Les églises brûlées et l’année 2021, selon Trudeau

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« C’est ça, le multiculturalisme canadien. La haine des catholiques est moins répréhensible que celle d’autres groupes. »


Les bilans de fin d’année faits par nos chefs politiques sont souvent intéressants à analyser. Les choses qu’ils oublient et retiennent en disent long. Prenez les vœux adressés aux Canadiens le 31 décembre dernier par Justin Trudeau. Celui-ci est revenu longuement sur ce qu’il décrit comme «la découverte de tombes et de lieux de sépulture anonymes près d’anciens pensionnats». Plusieurs commentaires s’imposent ici.


Premièrement, les tombes autour des pensionnats n’ont nullement été découvertes au printemps dernier. Leur existence était archiconnue, de même que les raisons de leur présence autour de ces anciennes institutions. Ceci ne veut pas dire que l’affaire des pensionnats autochtones n’est pas dramatique et qu’il ne faille pas en tirer des leçons. Je veux simplement souligner qu’en 2015, la Commission de vérité et réconciliation a établi les faits. Ces tombes n’attestent pas de la présence de charniers qui seraient le fruit d’un génocide, comme certains ont pu le croire. 


Évidemment, Trudeau est parfaitement au courant de la situation... sauf qu’il fait semblant d’y voir une «découverte». Ce qui a par contre constitué une nouveauté l’année dernière, ce sont les attaques incendiaires contre plus d’une quarantaine d’églises au pays, presque toutes catholiques. 


De cela, le premier ministre ne dit rien dans son bilan de l’année, lui qui fait de la dénonciation de la haine sa marque de commerce. Au lieu de cela, il nous invite à faire pénitence. «Nous devons continuer de mettre au jour ces vérités», a-t-il dit. Il faut «soutenir le processus de guérison qui mènera à la réconciliation». Faire croire que quelque chose est nouveau alors que ce n’est pas le cas ne fait que semer la division, le contraire de ce que le premier ministre dit vouloir accomplir.


Au moment des événements, ce dernier avait mis plusieurs jours avant de condamner la destruction des lieux de culte catholiques. Lors de sa réaction, il avait précisé que cette vague de crimes «était compréhensible, étant donné l’histoire honteuse dont nous sommes de plus en plus au courant». Partout au Canada, les multiculturalistes ont abondé dans le même sens pour excuser ces attaques, lesquelles ont heureusement été fermement condamnées par la très grande majorité des leaders autochtones, incluant certains qui étaient d’anciens élèves des pensionnats. 


Parmi les réactions les plus hallucinantes chez les non-Autochtones, notons celle d’Harsha Walia, qui était alors la directrice l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Elle a encouragé les internautes sur Twitter à brûler encore plus d’églises. Cela lui a coûté son poste, mais cet appel à la haine — car c’est bien de cela qu’il s’agit — n’a donné lieu à aucune poursuite judiciaire. Les catholiques sont les seuls au Canada contre qui on peut lancer impunément des propos aussi incendiaires, au sens premier et au sens figuré du mot.


Pendant ce temps, les arrestations se comptent sur les doigts d’une main. La plupart des incendiaires courent toujours. La haine se propage, l’État de droit est bafoué et la seule réponse de notre premier ministre a été de mettre les drapeaux en berne pendant presque la moitié de l’année 2021 pour souligner, répétons-le, une situation que nous connaissions depuis six ans.


Imaginons maintenant qu'une quarantaine de mosquées ou de synagogues avaient été brûlées. Le premier ministre et tous les bien-pensants auraient dénoncé à juste titre du terrorisme d’extrême droite. Trudeau aurait déployé, avec raison, des moyens policiers sans précédent pour trouver les coupables. Aurait-il affirmé «comprendre» le mobile des incendiaires? Bien sûr que non. 


C’est ça, le multiculturalisme canadien. La haine des catholiques est moins répréhensible que celle d’autres groupes. Deux poids, deux mesures.










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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.





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