La gênante position de la Caisse

une réglementation et une commission uniques des valeurs mobilières

AMF - Québec inc. VS Toronto inc.



C’est d’une étonnante désolation. La Banque Nationale et la Laurentienne adoptent le silence des pleutres, disions-nous il y a quelques jours. Eh bien, la Caisse de dépôt aussi…
Les épithètes commencent à manquer pour qualifier la réaction de Québec inc. face à la volonté d’Ottawa d’imposer aux provinces une réglementation et une commission uniques des valeurs mobilières.
Rappelons-le, dans l’état actuel du dossier, cela veut dire, à terme, la disparition de l’Autorité des marchés financiers du Québec, l’une des dernières entités symboliques de la finance québécoise. Cela veut aussi dire la perte et la migration vers Toronto d’un nombre indéterminé d’emplois spécialisés.
Il y a quelques jours, l’Association des banques canadiennes émettait un communiqué pour appuyer le projet. Le lendemain, face aux interrogations d’Argent, la Nationale et la Laurentienne se voyaient forcer de nuancer et indiquaient qu’elles souhaitaient demeurer neutres dans le débat.
L’idée nous est venue de poser la question à la Caisse de dépôt.
Réponse : « La Caisse ne veut pas se prononcer ».
Nous en sommes donc là. L’acteur financier le plus important au Québec, celui qui a pour mission de veiller au développement économique de la province, refuse de prendre position et de faire contrepoids aux banques canadiennes qui font lobby pour Bay Street.
Pourtant, pendant ce temps, le Mouvement Desjardins n’hésite pas, lui, à dire qu’il favorise le cadre actuel.
Desjardins croit notamment que le système passeport offre plus de sensibilité régionale et n’est pas sûr que, sans une commission des valeurs propre au Québec, il aurait été en mesure de mettre en place Société Capital régional et coopératif Desjardins. Depuis sa fondation au début des années 2000, cette société a investi près de 500 M$ dans 227 entreprises, coopératives et fonds et croit avoir aidé à la création ou au maintien de 30 000 emplois.
Il ne s’agit pas encore une fois de dire que le projet d’une réglementation et d’une commission uniques est saugrenu. Une seule entité offrirait plus de souplesse sous certains aspects (des décisions urgentes). On s’assurerait d’une réglementation uniforme, particulièrement dans le produit dérivé où il semble y avoir des positions divergentes sur ce qui doit et ne doit pas être réglementé. Au chapitre des coûts d’exploitation on pourrait sans doute économiser dans quelques dédoublements
Ce qu'on perd et ce qu'on gagne
Il s’agit cependant de jauger ce que le Québec gagne et ce qu’il perd.
Après que la Bourse de Montréal ait été avalée par Toronto, l’on met en jeu la dernière entité symbolique de la finance montréalaise et un certain nombre de ses emplois. C’est beaucoup à perdre, pour peu à gagner. Il serait surprenant que les économies d’échelle d’une entité unique soient élevées, le système actuel offre en effet des coûts de fonctionnement comparables à ceux aux États-Unis. Quant à la qualité de la réglementation canadienne sur les valeurs mobilières, elle est déjà au deuxième rang mondial, selon l’OCDE.
Il ne s’agit pas non plus de faire de la question un débat fédéralistes/souverainistes. Si le fédéral indiquait qu’il entend installer le siège social de la future commission unique à Montréal, il y aurait alors un renversement de position.
Il y a un peu plus d’un an, alors qu’il participait à un débat sur la question, l’ancien président de la Bourse de Montréal, Pierre Lortie, avait développé une argumentation fort intéressante pour le maintien du système actuel.
Le conseil d’administration de la Caisse - auquel siègent Michael Sabia (chef de direction), Robert Tessier (président), Elisabetta Bigsby, Claudette Carbonneau, Louise Charrette, Jocelyne Dagenais, Pierre Fitzgibbon, Michel Lavigne, Jean-Pierre Ouellet, Réal Raymond, Ouna Sananikone et André Trudeau - aurait avantage à l’inviter pour pousser sa réflexion.
Dans l’intérim, la position de la Caisse est gênante.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé