Yves-François Blanchet n’a pas l’habitude de passer pour un joyeux luron en politique ou dans les médias.
« On peut tout faire avec un sourire. C’est ma spécialité ! », ironisait même le chef du Bloc québécois mardi matin.
Une vraie bonne humeur était toutefois palpable, au début de la journée consacrée à la langue française, lancée par un point de presse sur les lieux du fameux « love in » de 1995, place du Canada à Montréal, vers 9 h, mardi.
Les sondages sont étonnamment bons pour ce parti sans le sou qui, sous la férule de Martine Ouellet, avait implosé en 2018. Et dont l’option cardinale est en décroissance.
Dans tous les coups de sonde, le Bloc est en montée. Suffisamment pour le faire passer dans certains cas devant les conservateurs au Québec.
Le site « Si la tendance se maintient », lundi soir, lui attribuait un potentiel de 23 sièges, à égalité avec ce que le NPD pourrait recueillir dans tout le Dominion. En 2015, il avait arraché 10 sièges avec 19 % des votes.
Trois explications
Trois phénomènes ont semblé déverrouiller la position du Bloc en cette élection.
D’abord, évidemment, le départ de Martine Ouellet et son remplacement par Blanchet.
L’ancienne chef, au fait, ne s’est pas manifestée depuis le déclenchement. M. Blanchet souligne que Mme Ouellet « a la gentillesse de ne pas interférer dans la campagne de la personne qui lui a succédé à la direction du Bloc ». « Moi, je lui suis reconnaissant pour ça », dit-il.
Au passage, il prend la peine de vanter sa prédécesseure quant à certains dossiers qui ont été « très, très bien travaillés » par son équipe.
Deuxième déblocage, l’élection de la CAQ, évidemment. En entrevue pour QUB radio, Yves-François Blanchet vante le nationalisme de la CAQ, « proche de celui de Robert Bourassa ».
Dans son style inimitable, parfois biscornu, il s’enthousiasme et célèbre le « bonheur retrouvé d’être une nation qui a arrêté de se cacher pour l’être, qui a arrêté d’élire des gens qui prétendent l’être, mais qui ne le sont pas ».
En ligne avec la CAQ
Les annonces du Bloc, mardi, étaient d’ailleurs en droite ligne avec les demandes du gouvernement Legault.
► Premièrement : pour obtenir la citoyenneté à partir du territoire du Québec, le Bloc demande qu’un demandeur réussisse un test indiquant une connaissance « suffisante » du français. Actuellement, l’aspirant citoyen peut choisir l’anglais ou le français.
► Deuxièmement : le Bloc réclame, à l’instar du gouvernement Legault la semaine dernière, que la loi 101 s’applique aux entreprises à charte fédérale et aux organismes fédéraux.
Blanchet refuse de se dire pour autant « à la remorque » de la CAQ : « On parle plus d’une convergence de positions qui se ressemblent que d’une inspiration », expliquait-il mardi matin en conférence de presse. Ces propositions du Bloc ne sont d’ailleurs pas nouvelles, car elles ont fait l’objet de projets de loi du Bloc ces dernières années.
Un troisième déblocage s’est produit en Ontario, où le premier ministre conservateur Doug Ford s’en est pris aux droits des Franco-Ontariens, l’an dernier. Cela a réveillé pour une première fois depuis des lunes le sentiment des Québécois d’avoir une communauté de destin avec les « Canadiens français ». Le Bloc n’allait pas laisser passer l’occasion. D’où sa visite inédite à Casselman en Ontario, hier, pour réaffirmer cette solidarité et promouvoir le droit des francophones de travailler dans leur langue au sein de l’appareil fédéral.
Comme quoi, « le français, c’est nous » ; mais c’est eux aussi !