La langue française n'est pas en péril

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Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»



Tommy Chouinard et Charles Côté - La langue française n'est pas en péril ni en «état de crise» au Québec, estiment Gérard Bouchard et Charles Taylor dans leur rapport rendu public hier. Ils écartent le recours à des «mesures radicales», comme l'idée d'assujettir toutes les entreprises de moins de 50 employés aux obligations de la loi 101.

Selon eux, l'État doit faire davantage la promotion du français, mais également améliorer l'enseignement de l'anglais.
Les commissaires ne font pas de recommandations formelles au chapitre de la langue, qu'ils qualifient de «sujet épineux», jugeant que cela ne faisait pas partie de leur mandat. «La langue, nous ne l'avons pas esquivée», s'est défendu Gérard Bouchard en conférence de presse.
Le rapport fait état d'une série de statistiques tantôt «inquiétantes» - les Québécois de langue maternelle française ne forment plus la majorité à Montréal -, tantôt «rassurantes» - plus de 60% des immigrants ont une connaissance du français à leur arrivée au Québec. Le portrait est très nuancé.
Aux yeux des commissaires, il n'y a «pas de changements brusques, profonds, qu'on puisse assimiler à un état de crise et qui appelleraient immédiatement des mesures radicales». Toutefois, «la conjoncture est incertaine et la plus grande prudence s'impose. (...) Il n'y a pas lieu de favoriser un état d'alarme, mais une grande vigilance», croient-ils.
Pour eux, il faut «éviter les paniques stériles». Ils rejettent ainsi l'idée d'imposer à tous les diplômés allophones et francophones du secondaire la fréquentation de cégeps francophones ou d'étendre la francisation obligatoire aux CPE et à toutes les petites entreprises.
Toutefois, MM. Bouchard et Taylor ont cru bon de «relayer», avec des réserves, une suggestion faite lors des audiences, celle d'étendre l'application de la loi 101 aux entreprises de 20 à 49 employés. Ils indiquent toutefois que «des doutes se sont élevés sur l'efficacité d'une telle mesure, compte tenu des coûts qu'elle entraînerait pour l'État et les entreprises». L'Office québécois de la langue française (OQLF) devrait étudier la question.
Les commissaires saluent le plan d'action sur la francisation des immigrants déposé par le gouvernement plus tôt cette année. Ils s'attendent par ailleurs à ce que l'OQLF fasse davantage la promotion du français grâce à l'augmentation de 20% de son budget que vient d'annoncer le gouvernement. Cet organisme, qui a retenu certaines études délicates et publié son rapport quinquennal dans la controverse, devrait relever de l'Assemblée nationale, et non du gouvernement, afin d'éviter toute ingérence politique, proposent-ils.
Bilinguisme souhaité
Pour Gérard Bouchard et Charles Taylor, «il est hautement souhaitable que le plus grand nombre possible de Québécois maîtrisent l'anglais, en plus du français». «On a formulé la crainte qu'un progrès généralisé du bilinguisme mette la langue française en péril. () Le poids et l'attrait de l'anglais seraient tels qu'à plus ou moins brève échéance le français sera abandonné. Nous ne partageons pas cette opinion. Tout indique au contraire que la volonté d'assurer l'avenir du français au Québec est profondément ancrée et qu'elle prévaudra.»
Les commissaires cherchent à rassurer les nationalistes qui craignent un recul du français si l'apprentissage de l'anglais est valorisé. «L'anglais qu'il faut apprendre et parler aujourd'hui, ce n'est pas celui que lord Durham voulait imposer au Bas-Canada après la répression des rébellions. C'est celui qui permet d'accéder à toutes les connaissances et d'échanger avec tous les peuples de la Terre. Cette question mérite la plus grande attention: sinon, c'est une génération de jeunes francophones qui risque d'être injustement pénalisée.»
Un rapport «jovialiste»
Le président du Mouvement Montréal français, Mario Beaulieu, déplore que le rapport «exclue toutes les solutions qui auraient pu être significatives pour faire du français la langue commune à Montréal». Le rapport est «jovialiste» à ses yeux.
«Ils n'ont pas voulu se mouiller sur la question de la langue, alors que cela nous semblait fondamental», accuse le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Jean Dorion.
La FTQ et la CSN jugent que le rapport ne va pas assez loin. «Il faut consacrer plus de moyens à la francisation et à l'intégration des immigrants, et en particulier appliquer la loi 101 à toutes les PME dans lesquelles sont employés une majorité d'immigrants récents», a souligné le secrétaire général de la FTQ, René Roy.
Sur notre photo, le commissaire Gérard Bouchard après la présentation du rapport de la commission, hier au Monument-National. (Photo Ivanoh Demers, La Presse)


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