Depuis la commission Charbonneau, les méthodes de collecte de fonds des partis politiques sont sous la loupe, surtout quand chefs et ministres y sont étroitement associés ou quand il est question d’imposer des objectifs de financement aux élus. Samedi dernier, un reportage du Journal de Montréal a bien fait craindre l’arrivée des pratiques contestées à Ottawa.
L’histoire, qui a semé un certain émoi, portait sur la décision du Parti libéral du Canada (PLC) d’exiger de ses députés sortants d’avoir dans leur cagnotte électorale au moins la moitié des fonds permis par la loi pour financer leur campagne locale, l’automne prochain. Ceux incapables de respecter ces objectifs oscillant entre 50 000 $ et 64 000 $ pourraient faire face à une course à l’investiture.
Faut-il voir là une nouvelle version du financement sectoriel pratiqué par le Parti libéral du Québec sous Jean Charest et en vertu duquel les ministres devaient récolter 100 000 $ pour leur parti ? Cette façon de faire, qui supposait qu’un ministre sollicite, directement ou non, les clients de son ministère, a été dénoncée par la commission pour son manque d’éthique et les risques de corruption.
L’approche du PLC, expliquée sur son site Internet depuis plus d’un an, est d’un autre ordre. Avoir des cibles locales de financement est une pratique courante au sein des partis à l’approche des élections, même si, à part le PLC et le Bloc québécois, ils ne le reconnaissent pas. Par ailleurs, les députés libéraux peuvent avoir amassé les fonds sur plusieurs années, ces derniers étant réservés à l’association locale pour la campagne du candidat, ministre ou pas. Pas un sou n’est destiné à l’organisation centrale. Les ministres n’ont aucune cible de financement à atteindre au profit de la campagne nationale.
Les objectifs libéraux ont attiré l’attention parce que le gouvernement Trudeau a fait face à des allégations de financement sectoriel en début de mandat. Cela a commencé quand la ministre de la Justice d’alors, Jody Wilson-Raybould, a accepté de participer à un cocktail de financement en avril 2016 dans les bureaux torontois d’une grande firme d’avocats. En octobre 2016, on apprenait que le ministre des Finances, Bill Morneau, avait assisté à des événements du genre avec des gens d’affaires. Le premier ministre Justin Trudeau a finalement provoqué un tollé en participant à des réceptions privées, dont une qui a fait beaucoup de bruit organisée à la résidence d’un membre influent de la communauté chinoise.
Attaqué de toutes parts, le gouvernement a modifié la loi et les nouvelles règles, présentées au printemps 2017, sont entrées en vigueur en janvier de cette année. En vertu de cette loi, les partis doivent afficher sur le site d’Élections Canada les événements de financement à venir auxquels participent les chefs, les ministres ou les candidats à la direction et publier ensuite un rapport identifiant les personnes présentes et précisant le prix d’entrée.
Pris à partie, le PLC a voulu laver plus blanc que blanc. D’avril 2017 à janvier dernier, il a publié sur son site les informations exigées par la loi. Depuis janvier, seulement le Parti conservateur (PCC), le Parti populaire et le PLC ont affiché des événements sur le site d’Élections Canada pour l’année 2019. Le PLC en a tenu plus que tout le monde, mais aucun dans des résidences privées, ses activités étant maintenant toujours ouvertes aux médias.
Il n’a malheureusement pas cru bon d’inscrire cette exigence dans la loi, ce qui permet aux autres partis de continuer de tenir des événements à huis clos et au PLC, s’il le souhaite, de revenir en arrière. La nature privée de telles activités est problématique, en plus d’accentuer l’impression de copinage.
En matière de financement politique, la plus grande transparence doit être la règle, d’autant plus quand les contributions politiques permises sont élevées. Cette année, une personne peut donner jusqu’à 1600 $ à un parti fédéral et autant à une association locale. Le prix d’entrée des activités de financement n’est pas toujours aussi élevé, mais dans bien des cas, seuls quelques privilégiés, souvent intéressés, peuvent se permettre de se frotter aux décideurs.
À moins de trois mois des élections, tous les partis devraient s’engager à l’avenir à tenir toutes leurs activités de financement au grand jour et, au lendemain du scrutin, à inscrire cette exigence dans la loi.