La question m’est arrivée dans le courriel d’un lecteur. Je vous la résume : pourquoi au Québec nous dit-on de voter NPD pour nous assurer de défaire Harper, alors que nous avons élu Couillard sans hésiter à la dernière élection ?
L’auteur est un jeune homme. Sa question est pertinente. C’est la réponse qui pose problème. Il est tellement évident qu’il a raison de la poser, pourtant. Que faut-il lui répondre d’autre que, hélas, au Québec, sans que personne ait jamais réussi à l’expliquer totalement, nous sommes peut-être des analphabètes politiques ? J’ai entendu récemment des spécialistes en la matière expliquer qu’en raison de notre statut de peuple vaincu, de peuple soumis ensuite, toujours inquiets de poser un geste qui pourrait déplaire au reste du Canada, nous subissons tout sans vraiment nous révolter et tendons l’autre joue comme on nous a appris à le faire. Nous pataugeons depuis si longtemps que c’est devenu un comportement collectif qui nous permet de croire que nous sommes un peuple généreux et doux qui déteste la chicane même si elle était parfaitement justifiée.
Pour ma part, j’attribue volontiers cette attitude, qui nous porte à faire confiance d’abord aux beaux parleurs, à cette conviction qu’ils sauront mieux que nous ce dont nous avons besoin pour évoluer. Avec une telle attitude, nous n’avançons pas vite, il est vrai. J’ai pourtant la conviction que nous sommes moins naïfs que ne l’étaient nos grands-parents et que, quand nos jeunes auront réalisé qu’on ne peut pas prétendre être des citoyens du monde si on ne sait pas bien l’identité qu’on porte au plus profond de soi, notre longue lutte de libération ne sera pas terminée.
J’aimerais connaître le nombre de Québécois qui regrettent d’avoir voté pour un certain Philippe Couillard. On ne fait pas beaucoup de sondages sur ce sujet. Et rien n’a jamais été prévu dans notre système dit démocratique pour nous permettre de dire que ça suffit et que nous souhaitons un changement de dirigeants. Pas fous, les politiciens… Ils ont tout prévu, y compris un emploi garanti pour quatre ans même quand ils s’adonnent davantage à la destruction qu’à la construction.
Pour le moment, à cinq pleines semaines du scrutin, des sondages semblent indiquer que le NPD va vers une majorité en Colombie-Britannique et au Québec. Il plonge cependant en 3e position en Ontario, ce qui va lui faire très mal. Nos votes risquent donc de permettre au NPD de retrouver ses sièges dans l’opposition et de tourner le dos au Québec comme il l’a fait au cours des dernières années. Est-ce vraiment ce qu’on veut ?
Nous aurions intérêt à nous voir tels que nous sommes. Nous sommes plus un peuple peureux qu’un peuple sûr de lui, et nos amis canadiens, qui constatent ce qu’ils peuvent nous faire avaler année après année, n’ont aucune raison de penser que nous allons changer un jour. Ils vont donc continuer à nous laisser l’accès aux miettes qui tombent de la table canadienne, mais ils n’ont aucune raison de changer d’attitude envers nous.
Depuis quelques jours, M. Harper termine ses interventions en s’adressant aux Canadiens et Canadiennes, et il rajoute Québécois et Québécoises. La première fois, j’ai sursauté. Je me suis dit : « Tiens, Ottawa vient de nous séparer… »
C’est plutôt parce que Harper est en difficulté au Québec et que, tout à coup, il réalise qu’il a une côte à remonter et que tous les moyens sont bons. Il ne faudrait pas se laisser toucher par une telle manoeuvre. Elle est trop cousue de fil blanc.
En réponse à mon jeune lecteur, je ne sais pas pourquoi le Québec a voté Couillard. Je me doute bien que mon peuple, si fragile, a eu peur d’être dirigé par une femme. C’était une première, un nouveau modèle de pouvoir, et comme on sait que le monde entier est mené par des hommes, avec les résultats que nous avons sous les yeux tous les jours et qui ne font pas état seulement de réussites, le peuple a pensé qu’une femme n’y arriverait jamais. Et hop ! Au suivant.
De là mon insistance depuis des années auprès des Québécois. Il faut cesser de voter n’importe comment et pour n’importe qui. René Lévesque n’était pas docteur ni avocat, mais il aimait son peuple plus que sa propre vie. J’ai rencontré dans ma vie des gens qui ne pouvaient pas signer leur nom, mais qui avaient des idées intéressantes pour améliorer le sort du monde. Les assoiffés de pouvoir seront toujours les plus dangereux en politique parce qu’ils s’enflent la tête de la taille d’une montgolfière et partent pour la gloire en oubliant tous ceux et celles qui leur ont fait confiance.
Apprendre à choisir son candidat et à voter avec sa tête, un objectif pour le 19 octobre. Se rappeler que quatre ans, c’est long.
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