En vertu des règles actuelles, le ministère des Transports fait une analyse lorsque la soumission la plus basse à un appel d'offres est de 15% plus élevée que sa propre estimation de la facture du projet. Si cet écart n'est pas justifié, le Ministère annule l'appel d'offres et en lance un autre. Photo: Bernard Brault, archives La Presse
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Tommy Chouinard - (Québec) Des députés du Parti québécois ont fait pression sur la ministre des Transports, Julie Boulet, en vue d'éviter que des appels d'offres soient annulés même si les soumissions les plus basses dépassaient de 24% à 35% les estimations du Ministère. Leur tentative a échoué.
Excédée par les attaques de l'opposition au sujet de contrats attribués par son ministère, Julie Boulet a dégoupillé cette grenade au cours de la période des questions à l'Assemblée nationale, hier. «Il n'y a pas si longtemps, des collègues députés péquistes sont venus me voir pour autoriser des projets qui dépassaient de 24% puis de 35% les estimés qu'on avait faits. Alors, c'est drôle, aujourd'hui, qu'il y ait comme deux règles, hein? Alors, franchement, la désinvolture n'est pas de ce côté-ci», a-t-elle lancé. L'attaque a provoqué des échanges acrimonieux entre libéraux et péquistes.
La ministre a toutefois refusé de divulguer les noms des députés et quels projets étaient visés, mais elle dit avoir des «preuves». Au moins deux appels d'offres - qui ont finalement été annulés malgré les pressions des députés, selon le cabinet de la ministre - sont en cause. «J'ai une date, j'ai des noms. Mais pour l'instant, je ne les donne pas», a-t-elle répondu aux journalistes, laissant planer des soupçons sur l'ensemble de la députation péquiste.
La réponse de Julie Boulet est surprenante car, la semaine dernière, les libéraux avaient accusé l'adéquiste Sylvie Roy d'avoir abusé de l'immunité parlementaire et d'avoir jeté le doute sur l'ensemble du Conseil des ministres en affirmant, sans les nommer, que trois ministres avaient séjourné à bord du luxueux yacht de l'entrepreneur en construction Tony Accurso.
En vertu des règles actuelles, le ministère des Transports fait une analyse lorsque la soumission la plus basse à un appel d'offres est de 15% plus élevée que sa propre estimation de la facture du projet. Si cet écart n'est pas justifié, le Ministère annule l'appel d'offres et en lance un autre. C'est ce que des députés péquistes, pour une raison inconnue, auraient voulu éviter dans le cas de certains projets routiers. Québec envisage d'abaisser le seuil de 15% à 10%. Par cette mesure, le gouvernement veut se prémunir contre la collusion entre entrepreneurs et la hausse artificielle des coûts de construction.
Comme la remarque lancée par Julie Boulet n'est accompagnée d'aucune précision, on ignore les motifs et l'intérêt des députés qui ont fait pression sur elle.
Au cours de la période des questions, le critique péquiste en matière de transports, Stéphane Bergeron, a dénoncé «la proximité» de membres du gouvernement avec une entreprise de Tony Accurso, Simard-Beaudry, qui obtient des contrats publics. Il a fait valoir qu'une photo publiée dans l'hebdomadaire The Suburban le 20 novembre 2008, en pleine campagne électorale, montre la ministre des Finances et présidente du Conseil du Trésor d'alors, Monique Jérôme-Forget, et le ministre de la Famille, Tony Tomassi, en compagnie d'un ex-secrétaire de la FTQ-Construction, Edward Brandone, et de Lisa Accurso, administratrice de Simard-Beaudry et fille de Tony Accurso.
Plus tard, Stéphane Bergeron a souligné que, de 2004 à 2008, le ministère des Transports a accordé des contrats totalisant 160 millions de dollars à des entreprises, dont Simard-Beaudry, qui avaient été dénoncées en 2003 par l'un de ses fonctionnaires pour une participation possible à un système de collusion à Laval. La Sûreté du Québec et le Bureau de la concurrence du Canada avaient été saisis de l'affaire à l'époque. «Tant qu'il n'y a pas de condamnation, de preuve de culpabilité, on ne peut pas légalement interdire à une entreprise de soumissionner», a rétorqué Julie Boulet. Elle a souligné que, sous le gouvernement péquiste, de 1998 à 2003, le ministère des Transports avait attribué des contrats de 170 millions aux mêmes entreprises de Tony Accurso sur des investissements totaux de 3,5 milliards. «Quant à nous, c'est 160 millions de 2004 à 2008 sur deux fois plus d'investissements, 6,5 milliards de dollars. Alors, sincèrement, je pense que vous devriez faire attention», a-t-elle dit à l'opposition.
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