En imitant Bossuet, les historiens qui se pencheront sur notre époque pourraient un jour écrire : « Entre 2020 et 2050, la France se meurt, la France est morte. » Le choix des Français, dans quelques semaines, sera d’enrayer ou non le processus. Le frétillant freluquet qui sert de porte-parole au pouvoir parle des opposants comme de « morts-vivants » parce qu’ils cultivent la nostalgie d’une France en train de disparaître. Ce chantre halluciné de la liquidation de notre pays s’enthousiasme à l’idée d’un pays revisité par le souffle de l’avenir.
En fait, le pouvoir actuel a accéléré et systématisé l’effacement de notre pays. Son idéologie y aspire. Sa politique y conduit. Son idéologie repose sur l’idée que l’économie prime la politique, que la politique n’est qu’une gestion de l’économie, que les hommes et les femmes sont avant tout des individus producteurs et consommateurs dont les comportements vont être de plus en plus interchangeables, des « particules élémentaires » sur une vaste carte où les territoires particuliers laisseront couler leurs frontières, pour parler la langue de Michel Houellebecq.
En attendant, il y a du boulot : effacer, gommer, dissoudre, mélanger, revisiter, réinventer, en tout cas se libérer du poids du passé, fût-ce en s’en reconnaissant coupable pour mieux le tenir à distance, pour empêcher qu’il soit porteur de fierté. La repentance en tranches, façon salami. Le « Président » ne parle pas à la France dont il active la disparition, il parle aux clientèles de son marché électoral en devenir. La population va changer ? La belle affaire ! L’immigration va compenser les vides démographiques et permettre à la consommation de se maintenir. L’hédonisme des individus et les aides d’un État de plus en plus « providence » vont limer les identités différentielles des nouveaux arrivants. Il s’en trouvera un certain nombre de suffisamment créatifs pour créer des entreprises innovantes. Les autres auront de petits boulots pas forcément honnêtes ni légaux, mais qui produisent néanmoins une richesse qu’on devrait inscrire par réalisme dans le PIB. Si chacun reste chez soi, les bobos, gays ou non, dans le Marais, et les dealers à la Chapelle, tout va bien ! D’ailleurs, on va bientôt légaliser le cannabis : il n’y a pas de sot métier et l’argent n’a pas d’odeur. Des Turcs en Allemagne, des Algériens en France, des Marocains en Espagne, et les retraites seront assurées. L’Europe des grands pays dont les peuples disparaissent avalera les petites nations réfractaires dont on brisera la résistance à coups de sanctions économiques. La Hongrie, son histoire et son identité exceptionnelles comptent finalement moins que le Luxembourg, ce paradis fiscal en forme de confetti. Demain, l’Europe ne sera plus qu’un carrefour parlant anglais et pion avancé de l’empire anglo-saxon : celui livrera son dernier combat contre les empires russe ou chinois que leurs populations feront craquer par l’envie de jouissance individuelle et matérielle.
Ce scénario, qui est celui de la décadence perçue comme un progrès, veut ignorer la force des identités collectives, la puissance du « nous » face au « je » qui a toujours permis à l’humanité de se redresser : le collaborateur ou celui qui participait au marché noir pensait à lui, à son avancement, à son profit, à son intérêt. Le résistant pensait aux autres, ceux d’avant, ceux d’après, ceux d’à côté. C’est sur cette solidarité que se construit l’avenir. Poutine a reconstruit la Russie ainsi alors que la phase d’individualisme forcené qui avait suivi la chute de l’URSS a failli la détruire et a produit ce glacis dangereux dont les États-Unis tirent profit. La Chine plurimillénaire offre une identité culturelle impénétrable à la liquidation progressiste. L’Inde aussi persévèrera dans son être multiforme. Enfin, l’islam, à défaut de conquête par les armes, ou par une foi bien archaïque, résistera par le ventre fécond de ses femmes. La démographie est bien plus importante que l’économie : c’est elle qui a toujours décidé des rapports de force dans le monde. Le rêve macronien n’est pas près de se réaliser. Le cauchemar d’une disparition de la France et de la civilisation européenne et chrétienne est d’autant plus vraisemblable que nos prétendues élites le préparent avec un aveuglement d’hallucinés. C’est à lui qu’il faut échapper à tout prix !