Lors du passage de Jean Charest à la télé de Radio-Canada dimanche dernier, il a été question de courage. Du courage que cela avait pris au premier ministre pour se présenter dans le studio de Tout le monde en parle. Ça m'a fait sourire. Sans doute parce que, pour moi, le vrai courage d'un premier ministre dans l'eau chaude, comme c'est son cas, ç'aurait été d'aller s'asseoir devant Alain Gravel ou Marie-Maude Denis, deux journalistes chevronnés qui décortiquent le dossier de la collusion et de la corruption depuis des mois à l'émission Enquête et qui ont été parmi les premiers à vraiment attirer l'attention du public sur ce qui se passait sous notre nez. Mais M. Charest ne semble plus avoir «le bon réflexe», celui qui lui a si souvent permis de retomber sur ses pieds dans les moments difficiles de sa longue carrière.
Quelqu'un a dû lui dire que les émissions de variétés, avec gros public, étaient du bonbon quand on avait besoin de se refaire une image. Cela avait déjà marché, il a donc remis ça. Il a dû sentir très vite que c'était une AUTRE erreur de jugement de sa part que de se présenter là dans l'état actuel du désamour de la population à son égard. Il y a un conseiller qui a dû se faire parler dans le nez après l'épreuve. La douche froide que le premier ministre a reçue lui a peut-être permis de prendre la mesure de la vertigineuse dégringolade dont il est victime. On peut penser que, s'il ne le savait pas déjà, il ne peut plus feindre l'ignorance depuis dimanche dernier.
Il est davantage aimé à l'étranger que chez lui en ce moment. Probablement parce qu'à l'étranger, il peut encore se donner le beau rôle. En France, on lui a remis la Légion d'honneur avec toute la crème fouettée que le président Sarkozy a pu trouver. Ces derniers jours, en Australie, on a nommé une forêt en son honneur pour son «leadership» en environnement. À Cancún, ses critiques du gouvernement Harper, quant à l'attitude négative de ce dernier dans le dossier de l'environnement, avaient des allures de provocation. Il a souhaité haut et fort une élection fédérale au printemps 2011 pour lui permettre de combattre le fédéral sur ce terrain. Il s'est sans doute souvenu que le Québec aime en découdre avec Ottawa. Il pourrait envisager de se refaire une virginité en rouvrant les hostilités avec Ottawa, qu'il a tant négligées depuis des années.
Le courage, celui qui manque tellement à M. Charest, je l'ai trouvé ailleurs.
Le courage est venu de jeunes libéraux. On a vite réagi dans ce parti pour dire qu'il n'y avait rien là, une poignée de jeunes qui réclament la démission de Jean Charest. Moi, au contraire, j'ai trouvé que ce mouvement de contestation, parti de Lanaudière, mené par quelques jeunes dans la vingtaine, avait quelque chose de rafraîchissant par rapport à ce que les libéraux adultes, autonomes et vaccinés nous ont offert comme image de robots silencieux depuis des semaines. C'est inquiétant pour le premier ministre, même s'il joue l'indifférent, mais moi, ça me rassure.
Logiquement, le mouvement amorcé dans Lanaudière va s'amplifier. Ces jeunes du Parti libéral sont visiblement mal à l'aise avec les positions défendues par Jean Charest et son refus de se rendre au désir presque unanime de la population d'une commission publique d'enquête sur la corruption et la collusion, réclamée sur tous les tons, avec un mandat assez large pour qu'on comprenne bien de qui et de quoi nous avons été les victimes au cours des dernières années. Le premier ministre a le devoir de faire la lumière dans ce dossier ou de céder le dossier à son successeur, qui devra le faire.
On a souvent dit au cours des dernières années que les Québécois se complaisaient dans l'immobilisme. On a essayé de nous faire croire que c'était la faute des citoyens qui s'opposaient à tout projet de grandeur et qui refusaient systématiquement tout changement, quel qu'il soit. Ce que nous vivons en ce moment nous permet de mettre la responsabilité de notre manque d'enthousiasme beaucoup plus sur les magouilles — que nous devinions depuis longtemps — que sur notre supposée peur du changement.
J'aime bien les jeunes dissidents qui s'avancent timidement dans notre monde si peu accueillant pour la jeunesse. Il y a quelques semaines, 50 jeunes ont convoqué une conférence de presse pour dire qu'ils voulaient un pays (ma chronique «Taisez-vous les enfants», 5 novembre 2010). Puis, il y a maintenant ceux de cette semaine...
Les jeunes disent souvent qu'on leur a tout pris, nous, les aînés. Le défi qu'on leur offre aujourd'hui est un cadeau rare. Il leur faudra une bonne grosse dose de courage. Mais ça, ils l'ont déjà.
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