L'auberge francophone

XIIe Sommet de la Francophonie - Québec du 17 au 19 octobre 2008




S'il vivait encore, Charles de Gaulle qualifierait peut-être l'Organisation internationale de la francophonie de «machin», comme il avait désigné les Nations unies en 1960. La jeune ONU, estimait-il alors, menaçait de se constituer en «une majorité formée d'États totalitaires (et) d'États sans consistance»; elle s'éparpillait, secouée par des «courants frénétiques ou chimériques».
C'était injuste envers l'ONU et ce serait probablement injuste envers l'OIF.
Mais il reste que le XIIe Sommet de la francophonie, à Québec, n'a pas dissipé les doutes existentiels qu'inspirent ces assises. Car, de fait, l'OIF souffre toujours des dérives autoritaires de plusieurs de ses États membres (28 d'entre eux torturent!); qu'elle s'éparpille lorsqu'elle poursuit, à la pièce ou en vrac, des objectifs hors de sa compétence et de sa portée - l'auberge... francophone, en somme.
À la pièce, chaque délégation a en effet son ordre du jour, qui a en général peu à voir avec la langue. Et le Québec n'a pas de leçon à donner, obnubilé à nouveau par son psychodrame national et son insatiable soif de l'imprimatur français, manifestation de nombrilisme qui a dégoûté certains délégués africains.
En vrac, est-il certain que la Francophonie doive se disperser dans la politique politicienne, l'économie, l'environnement, alors que le statut du français dans le monde - qui est sa raison même d'exister - est en recul prononcé?
Tout cela est d'autant plus étrange que ce que l'OIF fait le moins mal, c'est de promouvoir la culture française, la connaissance et l'usage du français: à ce point de vue, le bilan présenté par Clément Duhaime, administrateur de l'organisme, est éloquent.
Il faudra choisir.
L'OIF peut croître pour croître, comme ont tendance à le faire toutes les organisations politico-bureaucratiques, en particulier celles qui sont grandes distributrices de « flags su' le hood » ! Et ce, jusqu'à devenir une mini-ONU, un méta-G8, une para-OMC qui se mêlerait de tout, ne réglerait rien, mais négligerait sa raison d'être.
Ou alors, elle peut revenir à l'essentiel. «Le métier de base de la Francophonie, c'est la langue, la culture et l'éducation. Ne négligeons jamais notre métier de base», prévient Philippe Suinen, commissaire général des relations internationales Wallonie-Bruxelles (à Dimanche Magazine, R.-C).
Or, à ce point de vue, il y a d'abord du travail à faire de l'intérieur.
À Québec, la question de la langue française était à l'ordre du jour pour la première fois en 12 sommets. La moitié des États membres de l'OIF n'ont pas le français comme langue officielle. On vient d'en admettre un 56e, l'Arménie, où on parle l'arménien, le russe et le kurde. Le Rwanda annonce avec tambours et trompettes qu'il passe à l'éducation en anglais. Ce week-end, on a évoqué l'émission d'une sorte de certificat de francisation destiné aux pays de la francophonie!
Carrément surréaliste.
Voyant cela, on craint qu'un jour il faille créer un organisme parallèle. Une «Off Francophonie» qui, elle, regrouperait vraiment des francophones et s'occuperait de ses oignons.


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