Oka formule une série de demandes à Ottawa, à Québec ainsi qu’à Kanesatake afin de faire entendre sa voix dans le dossier des revendications territoriales avec les Mohawks. Trois résolutions ont ainsi été présentées — et adoptées — mardi soir lors d’un conseil municipal.
L’administration du maire Pascal Quevillon demande d’abord au fédéral d’imposer un moratoire sur l’entente signée entre un propriétaire privé, Grégoire Gollin, et le conseil de bande de Kanesatake, en avril dernier. Cet accord de cession vise à restituer aux Mohawks un terrain de 60 hectares, dont une parcelle de la pinède qui a été au cœur de la crise d’Oka en 1990.
M. Gollin serait également prêt à vendre 150 hectares supplémentaires à Ottawa afin qu’il puisse à son tour les redonner à la communauté autochtone. La cession serait réalisée dans le cadre du Programme fédéral des dons écologiques, qui procure d’importants avantages fiscaux aux propriétaires de terres « écosensibles » qui souhaitent « protéger la nature et transmettre un héritage aux générations futures ».
Le maire Quevillon s’est opposé à la rétrocession de terrains aux Mohawks, disant craindre pour la pérennité de sa municipalité, sise à l’ouest de Montréal. Il avance que la valeur des propriétés pourrait dégringoler à cause d’une possible prolifération de cabanes offrant cigarettes et cannabis.
Des inquiétudes que partagent des citoyens. « Ma propriété est évaluée à 600 000 $. Si les terrains sont vendus aux Mohawks, il n’y a personne qui va me donner 200 000 $ pour ma maison », résume l’un d’eux, Gaëtan Cataford, qui se dit satisfait des résolutions de l’administration Quevillon.
L’homme de 70 ans accuse plutôt Grégoire Gollin de ne pas avoir consulté les résidents d’Oka avant de signer une entente avec le grand chef de Kanesatake, Serge Simon. Ils ont d’ailleurs été plusieurs résidents, lors du conseil municipal, à accuser le propriétaire foncier d’avoir fait renaître de vieilles tensions dans la région.
Une autre citoyenne, Lucie Massé, refuse quant à elle de jeter la pierre à M. Gollin. « Il n’était pas là en 1990 et on a quand même eu une crise », observe-t-elle.
Force policière
Les dirigeants d’Oka ont également réclamé mardi qu’un corps policier distinct patrouille dans le territoire de Kanesatake, « afin [d’y] gérer les situations d’illégalité ». Le maire Quevillon a plus tard précisé qu’il souhaiterait voir des agents de la Gendarmerie royale du Canada accomplir ce travail, s’attirant des applaudissements du public. Depuis 2004, la Sûreté du Québec assure la sécurité à Kanesatake.
Pascal Quevillon estime que la GRC est essentielle pour assurer le respect de la loi dans la communauté autochtone, en référence, entre autres, aux boutiques illégales de cannabis qui s’y multiplient.
Oka demande aussi une médiation avec le conseil de bande de Kanesatake, ainsi que la mise sur pied d’« un mécanisme de consultation » pour l’ensemble des résidents. Ainsi, Ottawa pourrait informer la population à propos de la politique sur les revendications particulières, a précisé M. Quevillon.
La municipalité des Laurentides demande aussi à ce que ses citoyens puissent avoir accès au plan de « l’aire de sélection prévue » dans l’entente intervenue entre le grand chef Serge Simon et Grégoire Gollin, un document confidentiel.
Le maire Quevillon a en outre tendu la main, mardi soir, au conseil mohawk de Kanesatake, désireux de « s’engager dans une réelle volonté de dialogue ». Il a suggéré que les deux communautés voisines interpellent « ensemble » Ottawa et Québec pour trouver des solutions aux tensions actuelles.
« Impasse »
Depuis un mois, une guerre de mots persiste entre Pascal Quevillon et le grand chef Serge Simon. Le maire d’Oka a répété à plusieurs reprises que « ce que l’on constate à Kanesatake, ce sont des cabanes à cigarettes et à cannabis, de l’enfouissement et des cours d’eau remblayés par on ne sait même pas quoi ». Ces propos ont suscité la controverse, et M. Quevillon a été rabroué par le premier ministre Justin Trudeau et la ministre québécoise des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours.
Les propos du maire ont surtout irrité le grand chef Simon, qui a réclamé des excuses, en vain. Il y a une dizaine de jours, à la sortie d’une rencontre de conciliation organisée dans le but d’ouvrir le dialogue entre les deux parties, Serge Simon avait déclaré que sa relation avec le maire se trouvait dans une « impasse ».
Invité mardi soir à s’excuser par un citoyen, le maire Pascal Quevillon a de nouveau refusé de le faire. « Qui ici voudrait que je m’excuse ? » a-t-il lancé à l’auditoire, avant que des « non » soutenus et quelques « oui » fusent dans la salle. « Bon », a ensuite laissé tomber M. Quevillon.