Francophonie: pour quoi faire?

Il en va de l'avenir d'une organisation qui pourrait bien rejoindre le panthéon de ces gentils forums internationaux où l'on discute de tout et surtout de rien.

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008

Dans une semaine exactement, les Québécois seront à peine sortis de la campagne électorale fédérale qu'ils accueilleront à Québec les 55 chefs d'État et de gouvernement membres de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). À cette occasion, Nicolas Sarkozy sera au Québec et prononcera même un important discours à l'Assemblée nationale, une première pour un président français.

Les Québécois restent dans le monde un des peuples qui se passionnent le plus pour l'avenir de la Francophonie. Sinon celui qui s'y intéresse le plus. La raison en est simple: les Québécois n'ont pas le choix. Cette Francophonie constitue leur seule porte ouverte sur la diplomatie internationale. Certes, le Québec peut faire toutes les missions économiques et rencontrer toutes les chambres de commerce qu'il veut, du Seichuan au Yukon. Mais, lorsqu'il entend parler d'autre chose que de bois d'oeuvre et de locomotives, lorsqu'il souhaite cogner aux portes des décideurs politiques, la Francophonie reste le seul forum international où il est reconnu comme interlocuteur à part entière.
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Ce n'est évidemment pas le cas de la France, pour qui la Francophonie apparaît souvent comme un club social où l'on croise des gens sympathiques et attachants mais qui compte pour des prunes. Avouons-le, c'est précédé de cette rumeur persistante d'un désintérêt constant pour la Francophonie et l'avenir de la langue française que le président français posera le pied à Québec vendredi prochain. Rarement président français aura montré moins d'intérêt pour la Francophonie. Que l'on se souvienne de ce discours d'une heure et demie sur la politique étrangère de la France en pleine campagne électorale, où Nicolas Sarkozy n'avait pas prononcé une seule fois le mot. Que l'on se rappelle cet agacement suscité chez lui par la saine colère de son prédécesseur Jacques Chirac, qui avait claqué la porte d'une réunion de l'Union européenne où le représentant des patrons français s'exprimait en anglais. Que l'on pense à son étonnante maladresse dans la réorganisation de l'audiovisuel français où il réduisait allègrement les intérêts de la Francophonie (et la mission de TV5) à ceux de la France.
À cela s'ajoutent mille et un petits détails qui ne trompent pas. Comme cette fascination snobinarde à l'égard de l'anglais chez certains membres du gouvernement actuel. Fascination qui pousse, par exemple, la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, à s'adresser en anglais à ses collaborateurs. Why not? Ou l'actuel ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, à écrire que «l'anglais est l'avenir de la Francophonie». Of course!
C'est peu dire que Nicolas Sarkozy a encore à faire ses preuves en matière de Francophonie. À commencer par démontrer l'intérêt qu'il porte à l'avenir de la langue française. Or le message qu'il a envoyé cette semaine s'ajoute inévitablement à la liste qui précède. Le 19 octobre prochain, il ratera le premier véritable débat au sein de l'OIF sur l'état de la langue française dans le monde. Certes, en ces temps de panique financière, l'agenda du président français, qui est aussi président de l'Union européenne, est plutôt bien garni. Mais Nicolas Sarkozy semble avoir oublié cette vérité, qu'il se fait pourtant fort d'illustrer en politique intérieure, selon laquelle les gestes en disent plus que les paroles. Le fameux story telling qu'il pratique pourtant si bien en d'autres circonstances.
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Mais en politique, il n'est jamais trop tard. Il n'en tient qu'à lui d'emboîter le pas à son premier ministre François Fillon qui, lors de son passage cet été au Québec, est loin d'avoir fait honte à la France. Il n'en tient qu'à lui de dépasser cette «diplomatie spectacle» à laquelle se réduit si souvent la Francophonie, comme l'a fort bien noté le politologue Marc Chevrier. «Cette diplomatie francophone ne pèse pas lourd dans la balance, elle ne décide de rien, déploie des moyens limités, s'élargit en continu à de nouveaux États-membres en diluant ses objectifs dans la poursuite de trop vastes résolutions», écrit-il.
Il n'en tient qu'au président français de s'engager à soutenir les nombreuses propositions de relance de la Francophonie qui lui ont été soumises depuis plusieurs mois. Qu'on songe seulement à l'excellent rapport de l'ancien président des chaînes publiques Antenne 2 et France 3, Hervé Bourges, qui dort depuis trois mois sur une tablette de l'Élysée, avec quelques autres. On y trouve toute une série de mesures qui permettraient de donner plus de visibilité à la Francophonie. Cela va d'une véritable relance de TV5 Monde à la création d'un visa francophone facilitant les déplacements entre pays de l'OIF, comme cela existe dans le Commonwealth.
Au Québec comme en France, les appels se multiplient pour que, sans abandonner son rôle politique, la Francophonie recentre son action autour de ce qui constitue sa mission première: la défense et la promotion de la langue française. Cette promotion va de pair avec celle du multilinguisme et non pas d'un bilinguisme réducteur qui consacrerait la domination d'une seule grande langue internationale.
Aujourd'hui, la moitié des pays membres de la Francophonie n'ont pas le français comme langue officielle. Parmi eux, 36 demandent leurs documents à l'ONU en anglais et 21 y font même leurs interventions dans cette langue. Enfin, 13 de ces pays n'offrent aucun enseignement en français dans leurs établissements primaires et secondaires. Si les pays où la majorité de la population parle le français ne jouent pas leur rôle, et au premier titre la France, on se demande qui le fera.
Il en va de l'avenir d'une organisation qui pourrait bien rejoindre le panthéon de ces gentils forums internationaux où l'on discute de tout et surtout de rien.


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