C’était à prévoir, la reprise du débat autour de la laïcité et des accommodements raisonnables a valu une pluie de critiques à la chef péquiste. Les flèches sont surtout venues de la presse ontarienne, celle de droite s’en donnant à coeur joie. La Charte de la laïcité et l’interdiction des signes religieux, sauf le crucifix, ont été unanimement dénoncées. Et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que fusent les accusations d’intolérance, de xénophobie et de racisme.
Au National Post, c’est la surenchère. Chris Selley reprend le fil des événements en inversant les rôles, situant l’action au Canada anglais. Il est persuadé que si une province anglophone proposait les mêmes politiques que Marois, ce serait le tollé. Selley comprend la situation différente du Québec, mais cela ne l’empêche pas d’y voir de l’intolérance. Il ne souhaite pas un départ du Québec, « mais la peur d’un quelconque ressac n’a jamais été une bonne raison pour justifier le silence des Canadiens face à l’intolérance. Ce serait humiliant. Si le pays ne pouvait survivre au fait d’exposer les tendances xénophobes et étroites d’esprit du Québec, nous aurions au moins conservé notre fierté ». Son collègue Jonathan Kay est cinglant. « La loi serait plus claire si on remplaçait le mot « ostentatoire » par « ethnique ». Mme Marois n’a aucun problème avec la religion en soi, seulement avec celles qui viennent avec un accent et une peau bronzée. »
Pour Tasha Kheiriddin, toujours du Post, « la xénophobie se porte bien au Québec ». Elle en veut pour preuve les remarques de François Legault au sujet des enfants asiatiques, l’interdiction de certains symboles religieux envisagée par Pauline Marois et les déclarations du maire de Saguenay, Jean Tremblay, au sujet de Djemila Benhabib. Selon elle, tout cet épisode met « en relief le fait qu’il y a deux Québec, l’un pluraliste à Montréal et l’autre, plus homogène, c’est-à-dire blanc, francophone et catholique, dans les régions ». S’il faut que l’intolérance fasse encore recette en 2012, conclut-elle, c’est tout le Québec qui perdra au change, et pas seulement les minorités ethniques.
Et ça continue…
Du côté de l’agence QMI, on trouve Pauline Marois « pire » que René Lévesque, car « s’il y a toujours eu un élément raciste au projet de Lévesque de diviser le Canada et de préserver la domination francophone, il n’avait pas cette mauvaise odeur qui entoure le sécuralisme outrancier de Marois ». Le Québec contre le Canada ne suffit plus, dit QMI. Le fossé qu’elle creuse est entre les Québécois eux-mêmes. Un projet, poursuit l’agence, digne du Front national français.
« Odieux, c’est la seule façon de décrire la dernière tactique du Parti québécois pour protéger son avance », affirme le Toronto Star. « Encore une fois, le parti se positionne comme le champion de l’identité québécoise en opposant la majorité aux minorités. » Selon le quotidien, « c’est un aspect malsain et générateur de divisions du nauséabond débat identitaire québécois et de sa peur exagérée des minorités. Et Marois est maître en la matière. »
Le Globe désapprouve aussi. Selon lui, la situation particulière du Québec, où les francophones sont minoritaires au sein du Canada, impose un devoir supplémentaire aux leaders politiques. « Les Québécois doivent avoir l’assurance que la protection de leur identité et la protection des droits des musulmans, juifs et autres minorités ne sont pas des buts mutuellement exclusifs. » À son avis, Marois a passé la campagne à faire le contraire. Elle a pris la défense de Djemila Benhabib face au maire Tremblay, mais « sa condamnation, dit le Globe, a peu de poids étant donné que ses propres propositions créeraient un environnement encore plus toxique pour les minorités ».
Par ailleurs
Dans l’Ottawa Citizen, Robert Sibley ne s’étonne pas des réactions d’indignation du Canada anglais, où le multiculturalisme fait office de « Saint Graal ». Il n’est pas plus surpris des accusations de xénophobie ou de racisme. Marois s’en défend. Lui-même en doute, mais il croit qu’elle devrait s’excuser pour sa « lâcheté intellectuelle, sans parler de son incohérence ». Elle n’a pas le courage de ses convictions, dit-il, car « la tolérance suppose un engagement moral à agir avec équité et décence à l’endroit des gens avec qui nous sommes en désaccord ». Or, déplore-t-il, « on en est venu à croire que la tolérance allait jusqu’à interdire l’expression de son désaccord face à une pratique contraire aux principes guidant notre société ». Il parle d’hyper-tolérance, produit d’un « libéralisme exacerbé qui voit toutes les cultures, croyances et modes de vie comme moralement et éthiquement égaux ». À l’extrême, cela veut dire tout accepter ou tout refuser, on ne peut juger. Selon lui, le paradoxe de la position de Marois se trouve là. Il est évident, dit-il, que sa Charte vise les signes voyants du fondamentalisme musulman et qu’elle ne s’inquiète pas d’une discrète kippa ou d’un kirpan de la taille d’une gomme à effacer. Selon Sibley, Marois « est à la fois un exemple de ce qui cloche avec le multiculturalisme - ou l’hyper-tolérance - et un reflet du ressac croissant, quoique incohérent, contre lui ». La rectitude politique exige de Marois qu’elle soit inclusive, écrit-il, mais elle ne peut résister elle non plus à un certain tribalisme.
Revue de presse
Marois dans la mire
C’était à prévoir, la reprise du débat autour de la laïcité et des accommodements raisonnables a valu une pluie de critiques à la chef péquiste.
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