Un groupe d’enseignants en colère a perturbé une réunion du conseil des commissaires de la CSDM, mercredi soir, à Montréal, pour dénoncer la décision de la commission scolaire d’appliquer la nouvelle loi sur la laïcité de l’État.
Une dizaine d’enseignants ont déployé une banderole et scandé des slogans à l’entrée de la salle où les commissaires de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) se préparaient à adopter un rapport de son directeur général sur les modalités d’application de la Loi sur la laïcité de l'État.
Jeudi de la semaine dernière, la CSDM a annoncé qu’en dépit de son opposition aux dispositions de la loi qui interdisent à certains enseignants de porter des signes religieux, elle se pliera aux injonctions de Québec et les appliquera dès cette année.
Les enseignants de la CSDM opposés à la loi ont vivement dénoncé cette volte-face de leur employeur, qui réclamait en juin dernier à Québec un report d’au moins un an de l’entrée en vigueur de la loi en raison des sa complexité et des questions épineuses qu’elle soulève dans son application.
J’étais là le 19 juin dernier lorsqu’ils ont dit qu’ils allaient refuser d’appliquer cette loi. Puis soudain, ils ont changé sans nous donner aucune explication.
Parmi les manifestants, des enseignantes musulmanes voilées ont réitéré leur malaise face à la nouvelle loi, même si plusieurs d’entre elles bénéficient du droit acquis de porter le hidjab parce qu'elles ont été embauchées avant le 28 mars 2019, comme le stipule la loi.
Ceux et celles qui ont été embauchés après le 28 mars devront cependant s’abstenir de porter des signes religieux ou faire face à des mesures disciplinaires allant jusqu'au congédiement.
Il faut vraiment défendre les enseignantes qui sont minoritaires. On représente peut-être 1 % ou 2 % de la CSDM
, a plaidé Dalila Matoub, enseignante à la Commission scolaire de Montréal.
La CSDM n'avait pas le choix, plaide la direction
Or, la direction de la CSDM n’a pas eu le choix de se plier aux exigences de la loi, selon sa présidente Catherine Harel Bourdon. Elle a reçu le 20 août dernier une lettre du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, expliquant que le gouvernement pourrait recourir à des « leviers d’intervention » pour l'obliger à appliquer la loi.
Les autres commissions scolaires de la province ont aussi reçu une lettre semblable signée par la sous-ministre de l’Éducation, leur rappelant leur obligation d’appliquer la loi.
Selon Mme Harel Bourdon, la direction de la CSDM ne pouvait faire autrement que d’appliquer la loi qui est entrée en vigueur le 16 juin dernier.
Les directeurs généraux [des commissions scolaires] sont tenus d’appliquer cette loi-là, il y a même un article précis de la loi qui le prévoit. […] Qu’on soit pour ou qu’on soit contre, notre directeur général n’avait pas le choix d’appliquer cette loi.
La présidente de la CSDM déplore par ailleurs que Québec l’ait obligée à appliquer cette loi « complexe » sans avoir pris soin de répondre au préalable à ses interrogations sur les difficultés que présente son application.
« On souhaitait être entendu, mais on n’a pas été entendu », a déploré Mme Harel Bourdon.
Questions sans réponses
La CSDM demandait par exemple au ministre qui payerait les frais juridiques en cas de contestation d’un employé lésé ou lors d’arbitrage portant sur d’éventuels litiges touchants l’application de la loi. De telles questions sont importantes, selon Catherine Harel Bourdon, pour éviter les services aux élèves n’écopent en bout de ligne de ces frais juridiques.
Les modalités d’application, c’est très complexe, on a beaucoup d’employés. Au niveau des recours juridiques qui vont être pris, on est très prudent, que ce soit notre commission scolaire ou une autre, il y a en a une qui va se retrouver au cœur d’un litige.
La CSDM demandait également au ministère de l’Éducation quelle serait la gradation des mesures disciplinaires à adopter devant des membres du personnel qui refuseraient catégoriquement de s’abstenir de porter des signes religieux au travail.
Mme Harel Bourdon n’a pas obtenu de réponses.