L’alliance souverainiste - autonomiste : une « conversation » difficile est à prévoir

Finalement, ce qu’il y a d’embêtant avec la proposition de faire alliance avec l’ADQ, c’est que son point faible est justement l’ADQ…

Chronique de Michel Gendron


Dans [un texte publié le 29 avril 2007->6245], et qui m’avait valu l’opprobre de quelques « radicaux libres », j’avais fait quelques propositions qui, à mon avis, pourraient permettre au PQ et au mouvement souverainiste de se relever de la terrible déconfiture du 26 mars 2007.
Un mois et quelques jours à peine s’étaient écoulés depuis LA défaite. J’étais encore sous le choc. Essentiellement, je disais qu’il fallait en finir avec l’obsession référendaire, de miser sur les bons dénominateurs communs, de mettre de l’avant la question identitaire, d’éviter les pièges du radicalisme et d’organiser des États généraux sur la souveraineté. J’exprimais aussi ce constat que le PQ n’était plus la coalition souverainiste d’antan. En même temps que j’écrivais ce texte, plus axé sur les solutions que sur le dénigrement, je me demandais s’il ne valait pas mieux pour moi de tout laisser tomber et de me retirer sur mes terres… C’était oublier que d’autres allaient s’atteler à la tâche.
Un an plus tard, je suis plus serein. Il m’arrive de me tromper, mais je ne pense pas avoir dérapé en bas de la falaise. La plupart des éléments abordés dans ce texte du 29 avril sont toujours d’actualité, et il est même à prévoir qu’ils le resteront encore un bon bout de temps. Il semble que nous soyons plusieurs à ramer dans le même sens. Parmi ceux-là, il y en a qui se sont attardés à la question identitaire, d’autres ont abordé la question de la souveraineté en redéfinissant le cadre stratégique, tandis que certains ont choisi de réfléchir sur la social-démocratie. Je fais bien sûr allusion aux Gérald Larose, Gilbert Paquette et Jean-François Lisée, pour ne nommer que ceux-là. À ma manière, je me suis posé les mêmes questions, mais eux ont su les porter beaucoup plus loin, avec le résultat qu’on peut aujourd’hui espérer prétendre avoir tout ce qu’il faut – en termes d’idées, s’entend - pour mettre en place le cadre stratégique qui pourrait faire avancer le Québec. Grâce à eux, je me sens bien moins seul aujourd’hui ; grâce à eux, j’ai le goût de continuer.
Gilbert Paquette : des propositions porteuses d’avenir
On peut dire sans se tromper que ça commence à se bousculer au portillon du leadership souverainiste. Il y en a des bons et des moins bons. Gilbert Paquette appartient à la première catégorie. Son dernier livre, [« La nécessaire alliance »->rub730], va beaucoup plus loin que mon court texte du 29 avril. Les idées ont eu l’avantage de mûrir et Paquette a eu l’occasion de débattre de ses positions. Néanmoins, il appert qu’il existe une convergence entre sa pensée et la mienne. Les quelques éléments de réflexion que je viens d’énumérer ci-dessus et que j’ai succinctement développés dans mon texte du 29 avril en font foi.
Mieux encore : bien que les propositions adoptées lors du dernier Conseil national du PQ ne soient pas la copie « carbone » du livre de Gilbert Paquette ou des propositions de Gérald Larose, il n’en reste pas moins que le PQ semble en voie de se libérer – en partie du moins – de ses carcans. Les idées ont évolué dans ce parti. Les propositions adoptées par les délégués en matière de gouvernance nationale et sur la question identitaire constituent selon moi une belle occasion pour ce parti de prendre ses distances avec la gouvernance provinciale. J’ai cru comprendre qu’on avait l’intention d’entreprendre des discussions avec d’autres formations ou regroupements souverainistes. Voilà des indices qui suggèrent un début de changement de culture et un recadrement important de la stratégie. Par amertume ou par dépit, plusieurs diront que je suis fou de croire cela. Peut-être ont-ils raison, et c’est pourquoi je reste prudent : l’avenir nous dira si cet optimisme est fondé ou n’est que l’expression d’un jovialisme débridé…
« Converser » avec l’ADQ : faudra se lever tôt !
On le sait, la formation d’une alliance électorale PQ-ADQ pour créer une convergence nationale de type « rapatriement des pouvoirs ou souveraineté » constitue la trame centrale du livre de Gilbert Paquette. Pour ceux que ça inquièterait, non, Gilbert Paquette ne vire pas à droite. Lors du lancement de son livre le 11 mars dernier, il a bien pris soin de préciser qu’il se reconnaît bien plus dans les solutions de Québec Solidaire que dans celles de l’ADQ (en fait, elles ne l’inspirent pas du tout…). Son point de vue est celui d’un homme de gauche pragmatique et pour qui le mot « politique » n’est pas synonyme de « partisanerie ».
Cette alliance proposée par Paquette ne concerne pas que le PQ et l’ADQ. Elle serait aussi étendue aux autres formations souverainistes, comme Québec Solidaire. La coalition porterait sur le rapatriement des pouvoirs, mais pas question d’entamer des pourparlers sur les programmes de chacun des partis. Ce dernier élément est essentiel. Pour Paquette, et je suis de cet avis, la question du rapatriement des pouvoirs et de la souveraineté va au-delà des clivages gauche/droite. Que l’on ait une vision de gauche ou de droite des politiques dont devraient se doter le pays, il faut d’abord comprendre que ceux qui auront à appliquer ces politiques devront disposer des pouvoirs nécessaires pour assurer leur mise en œuvre.
