Good luck, Canada

The US has seen that movie before, it's not a happy ending. Oh, and enjoy that AAA credit rating while it lasts.

Les États-Unis ont déjà vu ce film, il se termine mal. Au fait, profitez de votre cote de crédit AAA pendant qu’elle tient encore. [Ma traduction]

ZeroHedge 20/10/2015

L’ironie est mordante, mais le commentaire fait mouche. Sans témoigner d’une connaissance approfondie de la politique canadienne, le site financier et économique américain ZeroHedge tire sa conclusion de la victoire spectaculairement équivoque de Justin Trudeau aux élections fédérales d’hier.

En effet, toute spectaculaire soit-elle en termes de remontée et de sièges gagnés, cette victoire du Parti Libéral du Canada n’en demeure pas moins très équivoque pour les fractures qu’elle se trouve à mettre en relief, notamment la division politique du Canada en deux, qui coïncide exactement avec la géographie, la démographie et le type d’économie de chacune des deux parties.

L’Est du pays est plus peuplé, son économie repose surtout sur les services et la transformation, et il a voté Libéral. L’Ouest est moins peuplé, son économie est très largement tributaire des richesses naturelles, notamment le pétrole et le gaz, et il a voté très majoritairement Conservateur. Le résultat : 152 sièges Libéraux sur un total de 224 dans l’Est, soit approximativement 2 sur 3, et 29 sièges Libéraux sur un total de 104 dans l’Ouest, soit approximativement 1 sur 4. Cette différence négative dans le niveau de soutien des Libéraux dans l’Ouest aura nécessairement des répercussions au plan politique.

D’autant plus que, au cours des dix dernières années, la création de richesse sur une base per capita a été plus forte dans l’Ouest que dans l’Est, et la population des provinces de l’Ouest, surtout en Alberta, s’est trouvée, par le jeu des impôts payés, à contribuer davantage que les autres Canadiens au financement des programmes de transferts sociaux et de péréquation du gouvernement fédéral, créant de ce fait un fort sentiment d’injustice dans l’Ouest. La diminution des revenus du pétrole occasionnée par la double baisse de la demande mondiale et des prix va contribuer à accroître le sentiment d’aliénation de l’Ouest, et les Libéraux en feront éventuellement les frais même s’ils n’en sont pas directement responsables.

On découvre donc à l’issue du scrutin d’hier une situation très complexe que seule une analyse plus pointue des résultats va nous permettre de décoder. Pour les fins du présent éditorial, je vous propose la méthode des gagnants et des perdants. Qui gagne, qui perd à l’issue de ce scrutin ? Comme il est plus facile d’identifier les perdants, commençons par ceux-ci.

Les perdants

Sont perdants : les maisons de sondage qui n’ont rien vu venir, L'ouest et surtout l'Alberta et la Saskatchewan, Stephen Harper, le Parti Conservateur en général, les élus Conservateurs, ministres et députés qui perdent le bénéfice de l’appartenance au parti qui forme le gouvernement, les députés Conservateurs défaits, les candidats Conservateurs défaits Thomas Mulcair, le NPD en général, les députés NPD défaits, Gilles Duceppe à titre de chef du Bloc Québécois, les candidats du Bloc défaits, tous les Québécois qui se sont imaginés qu’ils ne couraient aucun risque à voter pour un parti représentant d’autres intérêts que les leurs.

Sont également perdantes les finances publiques canadiennes qui vont être malmenées. Justin Trudeau prévoit des déficits pour deux ans et un retour à l'équilibre budgétaire en 2017... si la conjoncture économique ne se dégrade pas d'ici là. Or nous entrons en récession et une nouvelle crise financière mondiale nous pend au nez.

Se greffent aux perdants les alliés du gouvernement et certains groupes d’intérêts très proches qui avaient choisi de s’y identifier en raison de l’influence qu’ils avaient sur lui. Ainsi en est-il de l’industrie pétrolière, du lobby ukrainien, du lobby sioniste, ou du lobby des armes à feu, pour ne mentionner que les plus importants ou les plus présents dans le débat public.

Les gagnants

Sont gagnants tous les Canadiens qui souhaitaient non pas tant du changement que de se débarrasser du gouvernement Harper, Justin Trudeau, le Parti Libéral du Canada, les élus Libéraux ministrables, Radio-Canada qui va échapper au couperet que lui promettaient les Conservateurs et dont l’engagement partisan dans cette campagne électorale mérite à lui seul une thèse de doctorat, les milieux scientifiques canadiens, les partisans du multiculturalisme, les porteuses de niqab, les « tizamis » Libéraux, le maire Coderre, les banlieusards de la Rive-Sud de Montréal qui vont échapper au péage sur le nouveau Pont-Champlain, la communauté italienne du Québec qui a voté en masse pour les Libéraux, les partisans de la libéralisation des drogues douces, etc.

Ces listes ne prétendent pas être exhaustives. Elles visent tout simplement à susciter votre réflexion et vos commentaires pour les enrichir et améliorer notre compréhension collective des conséquences possibles de l’événement historique que nous venons de vivre. En effet, en raison de la conjoncture toute particulière dans laquelle nous nous trouvons, cette élection constitue un point de bascule. Il nous reste à comprendre vers quoi.

Couillard

Certains, comme le premier ministre Couillard, voudront y voir un signe du « lent déclin du mouvement souverainiste ». Ils ne pourraient être davantage dans l’erreur. Bien au contraire, le regain de vie du Bloc Québécois après que tous les commentateurs l’aient déclaré mort et que les médias système se soient tous donnés le mot pour le priver de l’oxygène de la visibilité tient presque du miracle. Non seulement le Bloc n’est-il pas mort, mais il passe de 2 députés à 10. L’acte de décès était nettement prématuré.

Cela dit, les indépendantistes doivent comprendre qu’ils sont engagés dans une guerre à mort avec les fédéralistes canadiens qui ne reculeront devant aucun moyen, l’expérience du référendum de 1995 l’a amplement démontré, pour empêcher le démantèlement du Canada. Les fédéralistes sont incapables de voir que le Canada se démantèle tout seul, et que le mouvement indépendantiste ne fera que profiter d’une conjoncture porteuse le moment venu. Plus cette échéance se rapprochera, plus les fédéralistes, comme l’animal traqué au pied du mur, seront dangereux.