La souche est-elle raciste?

La colère monte...





Le racisme est une certaine hostilité contre un groupe social. Le racisme
radical prône la supériorité d’une race sur les autres. Le racisme conduit
parfois à la domination, voire à l’exclusion des groupes ethniques. 59 %
des Québécois, selon un tabloïd bien connu, disent maintenant qu’ils sont
racistes. Mais de quoi est composé ce chiffre étonnant?
Les commentateurs de la radio et de la télé parlent de ce pourcentage, en
faisant bien attention de ne pas tomber, eux aussi, dans le piège du
racisme. Ils nous causent alors de «Québécois de souche» et de «groupes
ethniques» qui vivent sur le territoire du Québec. C’est tout le contraire
du langage des politiciens, tous partis confondus, qui utilisent le langage
inclusif et qui affirment que toute personne habitant sur le sol québécois
est…Québécois. Mais qui est Québécois? Un autre sondage démêlera sans doute
un jour la question.
Je n’ai pas de difficulté à m’identifier comme Québécois et comme
«Québécois de souche». J’ai toujours habité le territoire du Québec et mes
ancêtres, venus de France, ont pris racine dans l’île de Félix Leclerc. Je
ne me suis jamais crû supérieur à une autre race. J’ai toujours pensé que
l’immigrant, d’où qu’il vienne, devait s’assimiler à la communauté qui
l’accueille et non tenter, par tous les moyens, de faire l’inverse.
Afin de favoriser l’harmonie dans une communauté établie, il ne faut
jamais que la souche s’efface au détriment des branches qui s’y greffent.
Curieux phénomène québécois, il semble que les branches qui se multiplient
au faîte de l’arbre québécois, s’arrogent le droit de prendre de plus en
plus d’importance, au détriment d’un tronc qui disparaît dans l’épais
feuillage. En d’autres mots, le tronc perd de plus en plus d’intérêt au
profit des rameaux multiples qui s’ajoutent de jour en jour. Les branches
prennent tellement de place, que les regards sont de plus en plus tournés
vers elles, au profit d’un tronc relégué au rang second. Ce n’est plus aux
branches de s’adapter à l’arbre sur lequel elles se greffent, mais c’est à
la souche de devenir autre pour faire plaisir à la multitude des greffons
qui surgissent de toutes parts.
Je dois vous avouer que depuis quelque temps, mon origine ancestrale en
prend pour son rhume. On donne, à chacun des arrivants, tellement de
privilèges qui me sont refusés, des accommodements si particuliers, que je
me sens bafoué dans ce que j’ai de plus légitime et de plus profond en
moi-même. Je me sens vivre une nouvelle conquête. Je me sens dépouillé de
ce qu’il y a de plus précieux au plus profond mon être québécois : mes
traditions, mes croyances religieuses, mes habitudes, mes droits mêmes. La
souche, dont je fais partie, qui croupit dans son histoire et n’arrive pas
à en tirer les conséquences, se sent de plus en plus offusquée à la vue de
ces gens qui arrivent ici et qui veulent, plus ou moins, se greffer sur le
tronc qui prend ses racines dans des siècles de combats et survivance.
Quand je me disais, il n’y a pas si longtemps, que ça n’avait pas de bon
sens qu’on enlève nos symboles religieux un peu partout dans la société
québécoise, pour permettre, selon la charte des droits, à tous ceux qui
voulaient les afficher de le faire, je courbais la tête pour ne pas me
faire dire que j’étais raciste. Un peuple conquis, ça apprend à se taire. À
ne rien dire. A ne pas trop en dire. Maintenant qu’on vient de me chiffrer,
de me mettre dans les statistiques, j’ai presque honte de vous dire ce que
j’étais devenu depuis un certain temps. Je n’osais pas trop le dire, parce
que j’avais peur de me faire traiter de ce que je ne voulais pas qu’on me
traite. L’humiliation du conquis, ça va jusque-là!
Eh oui, je pense que je suis en train de devenir raciste. Non pas parce
que je le veux, mais parce que c’est ce qui est en train de se produire,
contre ma volonté. Je suis en train de devenir raciste comme tous ceux qui
vivent dans la souche, dans le tronc ancestral. J’ai peur de dire que je
viens de là, parce que j’ai peur d’ébranler l’arbre, de déranger les
boutures, de ne pas permettre à ceux qui veulent s’épanouir de le faire,
parce que j’ai honte de mes racines, des mes sucs français et de la Grande
Île, où les grands disparus dorment, dans l’anonymat le plus complet. J’ai
honte et j’ai peur de parler de ceux qui ont trimé dur, d’une étoile à
l’autre, pour conserver un héritage que nos dernières générations ont
piétiné, largué, sans faire les distinctions qui s’imposaient.
En soi, les nouveaux arrivants m’étonnent d’une part, me stimulent,
d’autre part. Je m’accommode de leur arrivée. Je loue leur ténacité, leur
esprit d’entreprenariat, leur solidarité, leur goût de perpétuer ce qu’ils
sont. Les nôtres qui sommeillent dans la souche me questionnent,
m’étonnent, me dérangent bien plus. Ils bougonnent, s’évertuent à démolir
leurs semblables, à critiquer les efforts louables. Ils sont des
colonisés.
Ceux qui arrivent, ne voulant pas se couler dans ce moule minoritaire et
défaitiste, s’affirment, s’organisent, se soutiennent, se congratulent,
s’entourent de solidarités. C’est ce qui m’émerveille. Généralement, ils ne
sont pas racistes. Ils sont tout simplement débrouillards. Les habitants de
la souche se jalousent trop pour les imiter. Il faudrait qu’ils cessent de
se traiter pour ce qu’ils ne sont pas et pensent à réaliser ce qu’ils ont
toujours été : une majorité libre à définir et à assumer.
Si la souche s’éveillait, prenait son rôle et sa position au sérieux,
peut-être que l’arbre prendrait d’autres couleurs, émerveillerait les
boutures qui viennent s’ajuster à une réalité qui n’a pas le courage de se
définir bien clairement, de bien s’assumer. Je vais me coucher, ce soir,
plus «raciste» qu’avant. Parce qu’avant, je ne savais pas trop et je ne
n’avais pas le courage d’oser. Maintenant je sais. Je sais mieux qu’avant.
J’ose croire que la souche pourrait se voir autrement et faire et agir
autrement dans les années qui viennent, parce que sans cela, elle risque
d’être oubliée dans le terreau son histoire bafouée.
Je vais sans doute mourir avant que la souche reprenne toute sa place et
ordonne le feuillage qu’elle a engendré. Je dois vous l’avouer : une grande
colère monte en moi, en cette fin de journée. Ceux qui continueront à
écrire l’histoire de cette souche oubliée continueront de retenir qu’elle
fût un bois pourri et délabré, qui n’a pas su comprendre quel beau rôle
pouvait jouer une majorité. A moins qu’une jeunesse se lève et se mettre à
sarcler autour de la souche et lui donne toute sa dignité. A vos pioches,
si vous avez le goût de vous perpétuer!

