Devant la multiplication d’indices laissant raisonnablement craindre à une absence d’impartialité, le Rassemblement pour la laïcité (RPL), qui regroupe plusieurs organismes de la société civile favorables à la laïcité, appuie la démarche de l’historien Frédéric Bastien qui porte plainte au Conseil de la magistrature au sujet de la juge en chef de la Cour d’appel, Mme Duval-Hesler, quant à la demande de suspension de la loi 21 sur la laïcité de l’État.
En effet, à l’instar de M. Bastien, le RPL estime qu’il n’est désormais plus possible, notamment en regard des déclarations de Mme Duval-Hesler, d’être assuré de l’impartialité du processus d’appel qui se penche actuellement sur le jugement rendu en première instance par le juge Yergeau sur l’injonction demandée par les opposants à la Loi sur la laïcité de l’État.
D’entrée de jeu, les écrits passés de la juge Duval-Hesler pouvaient certes porter à croire que cette dernière entretient depuis longtemps un préjugé favorable envers les thèses mises de l’avant par les adversaires de la laïcité. Par exemple, dans un texte publié en 2011 et intitulé « L’évolution du droit à l’égalité et l’élimination des préjugés inconscients chez les juges en matière d’égalité », elle affirme que « le discours sur les conséquences négatives du multiculturalisme ne peut mener nulle part ».
Les apparences concrètes de partialité dans cette affaire vont beaucoup plus loin. Ainsi, lors de la conférence de gestion du 21 août dernier, qui réunissait notamment les avocats des parties et la juge en chef Duval-Hesler, cette dernière a soulevé elle-même un argument de droit qui n’avait pas été plaidé auparavant, soit l’inapplicabilité de l’article 33 (clause dérogatoire) en regard de l’article 28 de la Charte canadienne. Or, que la juge en chef elle-même soulève d’éventuels arguments juridiques est totalement inhabituel, cela d’autant plus qu’il s’agit d’un processus d’appel, où il ne s’agit que de voir s’il y a eu une erreur dans le jugement de première instance.
De même, au cours de l’audience du 26 novembre dernier, la juge en chef Duval-Hesler a poursuivi dans la même veine en exprimant des opinions politiques préjugeant de la cause et a associé la loi 21 à une réponse aux « allergies visuelles » de certaines personnes aux signes religieux, ce qui dénature une loi quasi constitutionnelle adoptée dans l’intérêt public. Elle affirme aussi : « (…) c’est le législateur qui vise spécifiquement les femmes voilées, voyons donc, c’est écrit en toutes lettres. ». Une affirmation complètement fausse, puisque les femmes voilées ne sont nullement mentionnées dans la Loi.
Toujours lors de l’audience du 26 novembre, alors que l’avocat du gouvernement, Me Cantin, invoquait l’article 33 de la Charte canadienne, une juge l’a interrompu pour lui demander : « C’est quoi votre signe religieux ? » Ceci constituait bien évidemment une question tout à fait déplacée et inappropriée.
« L’accumulation de faits troublants nous a convaincus que l’impartialité du processus en cours est menacée, ce qui risque de compromettre la confiance de la population dans l’administration de la justice. En effet, vu l’importance de la Loi sur la laïcité de l’État, une loi fondamentale pour la société québécoise, rien ne serait plus dommageable pour l’évolution du dossier que d’avoir le moindre doute quant à la probité du processus judiciaire en lien avec la contestation de cette loi. D’où l’importance pour le Conseil canadien de la magistrature d’examiner la plainte déposée à l’encontre de la juge en chef. », a conclu Mme Michèle Sirois, co-porte-parole du RPL.
Le Rassemblement pour la laïcité (RPL) est une coalition citoyenne réunissant plusieurs organismes, tels que l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL), les Intellectuels pour la laïcité (IPL), Les libres penseurs athées (LPA), le Mouvement laïque québécois (MLQ), le Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ), Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec), les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ libre), etc.
Photo : Martin Blache