On en dira ce qu'on voudra, le premier ministre du Canada est un fin stratège qui sait tirer profit de toutes les situations, même en étant minoritaire. Il sait quand et comment utiliser la censure, exploiter la peur et est devenu très habile pour passer les projets de loi les plus controversés. L'élève a dépassé le maître Bush.
Mais sa plus grande force est la faiblesse de ses adversaires. Dommage que toute cette stratégie ne serve pas l'intérêt de la population et encore moins celle du Québec!
Voyons d'abord quelques faits plus généraux: le gouvernement fédéral a avancé 200 milliards de dollars aux banques canadiennes, suite au déploiement de la dernière crise économique, se faisant un devoir de faire échouer les démarches internationales pour imposer à ces banques plus de rigueur et de reddition de compte.
Depuis que le Canada a changé le rôle de l'armée, ne se contentant plus d'être un agent de maintien de la paix, mais s'inscrivant davantage dans une politique de guerre, les dépenses militaires ne cessent d'exploser.
C'est sans la moindre gêne, alors qu'il préparait les citoyens et citoyennes aux coupures dans plusieurs ministères, crise économique oblige, qu'il annonçait des dépenses avoisinant le milliard de dollar pour assurer la sécurité aux sommets du G8 et du G20 en Ontario. Du jamais vu.
Lors des sommets, les conservateurs nous ont donné un avant goût de jusque où ils étaient prêts à aller pour empêcher la population de s'exprimer en procédant à près de 1000 arrestations arbitraires au nom de la sécurité.
Sur le plan environnemental, le bilan du Canada est tout aussi inquiétant; il s'est d'ailleurs mérité plusieurs prix citron au sommet de Copenhague. Ses politiques sont dictées par l'industrie pétrolière, qui n'a vraisemblablement aucun intérêt à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre.
Un triste bilan qui nous permet d'affirmer que le fédéral s'inscrit plus que jamais en contradiction avec les valeurs traditionnelles du Québec. Mais surtout, de quoi nous inquiéter sur les façons dont Ottawa compte financer toutes ces mesures de droite qui n'ont rien à voir avec l'intérêt de la population. Compressions dans les services publiques et privatisations de société d'état sont à l'ordre du jour, c'est du moins ce qui est annoncé dans le dernier budget.
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Quant aux intérêts du Québec, les Conservateurs ont encore une fois fait preuve d'une habilité à contrôler l'opinion publique hors du commun.
Ils ont été les premiers à vouloir reconnaître le Québec comme une Nation, damant le pion aux Libéraux. Une reconnaissance symbolique qui n'est venue avec aucun avantage, sinon de se faire promener dans certaines réunions où on a interdit au petit chien de japper.
Au contraire, Stephen Harper n'a pas caché son intention de refondre la carte électorale pour diminuer le poids de la seule province encore francophone. (Question de temps au rythme où vont les choses.) C'est sans compter cette percée que le gouvernement Harper tente présentement de faire auprès de la Cour suprême du Canada pour prendre le contrôle de la Commission des valeurs mobilières du Québec.
Si les Conservateurs parviennent à ce tour de forces, ils mettent en péril le modèle socioéconomique du Québec. C'est du moins ce qu'affirme Thomas Courchene, professeur à l'université Queen et figure d'autorité en la matière. (Le Devoir samedi le 10 juillet 2010, page B9).
Jusqu'à maintenant, c'est notre différence qui nous a fait serrer les coudes et sortir de la grande noirceur. Le Québec s'en est bien sorti au cours des dernières années parce qu'il a su se démarquer et faire des choses qui lui sont propres et pour lesquelles il est reconnu internationalement.
Les provinces de l'ouest forment un puissant lobby, celles des maritimes se sont regroupées sous l'appellation du bloc de l'Est et la puissante Ontario jouit de l'avantage incontestable d'abriter le parlement Canadien.
Le Québec et particulièrement ce qu’il représente, est de plus en plus isolé et de surcroit Ottawa s'attaque continuellement à sa spécificité, essayant de nous noyer dans la masse. Une masse qui nous est souvent hostile, on l'a vue dans le dossier de l'achat du réseau électrique du Nouveau-Brunswick: tout sauf le Québec!
Pour arriver à se démarquer dans toute cette homogénéité qui nous entoure, plus que jamais il faut savoir miser sur notre différence et pour cela, il faut pouvoir avoir le contrôle de notre économie.
Est-ce que ce contrôle passe par l'indépendance mur à mur? Peut-être pas, mais elle passe très certainement par notre indépendance énergétique.
On ne parle pas ici d'une indépendance axée sur l'exploitation pétrolière par et pour quelques multinationales, mais d'un projet beaucoup plus ambitieux et structurant pour le Québec: Maîtres chez nous #2.
Rien de moins que l'électrification du réseau de transport public dans tout le Québec. Un projet économique, environnemental et social d'envergure.
Ça ne vous dirait pas de compléter ce que nos prédécesseurs ont commencé admirablement? Un peu d'ambition que diable!
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Réjean Porlier
L’auteur est président du syndicat des Technologues d'Hydro-Québec
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