Il est de bon ton, dans certains milieux, de s'interroger sur la pertinence de l'Organisation internationale de la Francophonie, qui regroupe aujourd'hui 55 États et gouvernements membres et 13 pays observateurs, et dont le Sommet bisannuel se tiendra à Québec en octobre prochain.
Nous avons eu le privilège, à des époques différentes et dans des gouvernements différents, d'occuper des fonctions ministérielles qui nous ont mis en contact régulier avec les différentes instances de la Francophonie. Chacun d'entre nous a, bien sûr, sa vision personnelle des axes à privilégier par l'organisation dans les années à venir. Mais nous éprouvons aujourd'hui le besoin de parler d'une seule voix pour dire l'importance de cette organisation multilatérale, les bénéfices de son action dans un grand nombre de pays du Sud et les avantages concrets que le Québec retire de son appartenance à ce grand ensemble.
Projets multinationaux
En cette époque où la mondialisation de toutes choses fait redouter l'affaiblissement des cultures nationales, l'idée de regrouper des pays ayant en commun l'usage du français s'inscrit parfaitement dans la dynamique actuelle des échanges multilatéraux. Parce qu'au-delà de l'appartenance à un continent ou à une aire géographique bien délimitée, au-delà de la recherche nécessaire d'alliances de nature économique et commerciale, les États voient de plus en plus d'intérêt à s'engager aussi dans des projets multinationaux qui leur permettent d'affirmer et de conforter leur identité culturelle et linguistique.
Si les pays utilisant l'anglais continuent de se regrouper, à l'exception des États-Unis, au sein du Commonwealth, si les hispanophones se retrouvent dans une organisation ibéro-américaine, s'il existe une Lusophonie rassemblant les huit pays ayant le portugais comme langue officielle, la Francophonie a elle aussi sa raison d'être.
La participation de la Francophonie à l'élaboration et à l'adoption de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est le meilleur exemple de sa capacité à contribuer avec succès à la réalisation de projets de grande envergure ainsi que de son influence sur d'autres organisations multilatérales.
Coopération
Sur un autre plan, on n'insiste pas assez sur le rôle de la Francophonie dans le développement de nombreux pays, plus particulièrement en Afrique et en Asie. Ses programmes de coopération qui touchent tous les domaines, y compris celui de la démocratie, ont permis jusqu'ici à une multitude de communautés d'avoir, notamment, un meilleur accès à l'éducation, au perfectionnement et aux nouvelles technologies d'information et de communication.
L'une des initiatives les plus marquantes à cet égard est le réseau de Centres de lecture et d'animation culturelle. D'inspiration québécoise, ce programme a donné naissance à 215 centres et à près d'une centaine de bibliothèques associées dans 17 pays africains.
La Francophonie compte aussi quelques grands opérateurs qui interviennent dans des champs particuliers. À Québec, l'Institut de l'énergie et de l'environnement, mis sur pied en 1988, a élaboré des outils de perfectionnement en gestion des ressources énergétiques et en environnement qui en font un partenaire de premier plan du développement de nombreux pays d'Afrique et d'Asie. Il a aussi créé Médiaterre, la plus grande base de données en français sur l'environnement dans le monde.
D'autres piliers
Est-il besoin d'évoquer TV5 Monde, le 2e réseau télévisuel mondial, qui atteint 175 millions de personnes, en espérant, bien sûr, qu'il ne deviendra pas la voix d'un seul pays mais qu'il demeurera cet incomparable outil multilatéral.
L'Agence universitaire de la francophonie est un autre pilier de l'organisation. Basée à Paris et à Montréal, elle met en réseau 600 universités et des milliers de chercheurs. L'Université Senghor d'Alexandrie, en Égypte, propose des programmes de 3e cycle destinés à des gestionnaires et professionnels africains engagés dans des projets concrets dans leurs pays respectifs.
Depuis les débuts de l'organisation, il y a près de 40 ans, le gouvernement du Québec a toujours joué un rôle très actif, tant dans les instances décisionnelles que dans les projets initiés par la Francophonie. Cet engagement continu a permis à un grand nombre de Québécois de participer à des projets structurants partout sur la planète. Il a renforcé considérablement la présence de nos universitaires, chercheurs et experts dans plusieurs forums internationaux de haut niveau.
Ne pas baisser les bras
Plus fondamentalement encore, la Francophonie est la seule organisation multilatérale dans laquelle le Québec siège de plein droit comme gouvernement, ce qui lui permet d'entretenir des relations d'égal à égal avec une soixantaine d'États souverains sur tous les continents et d'accéder modestement mais directement à la vie internationale.
Malgré les difficultés et les erreurs de parcours, si nous affirmons qu'il faut soutenir la Francophonie, ce n'est pas seulement pour ce qu'elle est ou pour ce qu'elle a déjà réalisé. C'est surtout parce nous souhaitons qu'elle en fasse davantage. La communauté francophone compte plusieurs pays parmi les plus pauvres de la planète, alors que d'autres sont parmi les plus riches et les plus influents.
Nous n'avons pas le droit collectivement de baisser les bras. Il nous faut nous inscrire plus fermement que jamais dans cette démarche globale et solidaire de la Francophonie, qui conjugue éducation, culture, démocratie et développement durable.
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Jacques-Yvan Morin, Ancien ministre responsable de la Francophonie
Liza Frulla, Ancienne ministre responsable de la Francophonie
Louise Beaudoin, Ancienne ministre responsable de la Francophonie
Il faut soutenir la Francophonie
XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008
Jacques-Yvan Morin7 articles
ministre de l’Éducation de 1976 à 1981
Professeur émérite de droit international public
ancien Vice-premier ministre du Québec
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