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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    27 juin 2008

    Bonjour,
    C'est une excellente dissertation sur un sujet difficile à traiter!
    C'est la première fois que je vous lis avec plaisir...
    D'habitude le positif est souvent enterré sous les "boutons" négatifs ce qui lui enlève malheureusement beaucoup de crédibilité ; même s'il peut être pertinent à l'occasion!
    On peut avoir raison sur le fond mais on ne convain personne à part les proches en démolissant tout pour y parvenir! Du moins, c'est mon humble avis.

    Comme quoi la modération peut être plus convaincante et rassembleuse...
    Continuez,
    Jean-Renaud Dubois
    Sainte-Adèle

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juin 2008

    Attention à ce 59%! Ceux qui se disaient racistes étaient de 16%. Pour arriver à 59% on a ajouté les "un peu raciste". Or qui n'est pas un peu raciste? En fait ce qu'il y a de renversant c'est 41% se soient dit pas du tout racistes! Gêne devant l'interviewer?
    Ensuite ce 59% comprend tous les habitants du Québec, les "souches" comme les autres. Vs avez vu beaucoup de jeunes Chinoises sortir avec des Haitiens à Montréal? Des jeunes Algériennes avec des Latinos?

  • Pierre Desaulniers Répondre

    26 juin 2008

    Par définition, le raciste est HAINEUX, hostile, violent... et se croit un être SUPÉRIEUR aux autres.
    Je ne crois pas que cela vous définisse, M. Turcotte, ni que ça définisse le Québécois moyen.
    Je pense plutôt que vous vous êtes très, très IRRITÉ -- tout comme moi -- par toutes ces revendications religieuses qu'on accorde unilatéralement à de petits proupes pour des motifs religieux.
    Ce qui fait tiquer, c'est justement le côté RELIGIEUX de ces revendications qui sont à sens unique, par-dessus le marché...
    En fait, ce sont là des passe-droits, des PRIVILÈGES. On se sert d'une religion pour passer devant une file d'attente à l'hôpital, pour se soustraire à un règlement sportif, municipal (ou autre). Etc.