***
Cela dit, je n’entends pas faire ici un résumé du livre de Paquette. Ce serait fastidieux et inutile : le livre est bien écrit, sa position est claire. Il est donc préférable de le lire. Par contre, je m’interroge sur la faisabilité de l’alliance proposée avec l’ADQ. D’ailleurs, Paquette lui-même est d’avis que les discussions pourraient s’avérer ardues. Mario Dumont, malgré ce qu’il dit de lui-même, est un politicien traditionnel et éminemment partisan. Son équipe déteste le « style » péquiste, qui est selon eux trop intello, trop à gauche et trop « montréaliste ». Par ailleurs, l’idée de s’associer à Québec Solidaire rebutera à plus d’un chez l’ADQ. Et vice versa.
Peut-on espérer que les adéquistes fassent preuve d’ouverture d’esprit si le PQ en vient à proposer un pacte électoral ? Peut-être si les sondages ne leur sont pas favorables et si le courant autonomiste est une force réelle dans ce parti et pas seulement un salmigondis de promesses en l’air. Par contre, nos autonomistes seraient davantage tentés de lever le nez à cette proposition si les sondages leur sont favorables et qu’ils sentent que nombre de fédéralistes déçus du PLQ voient en eux une alternative acceptable. Électoralisme oblige…
Comme Paquette, je suis d’avis que les autonomistes n’aboutiront à rien sans les souverainistes et vice versa. Il ne sera pas facile, cependant, d’aboutir à une entente. Le problème réside dans l’esprit même de la proposition de Paquette : rapatriement ou souveraineté. Dumont sait que les souverainistes sont convaincus que le fédéral s’opposera au rapatriement des pouvoirs. Il sait qu’il s’agit là d’une tactique visant à démontrer que le fédéralisme n’est pas réformable. Il n’acceptera jamais d’être l’outil qui permettra au PQ d’atteindre « sa » finalité. Non, il préfère être à la tête d’un gouvernement majoritaire et négocier à rabais, en espérant obtenir quelques miettes, question de démontrer qu’il est capable d’avoir gain de cause en quelque domaine. On doit essayer, mais je crains que le fruit ne soit pas encore mûr (et peut-être ne le sera-t-il jamais).
Le refus de l’ADQ d’adhérer au pacte électoral empêcherait la mise en branle d’une stratégie dite de convergence nationale, puisqu’il serait pour le moins difficile de réclamer le rapatriement de pouvoirs en l’absence du principal porteur politique de cette option. Dans un contexte de gouvernement minoritaire, le PQ serait en mauvaise posture pour agir. On l’a vu : l’occasion était belle pour Dumont de s’allier au PQ sur la question des projets de loi 195 et 196 (constitution et citoyenneté québécoise), mais il a préféré joindre sa voix aux opposants sans que personne dans son parti ne s’insurge contre sa décision. Rien ne laisse croire qu’il pourrait en être autrement à la prochaine occasion.
Et en terminant, une question : le PQ osera-t-il contacter Mario Dumont ? C’est ce que vous saurez lors du prochain épisode qui n’arrivera pas avant plusieurs mois…
Une alliance avec Québec Solidaire et les autres formations souverainistes ?
On pourrait croire qu’il serait plus aisé de s’entendre avec les partis et les mouvements souverainistes (QS, PI, UDIQ, RIQ…) qu’avec l’ADQ. On sait qu’une telle alliance pourrait même obtenir plus de 40% des voix, mais n’aurait que peu ou pas d’impact en termes de députation. Même si le PQ acceptait de céder à Québec Solidaire deux comtés comme Gouin et Mercier – ce qu’il ne fera jamais, à mon avis – n’aura aucun effet puisque ces comtés sont déjà représentés par des souverainistes.
Par ailleurs, la question identitaire n’est pas ce qui branche les militants de Québec Solidaire par les temps qui courent. Dans ce parti, tout ce qui est « identitaire » est automatiquement qualifié de droite, de « nationaleux », de réactionnaire et de pire encore. Éternel dilemme de la gauche idéologique que de ne pouvoir concilier pensée socio-économique de gauche et identité nationale. La réaction de ce parti face aux projets de loi 195 et 196 du PQ, ainsi que leur refus têtu de saisir ce qu’il y a de positif (parce que tout n’est pas noir ou blanc…) démontrent qu’ils ont de la difficulté à ajuster leur discours anti-identitaire à la réalité. Cette attitude polarise plus qu’elle ne crée d’unité. Dommage.
Enfin, dans un contexte où le PQ serait majoritaire, il serait pour le moins surprenant que le PQ s’engage seul ou avec ses partenaires souverainistes sur la voie du « rapatriement ou souveraineté ». Le mieux serait alors de jouer à fond la carte de la gouvernance nationale, selon l’approche préconisée par Gérald Larose. Gilbert Paquette ne s’oppose certes pas à cette façon de faire, mais il est d’avis qu’un pacte électoral incluant l’ADQ modifierait considérablement le rapport de force avec le fédéral. Il a raison.
Finalement, ce qu’il y a d’embêtant avec la proposition de faire alliance avec l’ADQ, c’est que son point faible est justement l’ADQ…


