Je vous ai parlé dans mon dernier billet d’Irwin Cotler. Responsable de la lutte contre l’antisémitisme au Canada, il a critiqué la loi 21 sur les ondes de la CBC et on doit y revenir.
L’ancien ministre de la Justice de Jean Chrétien condamne l’utilisation de la clause dérogatoire, laquelle protège partiellement la loi 21 d’une invalidation par les magistrats fédéraux en vertu de la charte. «Laissons les juges faire leur travail», dit-il, se vantant du même souffle de ne jamais avoir utilisé cette disposition lorsqu’il était au gouvernement. Évidemment qu’il ne l’a pas utilisée! Ce n’est pas par respect pour la charte, mais bien parce qu’il nommait les juges. Il prenait soin de sélectionner ceux qui partageaient la même religion que lui: le multiculturalisme canadien. Voilà comment, par exemple, il a choisi Rosalie Abella pour la Cour suprême. Cette dernière est membre de la Lord Reading, un lobby anti-loi 101 qui conteste actuellement la loi 21 en cour.
L’intéressée, qui a pris sa retraite récemment, a été membre de la Lord Reading tout le temps où elle a occupé les plus hautes fonctions judiciaires, un flagrant délit du principe d’impartialité des tribunaux. Plus récemment, Ottawa a nommé Sylvain Lussier à la Cour supérieure du Québec, un autre membre de la Lord Reading. Et que dire d’Aziz Hussain, nommée à la même cour, qui a comparé la loi 21 au nazisme.
Les exemples de juges hostiles au Québec sont multiples. Voilà pourquoi tous nos gouvernements, soit les péquistes, libéraux ou les caquistes, ont utilisé la clause dérogatoire. M. Cotler nous condamne pour avoir posé ce geste. Curieusement, quand l’Ontario a fait la même chose au printemps dernier, il est demeuré silencieux.
Comme la charte canadienne nous a été imposée, M. Cotler précise de plus que la loi 21 viole aussi la charte québécoise, histoire de mieux nous culpabiliser. Qu’en est-il exactement?
D’abord, la laïcité ne viole pas des droits, elle protège la liberté de conscience de tous les citoyens. Dans le cas de l’école par exemple, les élèves ne sont pas exposés à du prosélytisme religieux de la part du professeur.
Deuxièmement, la charte québécoise a été colonisée par la jurisprudence de la charte canadienne. Elle n’a plus d’existence autonome. Les juges fédéraux lui font dire commodément les mêmes choses que la Loi constitutionnelle de 1982. Ils ont procédé ainsi pour invalider la loi 101 en 1988, invoquant les deux chartes. Ils font la même chose aujourd’hui avec la loi 21. La mention de la charte québécoise est un argument purement politique qui sert à compenser l’illégitimité chez nous de la charte canadienne.
Même si ce n’est pas le cas, admettons pour fins de discussion que la loi 21 empiète sur les libertés individuelles. Cela ne changerait rien au fait qu’aucun droit n’est absolu. On ne peut pas crier au feu dans un cinéma bondé quand il n’y a pas d’incendie et invoquer ensuite sa liberté d’expression pour se justifier. Une limite doit être imposée quelque part.
Pour M. Cotler, ce sont les juges fédéraux qui doivent avoir le pouvoir de tracer la ligne. De façon antidémocratique, cela leur permet d’invalider nos lois dans nos champs de compétence. En vertu de la clause dérogatoire, l’Assemblée nationale peut bloquer partiellement le bras judiciaire d’Ottawa. Les élus québécois signifient ainsi que ce sont eux qui décident des limites aux droits individuels. Dans le cas de la loi 21, ils font prévaloir la liberté de conscience. Voilà ce qui est inacceptable pour l’ancien ministre fédéral.
Le pire ne tient pas toutefois à l’insupportable chantage aux droits auquel celui-ci se livre. Le plus imbuvable est l’insistance dont M. Cotler fait preuve pour dire le plus sérieusement du monde que cette affaire n’a absolument aucun rapport avec les relations Québec-Canada. Comme quoi il n’y a vraiment aucune limite à prendre les Québécois pour des cruches!