  • Jacques Bergeron Répondre

    26 juin 2008

    Bravo pour ce texte de Nestor Turcotte. Comme lui je perçois que la souche (Canadienne-française pour moi, et probablement pour lui)est en train de se faire «essoucher». Cette action n'est pas faite par des étrangers et par des ennemis,comme on pourrait le croire, elle est faite par des gens ce chez nous, qui prétendent vouloir se donner un pays indépendant de langue française sans parler de sa «principale souche», celle qui a choisi de se donner un pays, bien sûr après d'autres, dont les patriotes entre autres,les Canadiens-français. Plusieurs Québécois ont écrit avant moi, que les Anglais nous avaient dépossédés de notre «Hymne national»,du Drapeau que «de nos compatriotes» avaient créé, et de je ne sais quoi.Aujourd'hui, peut-on risquer de dire que nous nous dépossédons nous-mêmes de notre «Histoire» et de notre culture sans que d'autres aient besoin de lever le petit doigt.Je pense ici à la fête de la «Saint-Jean-Baptiste» qui a été confisquée par le gouvernement dirigé par René Lévesque,avec la complicité et l'assujettissement de ses ministres et de ses députés pour en faire la fête nationale du Québec.Puis, dans un grand geste de rectitude politique, voulant faire plaisir aux «révisionnistes» qui réécrivent l'Histoire,un autre gouvernement indépendantiste, dans un geste de colonisé, vient faire disparaître la fête de Dollard pour la supplanter par la fête des Patriotes, en faisant croire au peuple dont je fais partie, que de toute façon en fêtant les Patriotes,on fête aussi Dollard. Plus tordu que cela tu meurs. Alors que de nombreux Canadiens-français québécois, et d'autres Québécois de souche «sic» luttaient pour que la fête des Patriotes soit célébrée le «15 février»,(jour de la pendaison de DeLorimier et d'autres partiotes) un gouvernement du parti Québécois à fait disparaître la fête de Dollard dans un grand tout révisionniste afin de plaire à quelques-uns, dont faisaient partie quelques professionnels de l'Histoire.Puis, dernièrement, à l'occasion de la publication du rapport, non désiré, Bouchard/Taylor, deux «Premiers ministres» issus du Parti Québécois, dans un propos que d'aucuns ont jugé démagogique», viennent déposséder les Canadiens-français québécois du droit d'exister, en valorisant le nom de Québécois de souche qui ne veut rien dire, sinon par la géographie, mais nullement par la langue et la culture qui lui est inhérente. À moins que l'on soit un peu raciste sur les bords, comme «certains Québécois de souche qui affirment» que ce vocable inclut les gens qui parlent le français,les autres ne pouvant prétendre à ce titre. Ouch! Si ce propos n'est pas raciste,on devra me rappeler et me le rappeler. C'est justement là où nous mène «Québécois de souche», qui n'a pas de «sève culturelle»! Je vois d'ici nos bons «intellectuels» de Montréal et de Québec crier au racisme et au raciste pour l'individu ayant osé dénoncer l'innommable et les révisionnistes de l'histoire qui n'en finissent plus de démontrer leur «complexe» du colonisé et du vaincu.Mais, un esclave n'est-il pas ainsi fait qu'il dénonce celles et ceux qui veulent le libérer de ses chaînes? Merci à Nestor Turcotte d'avoir osé écrire ce texte sur la souche, en se demandant si cette «Souche était raciste».Je dois dire, qu'elle pourrait le devenir si on continue de la déposséder de son nom ,de sa langue et de sa culture et de tous ses moyens d'identification?

  • Archives de Vigile Répondre

    26 juin 2008

    Lorsqu'on renie sa souche, on ne vois plus c'elle de l'autre. On se dit alors que ce sont des immigrants qui arrivent et non des souches. L'establishment accentue cette fausse impression en parlant de "cas par cas" pour ce qui est des accommodements, mais l'orsqu'on accommode une souche on accomode l'espèce.
    Ce sont des groupes qui arrivent ici et contrairement aux autres pays on leur permet ici de planter leurs souches.
    Ce n'est pas être raciste que de reconnaître la diversité de la forêt tout en voyant à ce que les espèces locales ne subissent pas l'extermination par une autre espèce dont elle n'a pas eu le temps de développer une résistance. Nos Amérindiens ont l'excuse de l'ignorance de l'époque en cette matière, pas nous.