Victoire et soulagement pour les communautés francophones hors Québec. Le prochain recensement de Statistique Canada brossera pour la première fois un portrait exhaustif des enfants qui ont droit à une éducation en français en milieu minoritaire.
« Nous sommes enchantés, vraiment. C’est exactement ce qu’on voulait », se réjouit au bout du fil Marie-Pierre Lavoie, présidente du Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique. Un enthousiasme qui s’est fait sentir d’un océan à l’autre vendredi, partagé par d’autres CSF et plusieurs associations de défense des droits des francophones. Tous espéraient ce dénouement après avoir interpellé à de nombreuses reprises le gouvernement fédéral à ce sujet.
Statistique Canada a dévoilé en matinée le questionnaire de son prochain recensement, prévu pour mai 2021. Dans sa version courte — systématiquement envoyé à tous les ménages canadiens —, cinq questions liées au droit de s’instruire dans la langue de la minorité ont été ajoutées. De telle sorte qu’on sondera désormais le niveau d’étude atteint en français, le type de programme fréquenté et pendant combien de temps.
Ottawa pourra ainsi dénombrer tous les parents qui, en vertu de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, peuvent inscrire leurs enfants dans des écoles francophones du Canada anglais et dans des écoles anglophones du Québec. Le gouvernement s’était déjà engagé à faire ces ajouts dans le formulaire long, mais laissait planer le doute quant à la version courte. Fait à noter : seuls 25% des foyers reçoivent le recensement long.
Nous sommes enchantés, vraiment. C’est exactement ce qu’on voulait.
L’article 23 fixe en effet les critères qui autorisent des parents à instruire leur enfant dans la langue de Molière en milieu minoritaire. Le hic avec les recensements précédents, c’est qu’ils dénombraient uniquement ceux répondant à la première condition, soit le français comme langue maternelle, souligne le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), Jean Johnson.
« Depuis près de 40 ans, nos gouvernements et conseils scolaires n’avaient pas l’ensemble des données nécessaires pour mettre en œuvre nos droits », dit-il. Avec le questionnaire bonifié de Statistique Canada, ils pourront maintenant « mieux planifier les programmes et infrastructures scolaires » alors que la demande pour une éducation en langue française ne cesse de croître partout au pays, fait-il valoir.
Une lecture partagée par Stéphanie Chouinard, professeure et spécialiste des enjeux touchant la francophonie canadienne. Elle rappelle que l'article 23, bien qu'il protège le droit de s’instruire en français en contexte minoritaire, stipule aussi ceci : « le nombre d'enfants doit le justifier ». « Cette petite phrase-là signifie que dans chacune des provinces, le ministre de l’Éducation peut prendre des décision arbitraires concernant les services éducatifs offerts à la communauté minoritaire », note celle qui enseigne l’Université Queen’s de l’Ontario.
« Plusieurs provinces ont été réfractaires à croire les chiffres présentés par les communautés francophones, surtout quand il était question d'agrandir ou de construire une nouvelle école », ajoute Mme Chouinard. Avec pour résultat des établissements sous-financés qui débordent, forçant parfois l’aménagement de classes dans des roulottes pour pallier le manque d’espace.
Autres ajouts
Statistique Canada a procédé à d’autres ajouts et modifications dans son questionnaire de 2021. L’agence fédérale fait maintenant la distinction entre le sexe à la naissance et l’identité de genre d’une personne. Elle a par ailleurs étoffé la liste des confessions religieuses suggérées et offre aux membres des communautés autochtones un spectre plus large pour s’identifier.
De plus, les Canadiens qui servent ou ont déjà servi dans les forces armées doivent désormais l’indiquer. Cela permettra notamment au gouvernement fédéral de dresser une liste de ses anciens combattants, dans le but d’adapter les services et les ressources qui leur sont offerts, entre autres en santé mentale.
Deux nouvelles questions portent en outre sur la précarité d’emploi. Les Canadiens qui n’auront pas travaillé à temps plein ou pendant toute l’année pourront en indiquer les raisons.