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6 commentaires

  • Christian Charron Répondre

    29 mars 2008

    J'ai décrit ici comment on peut faire bouger l'ADQ, dans cet article qui s'intitule «Conseils et stratégies pour réaliser la souveraineté du Québec» :
    http://www.debateria.com/article.php3?id_article=345

  • Archives de Vigile Répondre

    28 mars 2008

    Comme le répète assez souvent JRM Sauvé, la vie n'est pas rationnelle mais relationnelle.
    J'ai lu le livre de Gilbert Paquette et je n'ai rien contre.
    Mais il y a une différence entre la théorie et la pratique. Entre le rationnel et le relationnel.
    Le PQ et l'ADQ sont 2 partis traditionnels qui cachent leur option constitutionnelle dans le placard.
    Ce qui intéresse Mme Marois et M. Dumont, c'est de prendre le pouvoir et de gouverner la "province de Québec".
    L'ADQ est aussi autonomiste que le PQ est souverainiste, c'est-à-dire qu'ils ont tous les deux une option constitutionnelle qui s'apparente à un fantasme et qui leur permet d'attirer des militants-financiers et travailleurs d'élection dont on a besoin pour se faire élire, mais qu'on oublie aussitôt élu. Avec le PLQ, au moins on ne se fait pas d'idée. Ils sont fédéralistes et de purs et durs défenseurs du capital.
    Autrement dit, c'est de la boulechite pour naifs chroniques et penser que ces 2 partis vont faire alliance au nom des intérêts supérieurs du Québec relève de la pure utopie.
    Pierre Cloutier ll.m
    avocat

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    23 mars 2008

    M. Gendron, votre dernière phrase:
    "Finalement, ce qu’il y a d’embêtant avec la proposition de faire alliance avec l’ADQ, c’est que son point faible est justement l’ADQ…"
    se vérifie facilement: "Avez-vous déjà entendu quelqu'un de l'ADQ répliquer, ici, sur Vigile? Ne nous connaissent même pas. Tellement loin de faire valoir leur programme théorique d'autonomie maximale du Qc sur une tribune populaire où ils côtoieraient les indép. tous se tiennent béats à regarder leur chef se crêper le chignon avec le nôtre sur la qualité de la "bolle de toilette". Sans doute faudrait-il donner le temps aux chefs partisans de refroidir et envoyer M. Paquettte en émissaire pour expliquer aux nos. 2 des 2 partis les points saillants de sa thèse (sans doute en compagnie de M. Gendron, pour tempérer l'enthousiasme de l'utopie?)

