Francofolies

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008



Le bref passage de Nicolas Sarkozy à Québec pour le Sommet de la Francophonie témoigne bien de l’importance très relative de cette organisation même pour la maison mère de la Francophonie mondiale. Le président de la France donne priorité cette fin de semaine à un tête-à-tête avec George W. Bush, président des États- Unis pourtant déjà dépouillé de tout pouvoir réel face à la crise économique planétaire.
On n’entend d’ailleurs à peu près jamais parler de la Francophonie entre les sommets des chefs d’État ou de gouvernement des pays membres. La raison en est que ceux-ci n’ont à peu près rien d’autre en commun que l’usage de la langue française.
Le fossé entre les pays développés et ceux du Tiers-Monde est tel par ailleurs que peu d’actions concertées peuvent les souder.
L’Afrique francophone est continuellement en demande auprès de la France, de la Belgique et du Canada, dont les dirigeants doivent toujours patiner à reculons pour ne pas se faire siphonner financièrement au nom du partage de cette même langue. Les politiciens font aussi inscrire à l’ordre du jour de leurs séances des discussions sur l’économie ou l’environnement pour donner un semblant de pertinence à leurs échanges, mais ceux-ci se limitent alors à des phrases ronflantes, sans substance, et ils ne débouchent jamais sur des actions concertées concrètes. Encore une fois, le niveau très différent des économies l’en empêche. Il en va de même pour les thèmes récurrents des droits de l’homme, du respect des principes démocratiques de base et des guerres régionales. Personne ne veut déplaire à quiconque et on ménage les susceptibilités des pires dictateurs. L’influence de l’organisation de la Francophonie demeure donc extrêmement marginale parce que les fautifs n’ont pas à craindre de pénalités.
L’organisme a en plus ouvert ses portes à des pays où l’usage du français est très restreint simplement pour gonfler le nombre de personnes qu’il pourrait prétendre représenter.
Les gouvernements du Québec, libéraux comme péquistes, accordent enfin une importance artificielle à la Francophonie parce qu’il s’agit du seul organisme international de ce niveau où le Québec siège de plein droit même s’il n’est pas un pays souverain.
Le Québec et la France ont, par exemple, fait coïncider la signature d’une entente sur la reconnaissance mutuelle des diplômes de divers professionnels avec la tenue du Sommet alors que cela n’a rien à voir. Il s’agit d’une entente bilatérale qui a trop longtemps été retardée en raison seulement du corporatisme de nos ordres professionnels au détriment de l’amélioration du service à la population. C’est le cas notamment pour les médecins et les infirmières.
Les échanges Sarkozy-Harper ou Sarkozy-Charest se situent également dans la tradition des relations bilatérales permanentes avec la France, indépendamment des Sommets de la Francophonie.
Cher payé
Certaines réalisations méritent tout de même d’être soulignées, dont TV5, la large diffusion en format de poche d’oeuvres littéraires et des réseautages d’universitaires, quoique pour les mêmes raisons d’écarts nord-sud, les possibilités soient assez limitées dans le secteur scientifique.
Le maintien de la bureaucratie locale qui supporte l’appartenance du Québec et du Canada à la Francophonie, la contribution monétaire à divers projets et, cette année, l’organisation du Sommet des chefs d’État et de gouvernement sont cher payés pour ces petits fruits. Le gigantesque dispositif de sécurité déployé cette fin de semaine à Québec fera également grincer tous les contribuables. Les risques d’attentat ou de manifestations qui dégénéreraient sont à peu près nuls. Le seul chef d’État présent qui nécessite une sécurité maximale et dont certaines prises de position récentes suscitent des controverses est Nicolas Sarkozy, et il fait une simple visite éclair à Québec de quelques heures. Plus de 4 000 policiers ont toutefois dû être déployés parce que la réputation du Canada serait gravement entachée s’il fallait qu’un citoyen d’un pays sous dictature profite du passage du tyran au Sommet de la Francophonie pour lui faire un mauvais sort. La facture pour la seule sécurité sera astronomique.
La Francophonie est remorquée par les échanges en vases clos entre les dirigeants français, canadiens et de l’Union européenne qui prêtent un peu de substance à ce rendez-vous à Québec. À défaut de quoi, ce serait le vide total.


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