de la valeur du régime de passeport tout en se disant ouverte à une coordination à l'échelle nationale. Elle se fait partisane d'un consensus national dans le respect des compétences de chacun, tout en reconnaissant qu'une commission unique comporte un danger pour l'emploi.
Au Groupe financier Banque Nationale, on veut faire confiance aux instances établies pour déterminer quel sera le meilleur régime pour protéger les intérêts des consommateurs québécois.
Perspectives
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