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2008

    Tout ça est bien compliqué. Nous, Québécois francophones, sommes divisés entre Péquistes, Adéquistes et Libéraux très provinciaux en parts plus ou moins égales, selon les évènements et/ou la conjoncture. Comme tant d'autres, nous sommes une nation fédérée en marche, marche qui n'aura pas de fin tant que la fin du monde ne sera pas arrivée. Fait que, on est mieux de s'y habituer sans trop s'énerver parce qu'on va tous mourir nerveux et mal adapté.
    Les Québécois francophones nationalistes en grande majorité aimeraient ça trouver une solution constitutionnelle qui nous sécurise le français et la culture mais nos partis politiques préfèrent gouverner que de s'allier ou de faire des coalitions tant que le danger ne sera pas considéré assez grand, ce qui peut prendre encore pas mal de temps.
    Entre-temps, tentons de pousser nos partis politiques actuels dans les bras l'un de l'autre pour qu'ils agissent, à deux ou à trois, au point de vue constitutionnel même s'ils conservent leurs penchants à droite et à gauche qui veulent dire de moins en moins de quoi vu qu'on ne sait plus si les partis de gauche doivent ou non subventionner des compagnies de la droite pour créer de emplois pour les employés de la gauche et autres étrangetés du genre.
    Pour l'instant, nos partis politiques provinciaux et leurs adeptes sont plus portés à s'insulter qu'à former des alliances. Nos partis sont et seront ce que nous, Québécois sommes et seront, pas plus pas moins...nous les méritons et vice versa.
    De tout ça, un bon jour, sans trop forcer, LA solution du moment va arriver et ça va continuer : Toujours en marche, jamais arrivé.

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2008

    L'ADQ s'est fait élire sous de fausses représentations. On l'a vu quand M Dumont a refusé d'appuyer le Projet de Constitution du Québec. Il aura mis une semaine pour sortir du garde robe pour s'y opposer en reprenant la ligne éditorial de GESCA. En refusant de soumettre ce projet de Loi, qui est une pièce essentiel de son programme (L'État Autonome du Québec) à un débat, M Dumont a démontrer son manque de courage pour passer à l'acte (d'état). C'est exactement à ce moment là que son appuis à décroché et que Mme Marois est passer en avant. Le problème avec Super Mario c'est qu'il n'a aucune culture ou sens de l'état. Donc aucun centre de gravité politique (girouette). Cela dit il représente présentement la plus grande nuisance à l'intérët supérieur du Québec, car il permet à un Charest minoritaire de garder la main mise sur notre état, et pour longtemps.
    Le Plan de M Paquette va permettre de péter la baloune autonomiste de M Dumont et le plus tôt sera le mieux. Ensuite on pourra passer au Plan de M Larose.
    jcpomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    22 mars 2008

    Comme vous le dites «Cette alliance proposée par M. Paquette ne concerne pas que le PQ et l’ADQ. Elle serait aussi étendue aux autres formations souverainistes, comme Québec Solidaire»
    J'écrivais dans un commentaire à M. Paquette qu'il y a du boulot pour tout le monde. Effectivement, la proposition de M. Paquette ne sera pas mise en application avant un temps que nul de saurait définir et vous faites bien de ne pas tenter de le faire. Il faut donc travailler simultanément à offrir tout simplement l'indépendance à nos compatriotes. S'il faut espérer une chose, c'est que l'offre d'indépendance prenne de vitesse la proposition Paquette. La meilleure garantie d'une alliance féconde ne sera jamais autre chose que la prépondérance de l'option indépendantiste. Les raccourcis de complaisance nous conduiront à des culs de sac ou à des déceptions dont notre histoire fourmille.
    Gilles Verrier