Eh bien, nous y voilà rendu. Le gouvernement fédéral demandera à la Cour Suprême s’il peut implanter une réglementation des valeurs mobilières au pays. Temps pour Québec inc. de prendre position.
Il ne s’agit pas ici de battre en brèche le projet fédéral.
Il est en effet porteur de certains avantages.
Les avantages d’une commission nationale
- Une seule commission des valeurs mobilières offrirait d’abord probablement plus de souplesse que les 13 entités actuelles. Du moins en situation d’urgence.
Un exemple. Lors de la crise financière, aux États-Unis, la SEC décida d’interdire pendant un certain temps la vente à découvert sur tous les titres aux États-Unis, histoire d’éviter que la débandade ne prenne plus d’ampleur. La mesure finit par faire son chemin au Canada, mais la réaction fut tardive et n’eut pas la même uniformité dans les différentes juridictions canadiennes.
- Un autre gain qui pourrait venir d’un régime fédéral, c’est une réglementation plus uniforme dans chacune des provinces. Particulièrement en matière de produits dérivés, ou il semble y avoir des interprétations divergentes sur ce qui doit être réglementé ou pas.
- Au chapitre des coûts d’opération des entités, on pourrait sans doute aussi économiser dans quelques dédoublements. Les gains pourraient alors être retournés aux sociétés qui cotisent, ou encore réaffectés à d’autres services comme celui des enquêtes.
- Si les sommes sont réaffectées aux enquêtes, il se pourrait que les bandits à cravate soient un peu mieux policés. Il est cependant préférable de ne pas conclure trop vite sur ce point cependant. Une récente étude du professeur Jean-Marc Suret de l’Université Laval, révèle que la Security & Exchange Commission aux Etats-Unis n’est pas, et de loin, à l’origine de la majorité des sanctions obtenues contre les intervenants du marché financier. Elle est à l’origine de moins de 10% des poursuites en matières financières et impose moins du quart du total des sanctions monétaires. Elle n’a en outre pas été capable d’empêcher les scandales d’Enron, Wolrdcom et Bernard Madoff. Ce sont plutôt les autorités criminelles qui font le travail là-bas, et c’est là-dessus qu’il faudrait davantage investir ici.
Les inconvénients
Les principaux avantages recensés, allons maintenant aux inconvénients.
- Il se perdrait sans doute au Québec des emplois importants. Et il y a un danger de migration du savoir vers Toronto. On tente notamment de bâtir ici une expertise dans les produits dérivés. Québec est pas mal en avance de la réflexion avec sa Loi sur les instruments financiers, dont la réglementation est encore à parfaire.
- Les partisans de la décentralisation ajouteront que les coûts de fonctionnement du système actuel sont comparables à ceux que l’on retrouve aux États-Unis et qu’il offre une plus grande souplesse et écoute régionale. Parfois, cela peut même se traduire par des innovations. Si le Québec n’avait pas eu juridiction sur les valeurs mobilières, aurait-il été autant à l’écoute des préoccupations locales et le régime d’épargne actions aurait-il vu jour?
- Une étude de 2006 de l’OCDE classe de même le Canada au deuxième rang sur 29 pays en terme de qualité de la réglementation sur les valeurs mobilières. Nous arrivons devant les États-Unis (4e), la Grande-Bretagne (5e) et l’Australie (7e). Pas si mal, comme système. N’y a –t-il pas risque qu’en en réformant une partie, on affaiblisse ses forces et qu’on ne glisse au classement?
Sortir du silence
À la lumière de ce qui précède, se pose cette question : les gains à espérer valent-ils vraiment la peine de risquer une nouvelle érosion de l’influence de la rue Saint-Jacques vers Bay Street?
À terme, c’est en effet ce qui se dessine. Ottawa dit vouloir laisser aux juridictions provinciales dissidentes la possibilité de continuer à opérer indépendamment de l’organisme pancanadien. Mais du même souffle, le gouvernement ajoute que les compagnies d’une juridiction auraient le choix de relever de l’organisme provincial ou fédéral. Il n’y a pas meilleure recette pour enlever de l’échelle à l’Autorité des marchés financiers et la rendre moins efficace.
Depuis plusieurs années, Québec inc. assiste à un irréfragable glissement de son influence vers la métropole ontarienne. Dans un silence à peu près total.
Alors que la Bourse de Montréal a été avalée par Toronto, l’AMF apparaît la dernière entité symbolique de la finance montréalaise. Le projet fédéral porte les germes de sa disparition.
Ne serait-il pas temps que quelques acteurs sortent publiquement et ne fassent aussi pression sur le gouvernement fédéral? On aurait au moins l’impression d’avoir pour une fois livré bataille.
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