RAPPEL

Facal et ses prétendus lucides

La Dépossession tranquille

Dans sa chronique du 23 mars 2009, Joseph Facal rappelle le Manifeste des lucides pour nous rabâcher qu’ils avaient raison de proposer des hausses de tarifs. Hausses de tarifs rendues aujourd’hui incontournables par la baisse d’impôt irresponsable de 900 millions de Jean Charest et la débâcle de $40 milliards de la Caisse de Dépôt. Mais même sans ces deux reculs financiers le message des lucides semblait sensé. Pourquoi n’a-t-il pas passé ?

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Les lucides c’était au départ un regroupement de personnalités connues du monde des affaires, du milieu universitaire et de l’éditorialiste en chef de La Presse, piloté par Lucien Bouchard ex Premier Ministre du Québec ont présentés un manifeste controversé en octobre 2005. À ce groupe se sont greffé d’autres portes paroles du patronat, des chambres de commerces et du monde des affaires. Leur cause était d’alerter la population au sujet du déclin économique du Québec qui risque de s’aggraver avec le vieillissement de la population, de réduire la dette publique à laisser en héritage aux générations futures, de créer de la richesse pour maintenir nos programmes sociaux et adapter le Québec à la mondialisation.

Le signal d’alarme des lucides était réaliste à la lumière des finances publiques déficitaires, d’un système de santé malade, des services sociaux débordés, d’un système d’éducation détérioré et dysfonctionnel, d’un système universitaire fort en béton mais faible en qualité de diplômes, d’un système routier délabré et dangereux, d’une industrie manufacturière déportée en Asie, d’une agriculture non compétitive menacée par la mondialisation, d’un milieu d’affaire socialement et écologiquement irresponsable, frileux et dépendant des fonds publics, d’un milieu syndical dépassé et paralysé par la mondialisation, d’une classe politique dépassée, médiocre, sans vision et opportuniste et enfin d’une population béate, naïve, insouciante, ignorante, dépolitisée, endettée, dépendante et déresponsabilisée.

Ceci dit la grande messe de Lucien Bouchard en octobre 2005 avait une odeur suspecte.

D’abord il avait ce regroupement de politiciens frustrés par le PQ, de gens d’affaires, d’universitaires et de l’éditorialiste André Pratte, tous soudainement devenus éveilleurs de la conscience collective. Puis il y avait l’allure bâclé de leur manifeste tant dans sa forme que dans son contenu, ce qui ne correspondait pas à la qualité élevée des cerveaux assis à la table du Grand Lucide. L’imposture est graduellement apparue lorsque qu’après avoir exprimé sa profonde inquiétude au sujet de l’énorme dette du Québec, Lucien Bouchard faisait quelques semaines plus tard la promotion du projet non prioritaire de la Cité du Havre.

Quelques mois plus tard Jean Charest, pour qui le manifeste des lucides était de la musique à ses oreilles, pavoisait suite à une hausse de la cote de crédit du Québec. Si la dette avait été excessive Moody’s n’aurait pas rehaussé la cote. D’autres lucides comme André Pratte et Michel Kelly Gagnon n’ont cessé de s’apitoyer sur l’abandon du projet polluant du Suroit, du projet improvisé du CHUM à Outremont et du projet socialement inacceptable et non rentable du Casino au bassin Peel. Ils ont tenté de camoufler l’incapacité du milieu d’affaires à structurer convenablement ces projets en accusant les groupes sociaux et environnementaux d’être responsables de leurs échec et de l’immobilisme économique au Québec. M. Kelly Gagnon a même demandé au Premier Ministre de leurs couper les subventions pour les faire taire. De son coté, Mme Françoise Bertrand présidente de la Fédération des Chambres de Commerces du Québec à demandait à Jean Charest la création d’une Agence de Conseil Économique pour contrer l’influence des groupes sociaux et du BAPE et ainsi imposer leur projet polluant et non prioritaire.

Puis il y avait enfin le concept accrocheur de création de richesse du pro-lucide Alain Dubuc. Concept qui permettrait selon Dubuc d’assurer la survie des programmes sociaux. Toutefois la réalité de la dernière décennie montre le contraire. Les exportations du Québec aux États-Unis principale source de création de richesse, ont littéralement explosé depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA en 1994. Pourtant les finances publiques sont toujours déficitaires, les Québécois endettés comme jamais et au dire des lucides le Québec souffre d’immobilisme économique. La création de richesse sans les exigences de la responsabilité sociale, du partage équitable et du respect de l’environnement n’est rien d’autre que du capitalisme sauvage qui enrichi les nantis au détriment des pauvres et ruine lentement mais surement le Québec.

En résumé le cri d’alarme des lucides enrobé d’inquiétudes pour les générations futures était en fait les larmes de crocodiles des bébés d’affaires Québécois affolés parce que la mamelle gouvernementale se tarissait. Elle risquait de ne plus donner le lait des subventions d’affaires, des congés fiscaux, des prêts sans intérêt, des études inutiles mais payantes, des contrats juteux et des extras extra-profitables. Quinze mois après le manifeste, les lucides ont commandé à la maison CROP un sondage pour vérifier la crédibilité de leur message dans la population. Malgré des questions plus biaisées qu’une question référendaire, une majorité solide des Québécois et surtout des jeunes se sont dit solidaire du modèle québécois actuel. Le choc fut brutal et les faces longues pour les lucides qui réalisaient tout à coup qu’ils venaient de s’auto-démasquer. Le message n’a pas passé non pas par ce qu’il est faux mais parce que les messagers ont été perçus comme des faux. En effet qui va croire que ces apôtres du profit ont une préoccupation sincère pour le sort de la veuve et de l’orphelin. La gogauche avait raison de dénoncer ces hypocrites du capitalisme irresponsable qui se drapaient d’intentions vertueuses dans leur manifeste bâclé.

Si le message des lucides n’a pas passé, ce n’est pas qu’il était faux, mais parce qu’il était biaisé et surtout porté par des messagers qui ont été perçus comme des faux qui ne cherchaient qu’à endetter encore plus le Québec pour des projets de prestige non prioritaires ou des projets néfastes à la société et à l’environnement.


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